Yémen : des ONG s’interrogent sur les conséquences de vente d’armes de la France à l’Arabie saoudite
Yémen : des ONG s’interrogent sur les conséquences de vente d’armes de la France à l’Arabie saoudite
Le Monde.fr avec AFP
Un rapport, commandé par Amnesty International et ACAT, estime que la France pourrait violer ses engagements internationaux.
La France risque-t-elle de se retrouver en violation de ses engagements internationaux en fournissant armes et services de maintenance aux pays de la coalition arabe qui combattent les rebelles houthistes au Yémen ? C’est ce qu’estime un rapport d’avocats commandé par des ONG françaises et publié mardi 20 mars.
Le cabinet d’avocats Ancile estime probable que « les exportations de matériels militaires se poursuivent sans garantie publique que leur utilisation finale soit strictement encadrée, afin de garantir qu’ils ne puissent pas être utilisés au Yémen. Dans ce contexte, ces exportations (…) pourraient constituer vraisemblablement une violation par la France » de deux textes internationaux auxquels elle est soumise. Les deux textes sont le Traité sur le commerce des armes (TCA), ratifié par la France en 2014, et la Position commune de l’Union européenne de 2008.
Ce rapport a été commandé par les ONG Amnesty International et Actions des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat).
« Un système de contrôle des exportations robuste »
Depuis 2015, la guerre au Yémen a fait 9 300 morts et plus de 53 000 blessés, dont de nombreux civils. Impliquant de nombreuses factions, elle oppose deux forces principales : les houthistes, soutenus par le gouvernement iranien, et une coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite, grande rivale de Téhéran sur la scène régionale et importante utilisatrice d’armes occidentales.
La France a livré différents types de matériels à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, autre membre de la coalition. Le cabinet Ancile cite notamment des canons d’artillerie Caesar et leurs munitions, des fusils de précision, différents véhicules blindés.
« La France dispose d’un système de contrôle des exportations de matériels de guerre robuste et transparent (…) et les décisions d’exportation sont prises sous la responsabilité du premier ministre dans le strict respect des engagements internationaux de la France », a répondu, de son côté, mardi, une porte-parole du ministère français des affaires étrangères, interrogée sur ces critiques.
Amnesty appelle à un débat au Parlement
Par ailleurs, « les armements terrestres vendus par la France à l’Arabie sont en position défensive, sur le sol saoudien, face à la frontière yéménite et aux attaques des houthistes », avaient déclaré au début du mois les services du premier ministre français. « Les Emiriens sont présents sur le sol yéménite avec certains équipements français, mais ce ne sont pas ces armements qui sont impliqués dans les dommages collatéraux qui doivent cesser », avait ajouté Matignon, rappelant que « le dispositif de surveillance autour de la question du Yémen (…) a été fortement renforcé ces derniers mois ».
Amnesty International dénonce l’« opacité » et le « déficit démocratique » de ces procédures, estimant « impératif que le Parlement débatte des ventes d’armes françaises et exerce un contrôle sur celles-ci ». Deux autres ONG françaises, Aser et Droit Solidarité (membre de l’Association internationale des juristes démocrates), ont, de leur côté, prévenu qu’elles entameraient une procédure judiciaire si le gouvernement ne suspend pas les licences d’exportation, pour non-respect des engagements internationaux de la France.
La France est un des principaux exportateurs d’armes au monde. D’autres pays européens, nettement moins exportateurs, ont pris des mesures pour limiter l’usage de leur matériel au Yémen cette année.