« Olivier Faure a refusé de se positionner sur la ligne politique à adopter par le PS »
« Olivier Faure a refusé de se positionner sur la ligne politique à adopter par le PS »
La journaliste du « Monde » Astrid de Villaines a répondu à vos questions sur les défis qui attendent le nouveau premier secrétaire du Parti socialiste.
Le nouveau premier secrétaire du PS Olivier Faure au siège parisien du parti, rue de Solférino, le 30 mars. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS
Jusque-là chef du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Olivier Faure a été formellement élu premier secrétaire du Parti socialiste (PS) dans la soirée du jeudi 29 mars, lors d’un second tour où il était seul à concourir. L’élu de Seine-et-Marne va devoir remettre sur pied le parti, juguler l’hémorragie des militants et préparer les futures élections, explique la journaliste du « Monde » Astrid de Villaines lors d’un tchat avec nos lecteurs.
Gregory : Combien de personne ont-elles voté lors de cette élection ? Et ce nombre constitue-t-il une base solide de militants pour reconstruire ?
Selon les chiffres officiels transmis par le PS, ils étaient 37 014 militants à prendre part au vote lors du premier tour le 15 mars et 35 118 militants jeudi soir pour le second tour. La base électorale était de 102 000 adhérents, en comptant ceux qui ont eu une carte depuis 2015 et qui se mettaient à jour de cotisation en 2018. C’est le plus faible taux de participation de l’histoire des congrès du PS.
Loïc : Le PS a-t-il encore des valeurs communes et partagées par ses adhérents ?
C’est tout le problème. Pendant la campagne, Olivier Faure a refusé de se positionner clairement sur la ligne politique à adopter. Il estime que l’heure est d’abord à la refondation du parti et a proposé une « méthode de rénovation ». Les électeurs d’Emmanuel Maurel (18,98 % au premier tour) attendent en revanche un positionnement très clairement à gauche.
Louis : De quel espace politique peut encore disposer le PS ? La ligne écologiste est préemptée par Hamon, la gauche radicale par Mélenchon et le social-libéralisme par Macron…
En effet, c’est le défi politique auquel est confronté le PS actuellement : réussir à trouver une place entre La France insoumise (LFI) et La République en marche (LRM). Un espace encore réduit avec le départ de Benoît Hamon – et son mouvement Génération·s, qui fera concurrence au PS s’ils n’arrivent pas à s’entendre. Olivier Faure récuse le terme d’« espace politique » et entend « fédérer la gauche et le centre gauche ».
Banquier : Comment vont les finances du parti ?
Les finances du parti vont mal. Le PS a été obligé de vendre son siège parisien historique de la rue de Solférino, pour 45,55 millions d’euros. Par rapport au quinquennat de François Hollande, le parti a perdu les deux tiers de ses revenus. Il dispose d’un budget de 8 millions d’euros par an, contre 28 millions précédemment.
Benoît : La fin du PS est-elle envisageable ?
Avec 6,36 % des voix à l’élection présidentielle de 2017 et une élimination dès le premier tour, le PS est tombé à un niveau historiquement bas. Difficile de dire s’il peut « disparaître ». Le Parti radical de gauche par exemple était très puissant sous la IIIe République, et encore présent sous la IVe République. Aujourd’hui, il n’est plus présent dans le débat public, mais il n’a pas « disparu ».
Guillaume : Un changement de nom du parti est-il envisageable ?
Olivier Faure ne le souhaite pas, mais le débat pourrait être ouvert en interne. Sur le terrain, les militants sont partagés. En général, les plus âgés tiennent au nom « Parti socialiste » pour son histoire, d’autres, souvent les plus jeunes, assurent que c’est un « repoussoir » pendant les campagnes électorales.
Antoine : Olivier Faure peut-il faire revenir des électeurs et personnalités qui s’étaient détournés du PS l’an dernier pour suivre Emmanuel Macron ?
