Les voyageurs attendent dans la gare Montparnasse, à Paris, le 2 avril au soir au premier jour de la grève des cheminots. / Eléa Pommiers / Le Monde

Au pied des panneaux d’affichage de la gare Montparnasse, à Paris, les regards sont méfiants, mais soulagés. La SNCF avait promis un trafic « quasi normal » lundi 2 avril au soir, et aucune difficulté majeure ne semble contrarier les voyageurs en cette fin de week-end de Pâques.

« Nous avons eu une annulation, un trajet modifié et quelques retards, mais moins que ce que l’on craignait », détaille un « gilet rouge » de la SNCF, un agent présent dans la gare pour aiguiller les voyageurs. Ils étaient huit lundi soir pour rassurer et répondre aux questions des passagers, sceptiques sur la fiabilité des informations indiquées sur les panneaux d’affichage, et inquiets d’annulations qui n’auraient pas été déclarées.

Alors que la SNCF a annoncé que le mouvement de grève lancé par les cheminots à partir de mardi débuterait dès la veille à 19 heures, les voyageurs étaient nombreux à imaginer les difficultés. Béatrice avait anticipé. Maître de conférences à l’université de Bordeaux, elle fait fréquemment les allers-retours avec Paris.

« Je devais partir mardi, mais j’ai préféré changer mon train à ce soir pour être sûre de pouvoir partir », explique cette mère de famille, qui craint de ne pas pouvoir rentrer mercredi soir. Elle affiche cependant son soutien au mouvement des cheminots. « Privatiser nuirait à la qualité du service, alors je préfère trois mois de galère à cause d’une grève à dix ans de difficultés à cause d’une mauvaise réforme ! »

Son train partira à l’heure, comme la plupart. D’autres ont eu moins de chance. Patricia est venue avec sa fille et sa petite-fille, qui prend le train pour la première fois. Elles avaient, elles aussi, prévu un retour mardi matin, jusqu’à apprendre l’annulation de leur train, dimanche.

« On a voulu échanger pour un train avant 19 heures, comme on savait que la grève débutait à ce moment-là… Mais le prix dépassait les 300 euros ! » Elles ont finalement « pris le risque » de choisir celui de 19 h 52, cent euros moins cher. Et malgré l’heure de retard annoncée, elles restent sereines. « On pensait qu’on allait devoir râler, mais ça va pas trop mal en fait », relativisent-elles, estimant avoir été bien informées des conditions de circulation.

Tous n’ont pas leur flegme. Barbe et Henri reviennent de Bruxelles, et empruntent le même train. Elle est juriste, lui chef d’entreprise, ils travaillent mardi matin et ne seront pas chez eux avant minuit. « Ces gens sont prêts à bloquer la France pour défendre des privilèges et ils nous prennent en otage, je ne sais pas comment je vais supporter ça trois mois », s’emporte l’avocate.

Tension et incompréhension

Malgré un trafic peu perturbé, les incompréhensions étaient nombreuses lundi soir, et la tension palpable. Notamment car pour éviter une fréquentation importante sur des trains qui pourraient être affectés par le mouvement de grève, la SNCF a fermé les réservations dès lundi 19 heures. Pierre en a fait les frais, et il peine à contenir sa colère.

Lui n’avait pas pu réserver son billet en amont en raison d’une incertitude sur l’heure à laquelle il pourrait être à la gare, et comptait le prendre sur l’une des bornes mises à la disposition des voyageurs. « Il est affiché complet, je ne peux rien faire, c’est vraiment le bordel », tonne-t-il. Certains tentent leur chance directement auprès du chef de bord du TGV. D’autres, comme Pierre, patientent 1 h 30 de plus pour le TER de 21 heures.

« Ce soir ce n’est pas grave, il suffit d’attendre », relativise Martin, étudiant, qui a fait le pari de maintenir son voyage dans le dernier train de la soirée pour rentrer sur Bordeaux. L’application SNCF, qu’il ne quitte pas des yeux, le prévient déjà d’un retard de vingt minutes, qui n’entame pourtant pas sa bonne humeur.

« On est des habitués du train, on le prend tous les week-ends, explique-t-il en désignant son ami Rémi, à côté de lui. Ce soir ça va aller, on va partir. Par contre, dans les trois mois à venir, là ça va vraiment être dur, et il risque d’y avoir de l’énervement ». Les responsables de la gare Montparnasse sont du même avis. Mardi, alors que près d’un cheminot sur deux a prévu de faire grève, trente gilets rouges seront déployés pour « gérer la crise », dans cette gare qui voit passer plus de 140 000 voyageurs par jours.

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