Sélection albums : Astrig Siranossian, Kathrine Windfeld, Orquesta Akokán…
Sélection albums : Astrig Siranossian, Kathrine Windfeld, Orquesta Akokán…
A écouter cette semaine : une violoncelliste française pleine d’avenir, les chromatismes impressionnistes d’une pianiste danoise, une alliance réussie entre Cuba et New York…
- Astrig Siranossian
Cello Concertos
Astrig Siranossian (violoncelle), Sinfonia Varsovia, Adam Klocek (direction)
Pochette de l’album « Cello Concertos », de la violoncelliste Astrig Siranossian, consacré aux concertos d’Aram Khatchaturian et de Krzysztof Penderecki, avec le Sinfonia Varsovia (Adam Klocek). / CLAVES
Avec Astrig Siranossian, la constellation des jeunes violoncellistes français appelés à briller dans le ciel international s’enrichit d’une nouvelle étoile. Les deux concertos qu’elle présente ici sont un peu comme le jour et la nuit. Celui d’Aram Khatchaturian, composé en 1946, est aussi coloré que sa célèbre Danse du sabre mais plus finement. Celui de Krzysztof Penderecki, son n° 2, créé en 1982 par le légendaire Rostropovitch, est sombre et oppressant. Les deux œuvres se rejoignent toutefois dans un même parti expansif. L’archet d’Astrig Siranossian y adhère avec une pertinence renouvelée. Soyeux et virtuose, il met le feu aux poudres de l’arsenal Khatchaturian ; rêche et pénétrant, il fait jaillir la flamme de la conscience Penderecki. Si le crin de la violoncelliste semble changer d’un concerto à l’autre, le grain de l’orchestre aussi. Un tour de force dans la pigmentation et dans la densité de la Sinfonia Varsovia, réalisé par Adam Klocek. Pierre Gervasoni
1 CD Claves.
- Degout/Pichon/Pygmalion
Enfers
Scènes d’opéra de Rameau (Zoroastre, Dardanus, Castor et Pollux, Hippolyte et Aricie, Les Surprises de l’amour, Les Boréades) et de Gluck (Iphigénie en Tauride, Armide, Orphée et Eurydice).
Stéphane Degout (baryton), Ensemble Pygmalion, Raphaël Pichon (direction)
Pochette de l’album « Enfers », avec Stéphane Degout (baryton) et l’Ensemble Pygmalion, dirigé par Raphaël Pichon. / HARMONIA MUNDI
Frappant, détonnant, bouleversant : les mots se bousculent pour désigner ces Enfers – plutôt un paradis pour la musique. Le prétexte dramaturgique est d’une intelligence virtuose, qui déploie de savoureuses mises en abyme. A l’évocation du célèbre tragédien Henri Larrivée (1737-1802), interprète privilégié de Gluck et Rameau, se mêle la parodie anonyme d’un « Requiem » païen élaboré à partir d’airs d’opéras. Styliste de grande classe, le baryton Stéphane Degout se révèle pour Hadès un hôte de choix, dont le noir métal du timbre, la noblesse frémissante et l’intelligence dramaturgique guerroient dans cet affrontement métaphysique qui confronte l’homme avec le mystère de sa propre fin. Tourments furieux, plaintes insondables, angoisses, peurs et colère, jusqu’à l’apaisement élyséen (entrée de Polymnie dans Les Boréades) jalonnent ce séjour des morts où compagnonnent parfois le soprano d’une Emmanuelle de Négri et le ténor de Stanislas de Barbeyrac. La Phèdre superlative de Sylvie Brunet-Grupposo reste d’ores et déjà mémorable. A l’aune de cette excellence, les formidables musiciens de Pygmalion sous la direction d’un Raphaël Pichon, dont la réputation atteint désormais aux Champs-Elysées. Marie-Aude Roux
1 CD Harmonia Mundi.
- Kathrine Windfeld
Latency
Pochette de l’album « Latency », de Kathrine Windfeld. / STUNT RECORDS/UNA VOLTA MUSIC
Révélée en fin 2015 avec un premier album, Aircraft, qui lui a valu le titre, en 2016, de « Nouvelle Artiste jazz de l’année » des Danish Music Awards, victoires de la musique danoise, qui récompensent en une seule cérémonie tous les genres musicaux, la pianiste, compositrice et arrangeuse Kathrine Windfeld confirme tous ses talents avec un deuxième album à la tête de son big band, Latency. Un big band dans la tradition, avec pupitres des vents (trompettes, trombones, saxophones), piano, guitare et rythmique qui rassemble des interprètes danois, suédois et norvégiens. L’ensemble valorise l’écriture de Kathrine Windfeld, qui va et vient de chromatismes impressionnistes (Leaving Portland, Roadmovie), qui évoquent Gil Evans ou Kenny Wheeler, en propulsions toutes de densité et vagues emportées (Wasp, Double Fleisch). Sylvain Siclier
1 CD Stunt Records/Una Volta Music.
- DPU
Golden Years
Pochette de l’album « Golden Years », de DPU. / IL MONSTRO/L’AUTRE DISTRIBUTION
Saxophoniste notamment nourri au jazz – le duo avec le saxophoniste Philippe Herpin, Anches Doo Too Cool, du début des années 1980 est encore dans la mémoire – au rock et la pop, Daniel Pabœuf a fondé à la fin des années 2000 le groupe DPU, sigle de Daniel Pabœuf Unity. Avec lequel se fait entendre, dans ce nouvel album, Golden Years, une alliance particulièrement bien menée entre l’emploi des machines musicales (Hélène Le Corre, dite Mistress Bomb H aux échantillonneurs, traitement des sons) et les instruments « traditionnels » (saxophone, David Euverte aux claviers et Nicolas Courret à la batterie). Il y a aussi dans la voix de Daniel Pabœuf quelque chose de la théâtralité de David Bowie et d’Iggy Pop. En huit compositions, souvent dans un lyrisme sombre mais jamais pesant, cet envoûtant Golden Years est une réussite. S. Si.
1 CD Il Monstro/L’Autre Distribution.
- Orquesta Akokan
Orquesta Akokan
Pochette de l’album « Orquesta Akokan », d’Orquesta Akokan. / DAPTONE RECORDS/DIFFER-ANT
Cuivres flamboyants, chanteur vertigineux, percussions mordantes et canailles, du mambo, du son montuno et du guaguanco : tous les ingrédients pour une vibrante et lumineuse invitation à danser sont là. En novembre 2016, une petite vingtaine de musiciens cubains et new-yorkais se sont réunis dans l’historique studio Areito de la Havane. Des talents sûrs, dont le chanteur José « Pepito » Gómez, exilé depuis 2008 dans le New Jersey, qui a commencé sa carrière au sein du légendaire Orquesta Maravillas de Florida, créé à la fin des années 1940, dans la province de Camargüey, au centre de l’île, et le pianiste César « Pupy » Pedroso, qui a fait les beaux jours du groupe Los Van Van. D’autres ont joué dans Irakere, NG la Banda. Bref, des musiciens à pedigree. En trois jours, sous la direction des Américains Michael Eckroth (pianiste de jazz, entendu entre autres aux côtés du guitariste John Scofield, il signe les arrangements des neuf compositions) et Jacob Plasse (producteur et créateur du label new-yorkais Chulo Records), ils ont réalisé l’un des albums de musique cubaine les plus excitants que l‘on ait entendus depuis longtemps. Patrick Labesse