Nouvelle-Calédonie : compromis au forceps sur le référendum
Nouvelle-Calédonie : compromis au forceps sur le référendum
Par Patrick Roger
La négociation à Matignon sur la formulation de la question posée aux habitants du Caillou a abouti dans la nuit de mardi à mercredi.
C’était loin d’être gagné. Un grand pas a pourtant été franchi, mardi 27 mars, lors du 17e comité des signataires de l’accord de Nouméa, dans l’organisation de la consultation qui aura lieu le 4 novembre en Nouvelle-Calédonie. A l’issue d’une réunion commencée à 9 heures et qui s’est achevée dans la nuit, à 1 h 30, l’ensemble des participants s’est accordé sur la formulation de la question qui sera posée aux quelque 170 000 électeurs appelés à prendre part au scrutin : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? » Un compromis qui doit beaucoup à l’investissement personnel du premier ministre, Edouard Philippe.
Mais que ce fut laborieux ! Du fait, notamment, des surenchères qui divisent le camp des non-indépendantistes et qui avaient conduit les représentants des deux formations rivales proches de LR, Le Rassemblement-LR de Pierre Frogier et Les Républicains calédoniens de Sonia Backès, à quitter avec fracas le groupe de travail baptisé « Sur le chemin de l’avenir » mis en place après la venue de M. Philippe en Nouvelle-Calédonie, en décembre 2017, pour préparer l’après-référendum.
Purger les contentieux
Il a donc fallu purger les motifs de contentieux entre les différentes sensibilités de la droite dure et de la droite modérée pour renouer les fils du dialogue. « Il y a entre les non-indépendantistes un marquage entre eux », note l’indépendantiste Victor Tutugoro, un des signataires de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998. « Parfois, il a fallu refroidir les soupapes quand ça montait dans les tours », reconnaît Philippe Gomès, chef de file de la principale formation non-indépendantiste, Calédonie ensemble.
Là aussi, toutefois, le chef du gouvernement a su ramener les uns et les autres à la raison. « Le dialogue doit se poursuivre, explique-t-il. Il existe un socle de pratiques, de principes, de valeurs qui unissent la société calédonienne et qu’il convient de définir. » Il devait ainsi réunir et présider dès mercredi après-midi le groupe de travail et proposer de nouvelles modalités de fonctionnement, dans l’espoir de finaliser une « charte des valeurs calédoniennes ».
Ceci évacué, restait à régler la « question de la question », ce qui a mobilisé les participants pendant plus de sept heures, assorties de deux interruptions de séance. Chacun a d’abord exprimé ses positions et fait part de ses propositions, s’accrochant à son totem. Pour les indépendantistes, la référence à la « pleine souveraineté » telle que prévue au titre IX de l’accord de Nouméa. Pour une partie de la droite loyaliste, un choix clair entre l’« indépendance » ou le « maintien dans la France »…
Après une première suspension de séance et après avoir réuni dans son bureau les chefs de file des délégations, le premier ministre a lui-même formulé sept propositions de question et les a mises en débat. Jusqu’à aboutir à cette formulation de compromis, qui concilie « pleine souveraineté » et « indépendance », et que les membres du comité des signataires considèrent, dans le relevé de conclusions, « conforme aux principes de clarté, de loyauté et de sincérité ». Elle a de surcroît « un sens politique conforme à l’accord de Nouméa », ajoutent-ils.
« Toutes les formations politiques ont donné leur accord, au nom de l’intérêt général, se félicite M. Gomès. On aurait été lamentables d’arriver au référendum sans être capables de se mettre d’accord sur le libellé de la question. » Pour une fois, Mme Backès va dans le même sens : « On n’est déjà pas d’accord sur la réponse. Si on n’arrive pas à se mettre d’accord sur la question, ça devient un peu compliqué. » Roch Wamytan, chef du groupe UC-FLNKS, se réjouit également de ce dénouement : « On est quand même arrivés à un résultat. Le sujet, maintenant, est derrière nous. »
« Succès personnel »
M. Philippe, lui, a tenu à souligner « l’esprit de responsabilité qui anime tous les membres de ce comité », insistant sur « la force et la fragilité d’un processus historique et exceptionnel ». Tous les acteurs, indépendantistes et non-indépendantistes, ont salué le rôle déterminant joué par le premier ministre pour parvenir à un consensus loin d’être évident, voire inespéré, au départ. « Il a joué un rôle important, en mettant chacun devant ses responsabilités », note M. Wamytan. « Le premier ministre, une nouvelle fois, a apporté sa patte, abonde M. Gomès. C’est aussi un succès personnel pour lui. »
L’accord sur la question posée au référendum, après celui acquis lors du précédent comité des signataires, en novembre 2017, sur la composition du corps électoral, déblaie singulièrement le terrain avant la visite d’Emmanuel Macron prévue début mai en Nouvelle-Calédonie. Même si les tensions restent vives. La question doit à présent être soumise au Conseil d’Etat en vue de l’examen du décret de convocation des électeurs.