Pour Gaël Quirante, l’affaire est entendue : « Il s’agit d’une décision politique. Ils veulent casser un syndicalisme combatif ! » Le secrétaire départemental de SUD-Activités postales dans les Hauts-de-Seine ne décolère pas. Le 24 mars, il a eu la mauvaise surprise d’apprendre que le ministère du travail autorisait finalement son licenciement demandé par La Poste pour faute grave. Lundi soir, lors d’un rassemblement rue de Grenelle, sous les fenêtres de la ministre du travail, Muriel Pénicaud, plusieurs personnalités politiques sont venues le soutenir, du leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, au porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Olivier Besancenot, dont M. Quirante est proche.

L’histoire, longue et complexe, s’inscrit dans un contexte tendu entre l’entreprise postale et la fédération SUD-PTT dans les Hauts-de-Seine. Elle remonte à 2010 lors d’un long mouvement de grève dans le département. Le 10 mai, un groupe de salariés, qui a investi un site à Nanterre afin d’être reçu par le directeur, retient pendant plus de deux heures des personnels des ressources humaines. Parmi eux : M. Quirante et M. Besancenot, à l’époque facteur à Neuilly-sur-Seine et également militant Sud.

Figure bien connue

Avec neuf autres salariés, ils seront condamnés en 2011 par le tribunal correctionnel de Nanterre à 1 500 euros d’amende avec sursis pour séquestration. Une peine confirmée deux ans plus tard pour trois d’entre eux, dont M. Quirante, par la cour d’appel de Versailles. Dans son arrêt, elle note que, si ce dernier a eu « le rôle le plus actif » parmi les grévistes, les premiers juges avaient, « de manière adaptée », « tenu compte du contexte » pour « faire une application très modérée de la loi pénale ».

Dans le département, M. Quirante est une figure locale bien connue, présent sur de nombreuses luttes. Membre de la direction du NPA, ce dernier est par ailleurs l’un des animateurs du Front social, un collectif qui avait organisé les premières manifestations au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron. Il est surtout la bête noire de La Poste : depuis son embauche en 2003, la direction lui a notifié 264 jours de mise à pieds.

Dès les événements de Nanterre en 2010, l’entreprise a souhaité engager une procédure de licenciement à son encontre. En raison des fonctions syndicales de M. Quirante, l’entreprise est obligée de solliciter l’autorisation de l’administration. Jusqu’à présent, cela lui avait toujours été refusé, que ce soit par l’inspection du travail ou le ministère de l’époque (en l’occurrence dirigé par l’UMP Xavier Bertrand). Mais, en avril 2017, une décision de la Cour administrative d’appel de Versailles relance la procédure et impose à l’inspection du travail d’instruire à nouveau le dossier. Face au silence de l’administration qui équivaut à un refus, La Poste se tourne vers le ministère.

Contre-enquête

Une « contre-enquête » est envoyée, en décembre 2017, à la direction générale du travail (DGT) par ses services déconcentrés. Il y est écrit que compte tenu « du climat délétère qui prévalait à l’époque en raison notamment de la durée excessivement longue de la grève et du comportement de La Poste », les faits ne sont pas « d’une gravité suffisante » pour justifier le licenciement. De plus, il est fait état d’éléments « permettant d’établir un lien entre la demande et les mandats exercés par le salarié ». En conclusion, le rapport propose d’annuler la décision de l’inspection du travail « en raison du non-respect du contradictoire » mais de « refuser le licenciement » de M. Quirante.

Comme cela arrive, la DGT décide de ne pas suivre cet avis. Dans une lettre datée du 20 mars, soit au dernier jour du délai imparti, elle informe le syndicaliste qu’elle autorise la rupture de son contrat de travail. Rue de Grenelle, on réfute « tout traitement politique ». « On a apprécié la situation au regard du droit, explique-t-on au ministère. Nous ne pouvions pas refuser le licenciement étant tenu par l’autorité de la chose jugée [la condamnation pénale] et étant donné qu’il n’y avait pas de lien avec le mandat. » C’est ce que conteste l’avocat de M. Quirante. « Au-delà des faits reprochés, la décision de La Poste de solliciter l’autorisation de licenciement est basée sur la volonté de licencier un responsable syndical pour l’activité qu’il remplit, estime Me Julien Rodrigue. C’est un motif de discrimination. Le ministère ne répond pas sur ce point et pour moi, c’est très critiquable. »

Si un recours contre la décision du ministère peut être formé devant le tribunal administratif, il n’est pas suspensif. « On va se battre comme des chiffonniers », assure M. Quirante. Mardi, selon le syndicaliste, « plus de 200 » postiers avaient voté la grève reconductible dans les Hauts-de-Seine. M. Quirante et sa fédération ont rendez-vous jeudi avec la DRH de La Poste. Il ne se fait cependant guère d’illusions sur son sort. Sollicitée, l’entreprise indique ne pas avoir « pour habitude de commenter les décisions du ministère du travail ».