Soupçons de fraude en Russie : des électeurs surpris à voter deux fois à l’élection présidentielle
Soupçons de fraude en Russie : des électeurs surpris à voter deux fois à l’élection présidentielle
L’agence de presse Reuters, qui a dépêché des journalistes dans 12 bureaux de vote à travers la Russie, a constaté que 17 électeurs avaient voté plusieurs fois.
Deux photos montrant un électeur votant dans deux bureaux de vote différents, lors de l’élection présidentielle d’Oust-Djegouta, en Russie, le 18 mars 2018. / STAFF / REUTERS
La victoire de Vladimir Poutine dès le premier tour de l’élection présidentielle russe est émaillée de soupçons de fraudes. Avec 76,7 %, soit plus de 56 millions de voix, il est arrivé très loin devant ses adversaires avec une participation supérieure à la présidentielle de 2012, au prix, selon l’opposition et d’ONG russes, de milliers d’irrégularités : bourrages d’urnes et électeurs emmenés par autocars entiers sous la pression de leurs employeurs.
En Russie, la fraude électorale est « une seconde nature, un sport national », rapporte l’agence de presse Reuters, qui a dépêché, dimanche 18 mars, des journalistes dans douze bureaux de vote à travers la Russie. Ainsi, Ludmila Skliarevskaïa, identifiée par une collègue comme étant la directrice adjointe de l’hôpital d’Oust-Djegouta, a voté par deux fois, dans les bureaux de vote 216 puis 215 de cette ville de 30 000 habitants de la république de Karatchaïevo-Tcherkessie, dans le Caucase du Nord. Une pratique appelée le « carrousel ».
Comme elle, 17 autres électeurs ont été photographiés par les observateurs de Reuters. Selon l’agence, nombre d’entre eux étaient des fonctionnaires, utilisant des minibus des administrations locales, pour se rendre d’un bureau de vote à l’autre.
Vladimir Putin enjoyed a record-breaking victory on Sunday... but this is the picture @Reuters reporters across Rus… https://t.co/UlpU7JUs03
— polina__ivanova (@Polina Ivanova)
« Ce n’est pas moi »
Lorsque les journalistes de Reuters ont montré les photos de ces électeurs votant dans deux bureaux de vote, Leïla Koïchouïeva, membre de la commission électorale locale a rétorqué qu’il pouvait s’agir de « jumeaux ». Reuters a alors retrouvé 7 des 17 électeurs qui ont tous nié avoir voté deux fois ou refusé de s’exprimer.
Quant à Ludmila Skliarevskaïa, elle s’est contentée de déclarer : « Ce n’est pas moi. » Elle a affirmé avoir voté une seule fois, dans le bureau de vote 217, avant de faire remarquer aux journalistes de l’agence de presse qu’ils n’avaient pas à se mêler du processus électoral en Russie. Marat Chakmanov, le patron de l’hôpital a, pour sa part, affirmé qu’il ne pensait pas qu’un membre de son établissement puisse avoir violé les règles électorales.
Dans les 12 bureaux de vote observés par Reuters, le taux de participation était supérieur au nombre d’électeurs dénombrés par les journalistes. Ainsi, dans le bureau de vote 265 de Simferopol, une ville de 337 285 habitants en République de Crimée, les journalistes de Reuters ont compté 797 votants, contre les 1 325 votants dénombrés par les services électoraux. La responsable du bureau de vote a affirmé à Reuters que des observateurs indépendants – pourtant membres du parti Russie unie, du président Poutine – n’avaient relevé aucune irrégularité.
Délit
Le bourrage d’urnes est considéré comme un délit, passible d’une amende. Pour sa part, Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, a déclaré que, « si les infractions constatées par Reuters sont confirmées par une enquête officielle, alors c’est grave. Si rien ne les corrobore, alors ce n’est rien ».
L’opposition russe, et en premier lieu l’adversaire le plus acharné du pouvoir Alexeï Navalny, interdit de participation au scrutin et qui avait appelé au boycottage, a, elle aussi, accusé les autorités d’avoir gonflé le taux de participation en recourant de nombreuses fraudes, dont le bourrage d’urnes et le transport massif d’électeurs vers les bureaux de vote.
L’ONG russe Golos a recensé près de 3 000 irrégularités. La présidente de la commission électorale Ella Pamfilova a estimé que les élections avaient été « transparentes au maximum », en passant en revue en direct à la télévision quelques cas de fraudes signalés.