Pour les personnalités, cela semble pour l’instant compliqué : Jean-Yves Le Drian, le ministre des affaires étrangères, a annoncé le 8 mars qu’il quittait le PS et Olivier Dussopt, ancien député socialiste, a rejoint le gouvernement au mois de novembre 2017.
En ce qui concerne les électeurs, certains se disent déçus par la politique menée par Emmanuel Macron. L’élection législative partielle en Haute-Garonne a montré en mars que le PS pouvait avoir des réserves de voix chez les électeurs de LRM, mais c’est un cas particulier.
Ibou : Hormis Stéphane Le Foll, où sont les personnages susceptibles de porter la parole socialiste ? Quel défaut d’incarnation !
Après le quinquennat de François Hollande, au cours duquel le PS s’est entre-déchiré, la primaire de gauche qui a vu ses deux finalistes, Manuel Valls et Benoît Hamon, quitter le parti, et les ralliements plus ou moins explicites à Emmanuel Macron, la plupart des « ténors » ont en effet pris du champ. Najat Vallaud-Belkacem, pressentie un temps pour être candidate au poste de première secrétaire, a préféré rejoindre l’institut de sondages Ipsos. Cela ne veut pas dire qu’ils ne reviendront pas…
Matt. hardoy : Le départ du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) vers le mouvement Génération·s de Benoît Hamon est-il un coup dur, une surprise ?
C’est forcément un coup dur, puisque la décision de la direction du MJS (ce n’est pas l’ensemble du mouvement des jeunes socialistes qui part, mais une partie) intervient en plein congrès du PS, avant même l’investiture officielle d’Olivier Faure à Aubervilliers les 7 et 8 avril. Pour autant, ce n’est pas une « surprise », puisque la direction du MJS était très proche de Benoît Hamon et que celui-ci a toujours gardé un œil sur cette association qu’il a dirigée en 1993 et auquel il a donné son autonomie à l’époque où Michel Rocard était premier secrétaire du PS.
K.G : Le mouvement de Benoît Hamon n’est-il pas surévalué ? Ne s’agit-il pas de bruit médiatique plus que de politique ?
Benoît Hamon revendique 53 000 partisans derrière son mouvement Génération·s. En effet, c’est un chiffre à prendre avec précaution puisque ce ne sont pas des « adhérents » qui auraient payé une cotisation mais des sympathisants qui se sont inscrits sur son site internet, gratuitement.
Adinaieros : Les élections européennes de 2019 ne risquent-elles pas d’être une nouvelle défaite massive pour le PS ?
En effet. Historiquement, les élections européennes sont très compliquées pour le PS, qui n’a jamais vraiment tranché le débat de 2005 sur la Constitution européenne, qui a profondément divisé le parti.
Par ailleurs, ce scrutin à la proportionnelle incite de nombreuses formations à partir de manière indépendante, comme Europe Ecologie-Les Verts, qui a souvent réalisé de bons scores lors de ces élections. Par ailleurs, LRM affiche de grandes ambitions pour ce scrutin en se donnant pour objectif d’aller frapper à 100 000 portes, sur le modèle de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron. Tout dépendra également de la tête de liste que le parti se choisira. Il ou elle sera désigné·e « dans le courant du mois de septembre », selon Olivier Faure.
Guillaume : Comment voyez vous les prochaines échéances, notamment les municipales de 2020 ?
Les municipales vont en effet être le véritable test pour le parti d’Olivier Faure, puisque les européennes sont des élections difficiles pour le parti. Localement, des majorités sortantes pourraient être tentées de s’allier avec LRM, qui doit se construire un réseau d’élus et qui fera tout pour nouer des alliances. Ce sera le défi pour le PS : réussir à garder des villes voire à en remporter tout en conservant son identité. Sans compter que Génération·s prépare également cette échéance et que La France insoumise entend bien continuer sur sa lancée après les législatives de 2017.