Infractions sexuelles : les sénateurs s’opposent en partie à la loi Schiappa
Infractions sexuelles : les sénateurs s’opposent en partie à la loi Schiappa
Par Gaëlle Dupont
Le Sénat a adopté, mardi, une proposition de loi visant à prendre en compte le discernement des victimes mineures et l’écart d’âge.
Le ton est donné dès les premiers mots du sénateur (LR) Philippe Bas, auteur de la proposition de loi « pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexistes et sexuelles », débattue mardi 27 mars au Sénat. « Le Sénat a voulu prendre le temps de la réflexion, ne pas faire d’annonce précipitée ou improvisée », sur le sujet « très grave » des violences sexuelles contre les enfants et les adolescents. Le propos vise de façon à peine voilée la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, et son projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes présenté le 21 mars, qui a déçu les associations de défense des droits des femmes et des enfants.
Le texte présenté par les sénateurs de la droite et du centre, issu d’un groupe de travail composé de sensibilités politiques diverses, qui a auditionné 110 personnalités pendant quatre mois, ressemble fort à un contre-projet. Il a été adopté à une très large majorité, par 229 voix pour (droite et centre), 110 abstentions (socialistes, communistes, écologistes et la grande majorité du groupe La République en marche) et 3 votes contre (LRM). Le texte n’a guère de chance d’entrer un jour en vigueur : il devrait pour cela être voté également à l’Assemblée nationale, où les députés LRM sont très largement majoritaires. Mais il faudra tenir compte du Sénat lorsqu’un compromis sera recherché entre les deux Assemblées à la fin du débat parlementaire.
Sur le constat, le Sénat rejoint le gouvernement. « La moitié des victimes d’agressions sexuelles sont mineures, a rappelé Philippe Bas. Nous devons réagir avec force. Notre priorité doit être la prévention et l’accompagnement des victimes. » Sur le volet pénal, le texte va d’ailleurs dans le sens du gouvernement sur deux points : l’allongement des délais de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs de vingt à trente ans après la majorité, ainsi que l’augmentation de la peine encourue pour atteinte sexuelle par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans, c’est-à-dire pour tout acte sexuel commis même sans violence, menace, ou contrainte, que les sénateurs souhaitent faire passer de cinq à sept ans.
Dispositions « cosmétiques »
En revanche, l’attaque est nette contre la mesure retenue par le gouvernement pour mieux réprimer les viols sur les jeunes âgés de moins de 15 ans, c’est-à-dire le fait que sous cet âge, la contrainte « peut résulter de l’abus d’ignorance de la victime », selon le projet du gouvernement. « La première exigence est de protéger tous les enfants, a lancé Philippe Bas. Une victime de 15 ans et un mois mérite la même protection qu’une de 15 ans moins 1 mois. Par ailleurs, l’âge de la maturité sexuelle n’est pas le même pour tous. »
« La solution du seuil d’âge, qui semble la plus séduisante, n’est pas la plus pertinente, a également souligné Françoise Gatel (centriste). Elle ne prend pas en compte la diversité des situations et les conséquences des effets de seuil. » Critiquant les effets d’annonce du gouvernement, qui avait dans un premier temps envisagé que toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de 15 ans soit passible de poursuites pour viol, ce qui lui faisait risquer l’inconstitutionnalité, Philippe Bas a dénoncé les dispositions « cosmétiques » auxquelles il a finalement abouti.
Le Sénat propose de son côté de modifier le code pénal afin que la contrainte morale soit « présumée » dès lors que l’acte sexuel est commis entre un majeur et un mineur « incapable de discernement » ou lorsqu’il existe « une différence d’âge significative » entre le majeur et le mineur. Il s’agit « d’inverser la charge de la preuve afin de faciliter la qualification criminelle de viol », selon la rapporteuse (LR) du texte, Marie Mercier. « Avec le discernement ou l’écart d’âge significatif, nous entrons dans un champ qui me semble subjectif », a cependant relevé la sénatrice (Parti communiste) Laurence Cohen. L’ancienne ministre et sénatrice socialiste Laurence Rossignol s’est ralliée à l’option proposée par le Sénat, tout en tentant d’introduire dans le texte un seuil d’âge de 13 ans, sous lequel tout acte sexuel avec un majeur serait considéré comme un viol. Sans succès.