NBA : les Spurs de San Antonio pourraient rater les playoffs pour la première fois en vingt ans
NBA : les Spurs de San Antonio pourraient rater les playoffs pour la première fois en vingt ans
Par Luc Vinogradoff
Modèle de stabilité et de résilience pendant deux décennies, les Spurs pourraient ne pas sortir d’une Conférence ouest particulièrement disputée. Qu’ils se qualifient ou non, le chantier de la reconstruction arrive.
Lors du match de playoffs face à Houston, en 2017. / Troy Taormina / USA Today Sports
En NBA, on mesure le succès aux titres et à la longévité. En se basant sur ces critères, on peut, sans trop de débat, qualifier les Spurs de San Antonio de meilleure équipe de basket-ball du XXIe siècle : en vingt ans, ils ont gagné cinq titres, sont allés six fois en finale et dix fois en finale de la conférence Ouest. Chaque année, ils étaient systématiquement bons pour au moins 60 % de victoires et une place en playoffs.
A quatre semaines de la fin de la saison 2017-2018, et compte tenu du peu d’écart qui séparent les équipes du ventre mou de la Conférence ouest, cette impressionnante série pourrait prendre fin cette saison. L’équipe de Tony Parker en est actuellement à 41 victoires et 30 défaites et occupe la 5e place de la Conférence ouest. Il y a une semaine, ils étaient tombés à la 10e place (seuls les huit premières équipes passent) après une série de onze défaites sur leurs 17 derniers matchs. Ils doivent leur remontée à une récente série de quatre victoires, mais leur position reste précaire. Un nouveau passage à vide, quelques victoires de ses poursuivants (une lutte acharnée oppose huit équipes pour les six dernières places qualificatives), et la 9e ou 10e place serait à nouveau d’actualité.
Ajouter à cela un calendrier particulièrement compliqué pour la quinzaine de matchs qui leur restent et la saison des Spurs pourrait bien être la pire depuis celle de 1996-1997. Une époque où Jacques Chirac décidait la dissolution de l’Assemblée nationale, Gregg Popovich était un tout jeune coach sans un seul cheveu blanc et Tony Parker, 15 ans, intégrait l’Insep. C’était la dernière fois que les Spurs rataient les playoffs.
Blessures, incompréhension et vieillesse
Tous les sports américains, basket comme football américain et baseball, sont faits de cycles : le système de la « draft » contribue à ce que les équipes médiocres puissent devenir meilleures et les meilleures ne pas le rester éternellement.
En 1996, les Spurs touchaient le fond de la NBA. Leur phase ascendante était amorcée en sélectionnant le légendaire Tim Duncan en premier choix de la « draft ». Plus de vingt ans plus tard, et après la retraite de Duncan, la trajectoire semble repiquer vers le bas. « C’est sûr que ça fait drôle de ne pas gagner. Ça fait bizarre de se dire qu’on ne va peut-être pas faire les playoffs », constatait récemment Tony Parker sur L’Equipe.
Il est sans doute prématuré de parler de fin de cycle. Si les Spurs avaient gagné trois matches de plus à ce stade, ils seraient confortablement installés à la 3e place de la Conférence et la question du déclin, symbolisé par une possible élimination des playoffs, ne se poserait pas… encore.
Leur spirale de février-mars est quand même symptomatique d’un modèle de constance qui s’étiole. Le temps qui passe, ennemi de chaque dynastique sportive, y contribue. Les Spurs sont un des effectifs le plus âgés de la NBA (Tony Parker a 35 ans, Pau Gasol a 37 ans, Manu Ginobili a encore une ou deux assists en velours par match dans les jambes, mais il a 40 ans). Son corollaire est l’accumulation de blessures : les Spurs ont jonglé avec 23 compositions d’équipe différentes depuis le début de la saison, leur effectif n’ayant été au complet que pour un seul match.
David Zalubowski / AP
A 26 ans, Kawhi Leonard, pas vraiment un des anciens, est celui dont l’absence explique en grande partie le passage à vide. Le double All-Star et meilleur marqueur de la saison dernière (25,5 points par match) n’a joué que neuf matchs, entre le 12 décembre et le 13 janvier, et encore sur une jambe.
Le joueur, son entourage et la direction de l’équipe ont passé le reste du temps à débattre, souvent pas médias interposés, de la sévérité de la tendinopathie du quadriceps droit qui le maintient loin des terrains, et de la meilleure façon de la soigner. Son retour a été annoncé autant de fois qu’il a été repoussé. Interrogé une énième fois sur l’éventualité de voir à nouveau Kawhi jouer cette saison, Gregg Popovich a eu cette phrase renvoyant clairement la balle au joueur :
« Une fois qu’il aura reçu le feu vert, on va s’asseoir lui et moi à une table et discuter, on verra alors quand il pense qu’il pourra rejouer. »
Sans Kahwi, avec des Parker, Ginobili et Gasol diminués par les années passées sur les parquets, les Spurs se sont résolus à monter sur les épaules de LaMarcus Aldridge et, quand c’était possible, de grimper sur le dos de Rudy Gay. Le premier a haussé son jeu de plusieurs crans, atteignant le All-Star Game avec une moyenne de 22,2 points et 8,3 rebonds par match. Le second est revenu fort avec 11,1 points par match après une grave blessure au tendon d’Achille. Mais ils ont respectivement 32 et 31 ans. Ils ne représentent pas le futur.
Qu’ils aillent ou non en playoffs, ou que Leonard revienne ou non à 100 % la saison prochaine, le chantier de la reconstruction des Spurs, une équipe qui a évité d’en passer par là depuis vingt ans, se posera inévitablement. Tony Parker, qui sera libre de partir à l’intersaison, a dit que son « scénario rêvé serait de prolonger trois ans pour arriver à vingt saisons aux Spurs ». Pas sûr que les dirigeants accèdent à ces désirs quand on sait que 78,4 millions de dollars de salaires de joueurs sont déjà garantis en 2019, et ce avant que Kawhi Leonard ne prolonge son contrat.
Le futur, c’est davantage le meneur Dejounte Murray, qui supplanté Tony Parker dans le cinq de départ, qui le représente. C’est lui qui s’est récemment porté garant, du haut de ses 21 ans, de la qualification des Spurs en playoffs. Une prise de parole assez symbolique car, on le rappelle, la dernière fois qu’ils ont raté les playoffs, Dejounte Murray était à peine né.