Deux équipages au lieu d’un pour que les frégates françaises continuent de naviguer
Deux équipages au lieu d’un pour que les frégates françaises continuent de naviguer
Par Nathalie Guibert
Les accidents subis en 2017 par la flotte américaine du Pacifique en raison d’une surchauffe opérationnelle ont été observés de près.
A bord de la frégate multi-missions « Aquitaine », au large de Brest, le 11 mai. / FRED TANNEAU / AFP
Très engagée en opérations, confrontée à une fatigue de ses marins et à la difficulté de les fidéliser dans le métier, la marine nationale vient de prendre une décision importante : les frégates multi-missions (Fremm), dernières nées dans la flotte de combat, auront à l’avenir deux équipages déployés en alternance, au lieu d’un seul aujourd’hui. Cette réforme, dont Le Monde a eu connaissance et que la marine lui a confirmée mardi 20 mars, fera partie d’un plan plus large à l’horizon 2030, que le chef d’état-major doit annoncer prochainement.
Les bateaux de surface français connaissent un rythme élevé d’opérations. Les navires de combat ont une contrainte particulière : outre leurs déploiements programmés, aujourd’hui au large de la Syrie ou dans l’Atlantique Nord, leurs marins effectuent des périodes d’alerte très fréquentes, de vingt-quatre heures ou de quarante-huit heures, avec des programmes changeant constamment. En pleines vacances d’été 2017, la Fremm Languedoc est ainsi partie pour quarante jours de mer. C’est L’Auvergne, qui vient d’être admise au service actif, qui a navigué le plus longtemps cette même année, avec 173 jours d’absence de son port base, Toulon.
Au nombre de quatre aujourd’hui, les Fremmn, des navires de 6 000 tonnes entièrement automatisés, ont été conçues pour des équipages « optimisés » de 91 marins. C’était très insuffisant. Les effectifs ont été augmentés progressivement à 109 marins, et le mouvement devrait continuer.
La douloureuse expérience américaine
La création d’un deuxième équipage, mesure d’apparence technique, est au cœur d’une préoccupation partagée en Europe : continuer d’attirer des jeunes dans la carrière. « Au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, des bateaux ne naviguent pas car il manque des gens dans certaines spécialités », explique l’amiral Christophe Prazuck, chef d’état-major.
La marine américaine a par ailleurs partagé avec ses alliés les leçons d’une expérience douloureuse que les Français ont regardée de près. En 2017, leur 7e flotte dans le Pacifique a vécu plusieurs accidents graves, et les responsables militaires ont admis que certains problèmes conduisaient à mettre en péril la sécurité en mer : déploiements trop longs, rythmes de travail excessifs, pertes de compétences. La marine nationale estime avoir « les mêmes défis ».
« Partir en mer n’est pas un souci, mais les changements de programme une semaine avant parce qu’il faut remplacer un autre bâtiment, cela est très dur à vivre pour les familles, affirme le commandant Bertrand Dumoulin, porte-parole de la Marine française. Il s’agit de donner de la visibilité aux marins, de leur permettre de mieux connaître leurs périodes opérationnelles. »
D’ores et déjà, le bateau espion Dupuy-de-Lôme, le navire hydrographique Beautemps-Beaupré et les petits patrouilleurs hauturiers naviguent grâce à deux équipages. Tout comme les six sous-marins nucléaires d’attaque – leur activité alterne treize semaines de navigation, puis des périodes de maintenance, de congés, de formation à terre et d’entraînement. Quand l’équipage « bleu » est en mer, le « rouge » se prépare.
La principale difficulté sera de trouver un vivier pour constituer le deuxième équipage des nouvelles frégates.