Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, mardi 20 mars, à la préfecture de Nantes. / LOIC VENANCE / AFP

Nantes (envoyé spécial)

L’épreuve de force est annoncée. En venant rencontrer les différents protagonistes du « dossier de l’après-Notre-Dame-des-Landes », ainsi qu’il l’a nommé, Sébastien Lecornu, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, a réaffirmé, mardi 20 mars, à la préfecture de Nantes, qu’il y aurait bien une évacuation partielle de la ZAD (zone à défendre), à la fin de la trêve hivernale, soit « à partir du 1er avril ».

Pour autant, interrogé sur une échéance plus précise comme sur le nombre de personnes susceptibles d’être expulsées, M. Lecornu est resté plus vague. Le nombre pourrait fluctuer de quelques dizaines à une centaine, alors que le secrétaire d’Etat évalue à trois cents le nombre d’occupants de cette zone de 1 650 hectares (dont 1 200 de terres agricoles), qui avait été choisie pour accueillir le nouvel aéroport, un projet abandonné par le gouvernement le 17 janvier.

Dialogue avec les « zadistes »

Si la volonté du gouvernement de « rétablir l’Etat de droit » ne fait aucun doute dans les propos des différents ministres comme du premier ministre, Sébastien Lecornu a tenu cependant à souligner les vertus d’un dialogue ouvert avec tous les protagonistes. Et, de fait, c’est bien la première fois qu’une délégation du mouvement des opposants, intégrant trois représentants des zadistes, vient discuter, dans le palais nantais de la République, avec un membre du gouvernement.

Une évolution notable dont peut se féliciter la préfète des Pays-de-la-Loire, Nicole Klein, qui a tout fait, et continue d’œuvrer, pour déminer un dossier susceptible de dégénérer en violences dans le bocage nantais, comme lors de l’opération « César » avortée d’évacuation de la ZAD, en octobre 2012, voire de se conclure par un drame comme à Sivens (Tarn), avec la mort d’un manifestant, Rémi Fraisse, en octobre 2014, tué par l’explosion d’une grenade offensive lors d’une manifestation contre un projet de barrage.

« C’est la première fois qu’un membre du gouvernement va à la rencontre des opposants historiques dans la maison de l’Etat », s’est ainsi félicité M. Lecornu, annonçant aussi qu’avait été acté « un certain nombre de désaccords ».

Le principal d’entre eux réside dans la stratégie adoptée par le gouvernement pour le futur des terres agricoles libérées par l’abandon du projet. « Les solutions seront individuelles, nous tournons le dos à toute gestion collective de ces terres, ce n’est pas le modèle du Larzac que l’Etat retiendra », a insisté le secrétaire d’Etat, rejetant, pour l’heure, une revendication portée par les occupants de la ZAD. Il a aussi, sans doute pour adoucir le propos, pointé le fait qu’il y aurait des « projets agricoles innovants, d’agroécologie, de bio… ce qui était le souhait de Nicolas Hulot ».

Quelques minutes avant la sortie de M. Lecornu et de la préfète, la délégation du mouvement d’opposition, composée de neuf membres (associations historiques d’opposants, de paysans, d’élus opposés au projet d’aéroport, naturalistes et habitants de la ZAD… mais une seule femme !), a ainsi rappelé sa volonté de voir émerger une solution collective, plutôt que les démarches individuelles de dépôt de projet agricole, exigées par l’Etat.

Solutions individuelles ou collective ?

« Les projets ne sont pas qu’agricoles, ils sont ruraux, ils peuvent être culturels, artisanaux, comme cela existait avant dans le bocage », a plaidé Dominique Fresneau de l’Acipa. Une rencontre donc, jugée plutôt positive par la délégation, qui a néanmoins regretté la menace réaffirmée par Sébastien Lecornu d’une évacuation partielle de la ZAD. « Il ne veut pas enlever cette épée de Damoclès, c’est dommage », a-t-il commenté.

« La menace n’est pas la meilleure manière de procéder à un dialogue apaisé », a jugé, pour sa part, l’un des trois représentants des zadistes, tout en concluant sur une note positive : « Sur les perspectives, nous avons des divergences, sur le transfert des terres notamment, mais aussi des convergences que nous avons hâte d’explorer. »

Mais il n’est pas sûr que ce dialogue entamé demeure en si bons termes, avec l’échéance d’ici deux semaines, d’une possible évacuation d’une partie des occupants, notamment autour de la route départementale 281, qui traverse la ZAD, et doit être rouverte à la circulation. Exigée par le gouvernement lors de l’annonce de l’abandon du projet d’aéroport, la route symbole a bien été dégagée de ses nombreuses barricades et obstacles en tous genres, par les occupants de la ZAD et les agriculteurs. Au prix souvent de discussions houleuses au sein du mouvement, et de franches engueulades.

Le casse-tête de la D 281

Les services départementaux ont ensuite réparé la route. Mais deux trous ont ensuite été recreusés, signe de tensions toujours vives autour de la volonté du mouvement de négocier avec les autorités. « Ces dégradations sont inacceptables, il faut qu’elles cessent et que les enquêtes soient menées », a affirmé Sébastien Lecornu.

Ce dossier de la route complique aussi la relation avec le président (PS) du conseil départemental de Loire-Atlantique, Philippe Grosvalet, qui était un ardent partisan du projet d’aéroport. A l’issue d’une rencontre avec le secrétaire d’Etat, mardi en début de soirée, M. Grosvalet a indiqué son intention de reprendre les travaux interrompus. Ceux-ci pourraient redémarrer lundi 26 mars. « La condition pour la réouverture de la route c’est la sécurité des usagers, donc la sécurité publique. C’est à l’Etat qu’il incombe d’apprécier et d’assurer cet élément, a-t-il déclaré. Mais il faut que l’Etat de droit soit rétabli dans la zone, ainsi que le gouvernement ne cesse de le proclamer. »

Mercredi matin, Sébastien Lecornu, accompagné de Nicole Klein, doit justement emprunter la D 281 pour rejoindre le petit bourg de Notre-Dame-des-Landes et y rencontrer les élus locaux. Une visite de terrain qui lui fera peut-être découvrir la complexité d’une évacuation à grande échelle de la zone.