TV – « The Lost City of Z » : le rêve perdu de l’homme blanc
TV – « The Lost City of Z » : le rêve perdu de l’homme blanc
Par Jean-François Rauger
Notre choix du soir. Entre action, épopée historique et biopic, une adaptation élégante du livre de David Grann signée James Gray (sur Canal+ à 23 h 30).
The Lost City of Z International Trailer #1 (2017) | Movieclips Trailers
Durée : 01:56
Adapté d’un ouvrage de David Grann, lui-même inspiré des exploits de l’explorateur Percival Harrison Fawcett, The Lost City of Z procède d’un discret mais implacable travail critique de ce qui fut peut-être, longtemps, un des rêves de l’homme blanc occidental.
Officier déclassé en raison d’une généalogie imparfaite (son père était joueur et alcoolique), Percy Fawcett est envoyé en Bolivie, aux sources de l’Amazonie, par la Société royale géographique londonienne pour y pratiquer un relevé de frontières. L’expédition prend, au terme d’un voyage périlleux, une autre dimension.
Convaincu d’avoir trouvé les vestiges d’une civilisation perdue, se heurtant à l’incrédulité des autorités, Fawcett va tenter d’en apporter la preuve aux cours d’une seconde expédition qui, là encore, ne comblera pas ses attentes.
The Lost City of Z devient le récit d’une obsession dont la signification n’est sans doute pas tout entière réductible à la psychologie du personnage central. Car la quête de Fawcett va se nourrir de la frustration engendrée par l’inaboutissement autant qu’elle va bousculer les prescriptions de la société et de sa vie de famille ; celle-ci étant réduite aux moments que passe chez lui l’homme, entre deux expéditions, découvrant ses enfants grandis, se heurtant à l’insatisfaction d’une épouse cantonnée à la place que la société lui impose.
Charlie Hunnam incarne l’explorateur Percival Harrison Fawcett. / STUDIOCANAL/AIDAN MONAGHAN
L’élégance du film de James Gray réside dans cette manière, unique, de faire ressentir les forces contradictoires qui entraînent le désir d’aventure et de savoir de Fawcett et s’y opposent tout autant. L’expression rentrée, voire coincée, des sentiments y souligne paradoxalement la mégalomanie d’un personnage espérant conjurer le sort de sa paternité honteuse et qui, pour cela, peut-être, entraînera son fils dans ce qui n’aura sans doute été (le doute demeurera) qu’un songe fatal.
On pourrait citer une lignée cinématographique pour définir The Lost City of Z : Stanley Kubrick pour la description de mécanismes abstraits qui meuvent les individus, David Lean pour le goût de l’épopée, Luchino Visconti pour cette intelligence des forces sociales confrontées à la malédiction des liens du sang. Mais ce serait peut-être passer à côté de la singularité du travail de Gray, qui combine avec une subtilité inouïe toutes ces préoccupations.
The Lost City of Z, de James Gray. Avec Charlie Hunnam, Robert Pattinson (EU, 2016, 140 min).