TV – « Westworld », horde de robots dans le Far West
TV – « Westworld », horde de robots dans le Far West
Par Martine Delahaye
Notre choix du soir. Dans un parc d’attractions, les visiteurs peuvent revivre le frisson de la conquête de l’Ouest, avec des figurants androïdes. Un grand spectacle métaphysique (sur Canal+ Séries à 20 h 55).
Westworld Season 1 Official Trailer (2016) | HBO (MATURE)
Durée : 02:11
Que produiriez-vous si vous n’aviez pour seule limite que votre imagination ? Une question que se pose tout scénariste avant de se lancer dans l’écriture d’une série. Une question qui s’impose aussi aux visiteurs du parc Westworld, débarqués du train qui les transporte dans un Ouest « sauvage » de la fin du XIXe siècle parfaitement reconstitué (à l’image des westerns d’Hollywood), et peuplé d’humanoïdes à leur entière disposition.
Sachant tout de même que, comme dans toute fiction, la mort ici n’est jamais réelle. Ni pour les mâles venus à Westworld jouer les cow-boys, car ces visiteurs sont des clients que l’on compte bien voir revenir (les balles qu’ils reçoivent ne les blessent aucunement), ni pour les humanoïdes (programmés pour paraître aussi vrais que des humains), puisque même égorgés, saignés à blanc ou scalpés, ils seront vite récupérés par le personnel du parc. Puis remis en état et vidés de toute mémoire avant de reprendre place dans la vie de ce western virtuel.
Anthony Hopkins (Dr Robert Ford). / HBO
Ces « hôtes » humanoïdes, qui, chaque jour, accueillent des invités venus vivre une expérience exotique, sont la création d’un chercheur-showrunner, Robert Ford (Anthony Hopkins), qui vit dans un laboratoire situé sous le parc. Non content d’avoir imaginé et encodé des centaines de personnages différents, il souhaite maintenant les amener à un stade supérieur de sophistication : leur permettre de rêver. Un projet faustien qui va entraîner des dysfonctionnements chez ses personnages, puisque l’étoffe des rêves se tisse de souvenirs…
Qui plus est, enrichir les androïdes de plus d’humanité suppose une vision de ce qui rend un personnage attachant, et son histoire intrigante pour le public. Or, le chercheur-créateur de Westworld n’en a pas la même perception que son scénariste en chef, censé lui proposer, pour la saison suivante, une nouvelle approche de la fiction que livre le parc. A ce scénariste sûr de lui, qui estime que chaque invité attend de se découvrir lui-même à travers son expérience dans le parc, Robert Ford oppose un non catégorique : « L’idée, ce n’est pas de donner aux gens ce que vous croyez qu’ils veulent. Ils ne viennent pas pour une histoire qui leur raconte qui ils sont. Ça, ils le savent déjà. Ils sont là parce qu’ils veulent entrevoir ce qu’ils pourraient être. »
Rendre le spectateur conscient
A la manière brechtienne, Westworld casse ainsi constamment le quatrième mur entre scène et public, rendant le spectateur conscient, à chaque viol ou massacre, de l’overdose à laquelle il se soumet passivement dans nombre de séries (notamment dans la série Game of Thrones, produite par HBO comme Westworld) et critique. Ce qui, et l’exploit est là, n’empêche pas de s’attacher à l’histoire des androïdes, parce qu’ils vont connaître le doute, évoluent et aspirent à une forme de liberté, contrairement à leurs invités, dans les seuls quatre épisodes que nous avons pu voir.
Un conseil : ne pas délaisser Westworld au vu du premier épisode, qui agit en trompe-l’œil. On est sans doute là face à une grande série. Qui ouvre une ère, à la fois fiction et réflexion sur la création de fictions. Une métasérie.
Westworld, série créée par Lisa Joy et Jonathan Nolan. Avec Evan Rachel Wood, Jeffrey Wright, Sidse Babett Knudsen, Anthony Hopkins (EU, 2016, 70 min, puis 9×45 min).