John Bolton, un « faucon » pour Donald Trump en politique étrangère
John Bolton, un « faucon » pour Donald Trump en politique étrangère
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Le président des Etats-Unis a annoncé sur Twitter le limogeage de son conseiller à la sécurité nationale, H. R. McMaster, et son remplacement par ce partisan d’une ligne diplomatique dure et belliqueuse.
L’ancien ambassadeur des Etats-Unis auprès des Nations unies et nouveau conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, le 24 février 2017. / Joshua Roberts / REUTERS
Neuf jours après avoir renvoyé son chef de la diplomatie, Donald Trump a annoncé dans la soirée du jeudi 22 mars, sur Twitter le limogeage de son conseiller à la sécurité nationale, H.R. McMaster, et son remplacement par John Bolton.
Si le locataire de la Maison Blanche n’est pas réputé pour son goût pour les dossiers, il connaît sans doute dans le détail les positions de son nouveau conseiller. L’ancien – et bref – ambassadeur américain aux Nations unies est en effet un chroniqueur régulier de la chaîne conservatrice Fox News, régulièrement encensée publiquement par le président des Etats-Unis.
En nommant John Bolton, M. Trump s’adjoint donc en toute connaissance de cause les services d’un « faucon » assumé, grand défenseur des guerres préventives. Ses positions maximalistes auraient pu contrarier une nomination à un poste pour lequel une confirmation par le Sénat était requise. Le poste de conseiller à la sécurité nationale, cependant, ne relève que du bon plaisir du locataire de la Maison Blanche.
Militant actif pour l’invasion de l’Irak en 2003
Au cours des derniers mois, l’ancien diplomate de choc a souhaité publiquement l’emploi de la manière forte à propos de l’Iran comme de la Corée du Nord, même s’il s’est félicité du projet de rencontre entre le président des Etats-Unis et son homologue nord-coréen, Kim Jong-un.
Après le remplacement du modéré Rex Tillerson par le « faucon » Mike Pompeo au département d’Etat, le retour aux affaires de John Bolton ne peut qu’inquiéter les signataires européens de l’accord sur le nucléaire iranien forgé par le prédécesseur démocrate de Donald Trump, Barack Obama. A quelques semaines seulement de la date butoir du 12 mai, le camp des partisans d’une sortie périlleuse de ce compromis est renforcé au sein de l’administration républicaine.
Le choix de M. Bolton peut surprendre compte tenu du rôle joué par cet autre « faucon » dans l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis en 2003. Pendant la campagne des primaires républicaines, Donald Trump n’avait pas eu de mots assez durs pour qualifier l’initiative du président républicain George W. Bush. « La pire des pires décisions jamais prises », n’avait-il cessé d’asséner, insistant sur les « quatre mille milliards de dollars dépensés pour rien ». « Nous avons rendu un très mauvais service au Moyen Orient, et un très mauvais service à l’humanité », ajoutait encore M. Trump, alors suspecté de tentations isolationnistes.
John Bolton avait milité activement à l’époque en faveur du renversement du dictateur irakien, Saddam Hussein, avec le courant néoconservateur qui s’était imposé aux côtés de M. Bush. Il a pu regretter par la suite certaines des décisions prises après l’effondrement du régime. Il n’a jamais remis en cause, en revanche, le bien-fondé d’une intervention étayée par des accusations sans fondement à propos de programmes d’armes de destruction massive.
Anticommunisme virulent et bellicisme constant
Ce bellicisme est une constante chez John Bolton. A Yale, l’université prestigieuse intégrée par ce fils de famille modeste, anticommuniste virulent, il ne manifeste pas contre la guerre au Vietnam comme la majorité de ses condisciples, dont Bill Clinton et Hillary Rodham. Devenu avocat, il exerce dans plusieurs cabinets tout en militant dans les rangs conservateurs. Il se rapproche du puissant sénateur républicain de Caroline du Nord Jesse Helms, un nostalgique de la ségrégation raciale. Ce dernier le parraine auprès des administrations de Ronald Reagan et de George H. Bush.
John Bolton défend avec constance une ligne dure républicaine au département d’Etat – l’équivalent du ministère des affaires étrangères –, comme à celui de la justice. Après les deux mandats du démocrate Bill Clinton, il retrouve la diplomatie à la faveur de la victoire sur le fil de George W. Bush, en 2000, à nouveau épaulé par Jesse Helms, devenu président de l’influente Commission des affaires étrangères. Il est alors secrétaire d’Etat adjoint chargé du contrôle des armes.
Sous son impulsion, les Etats-Unis mettent en échec une convention bannissant les armes chimiques sous l’égide des Nations unies, au nom de leurs intérêts de sécurité. John Bolton avance également l’argument de la souveraineté américaine pour justifier le retrait de Washington de la Cour pénale internationale créée en 2002. Après sa réélection, en 2005, M. Bush l’impose au poste d’ambassadeur aux Nations unies en dépit de la défiance du Sénat, en profitant d’un congé du Congrès. Faute d’un feu vert des sénateurs, John Bolton est contraint de quitter ses fonctions au bout d’un an.
Après le retour aux affaires d’une administration démocrate à la suite de la victoire de Barack Obama, John Bolton se replie sur l’une de ses bases, l’American Enterprise Institute, un think-tank conservateur, et caresse à deux reprises une candidature à l’investiture républicaine, en 2012 puis en 2016, sans succès. Sur Fox News, il étrille inlassablement les choix diplomatiques de la Maison Blanche et toute concession au multilatéralisme. Il se félicite bruyamment du Brexit, ce « poignard dirigé vers le cœur du projet de l’Union européenne ». Autant de prises de positions que Donald Trump partage, au point de laisser flotter l’idée de sa nomination au poste de secrétaire d’Etat après sa victoire, en novembre 2016.
Une administration particulièrement instable
Cette troisième nomination à un poste stratégique en un peu plus d’un an établit un nouveau record pour une administration particulièrement instable dont plus de 40 % des postes clefs ont été renouvelés selon la comptabilité d’une experte en gouvernance de la Brookings Institution, Kathryn Dunn Tenpas. Le premier titulaire, l’ancien général Michael Flynn, récompensé pour un engagement précoce aux côtés de Donald Trump pendant la campagne présidentielle avait été obligé de démissionner après seulement trois semaines à la Maison Blanche pour avoir menti au vice-président sur ses conversations avec l’ambassadeur russe alors en poste à Washington.
Le choix du général d’active H. R. McMaster avait rassuré les modérés. Il n’a pas su, cependant, nouer une relation de confiance avec le président. Les longs exposés dont il s’est rendu coutumier ont vite agacé Donald Trump. Il avait dû essuyer comme le secrétaire d’Etat Rex Tillerson, une humiliation publique lorsque le président avait critiqué sur son compte Twitter une partie du discours qu’il avait tenu au cours de la conférence de Munich sur la sécurité, en février. Son sort a été tranché de la même manière que celui de l’ancien patron du géant pétrolier Exxon Mobil : également sur Twitter.