« De Nous Deux à Satanik », de François Angelier. En podcast sur Franceculture.fr / BERTRAND LANGLOIS / AFP

LES CHOIX DE LA MATINALE

Ce week-end, redécouvrez Jeanne Moreau, rencontrez de jeunes surdoués et plongez-vous sans culpabiliser dans l’histoire du roman-photo.

Jeanne Moreau, égérie de la modernité

Jules et Jim - François Truffaut
Durée : 02:35

A ceux qui attendraient un portrait classique, égrenant banalement les grands moments de la vie et de la carrière de Jeanne Moreau, morte le 31 juillet 2017, on ne saurait trop leur conseiller de passer leur chemin. Au contraire, s’ils veulent (re)découvrir cette comédienne hors norme et comprendre son rapport au cinéma, alors il est impératif de regarder le remarquable documentaire de Virginie Linhart qui a choisi un point de vue moins conventionnel. Et, de ce fait, plus juste et fidèle à ce qu’a été cette femme libre, transgressive, insoumise aux normes et aux conventions.

Pour saisir la trajectoire de celle qui « fougueusement a embrassé l’audace de la modernité », la réalisatrice dévide la bobine d’une décennie de films qui « l’ont révélée à elle et au public ».

D’Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle, à travers lequel elle découvre, dit-elle, « la beauté et la profondeur du cinéma », au tourbillon joyeux de Jules et Jim, de François Truffaut, de La Notte d’Antonioni jusqu’aux Valseuses de Blier, en passant par Le Journal d’une femme de chambre, de Luis Bunuel, Virginie Linhart, dont on saluera la qualité du montage, s’appuyant sur un choix pertinent d’extraits de films et surtout d’interviews de Jeanne Moreau et de ses metteurs en scène, dessine plus qu’un portrait : l’histoire d’un dialogue riche et fécond entre des cinéastes et cette égérie de la modernité. Christine Rousseau

« Jeanne Moreau, l’affranchie », de Virginie Linhart (France, 2017, 54 min). Sur Arte + 7

Ados précoces et sans repos

Un an après Détenues, ­remarquable documentaire sur des femmes condamnées à de longues peines, Marie Drucker a choisi d’explorer l’enfance à travers une nouvelle plongée, tout aussi sensible et ­délicate, dans l’univers d’ado­lescents ­précoces. Si les sujets et les lieux de ces immersions dif­fèrent, on retrouve la même ­volonté d’éclairer un processus de ­construction en démontant les préjugés, les idées reçues et autres clichés.

Filmant à hauteur d’enfance, Marie Drucker s’attache à mettre en évidence la fragilité de ces enfants, leur sensibilité extrême, leur ­détresse à maîtriser la complexité de leur pensée, les interrogations qui se bousculent dans leur tête. Mais aussi leur rapport aux autres enfants, à leurs parents, à une quête de ­ perfection, d’absolu, qui les écrase.

S’affranchissant de toute linéarité, en bousculant la chronologie, en se passant de tout commentaire, Le Courage de grandir s’offre, à l’image de ces adolescents et de leur pensée foisonnante, comme une arborescence de scènes savoureuses, d’instants à fleur d’émotion, de silences, de ­regards égarés en soi, de paroles poignantes. Ch. R

« Le Courage de grandir », de Marie Drucker (France, 2017, 65 min). Sur France.tv

Zoom sur le roman-photo

Au sortir de la seconde guerre mondiale, une nouvelle forme de récit naît en Italie. Mélange de bande dessinée et de photographie, le roman-photo voit sa popularité se propager rapidement. Notamment dans l’Hexagone, où un Français sur trois durant les années 1960 s’adonne à une lecture vilipendée autant par l’Eglise que par les mouvements féministes. En cause : des mises en scène sadiques ou érotiques et des scénarios à l’eau de rose.

Ce « mauvais genre » ne pouvait que trouver sa place dans l’émission de François Angelier sur France Culture. Un mauvais genre auquel le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), à Marseille, consacre jusqu’au 23 avril une rétrospective dans laquelle le journaliste nous entraîne en compagnie de Frédérique Deschamps, la commissaire de l’exposition. A travers des dizaines de petites anecdotes, ils redessinent ensemble l’histoire de genre.

Au fil de leur déambulation, on apprendra par exemple comment France Gall a vécu comme une « déchéance » le fait de poser pour un roman-photo, ou les raisons de l’engouement pour la revue sentimentale Nous Deux, de la très provocante série Satanik ou encore du héros extraterrestre de Supersex. Une plongée piquante et passionnée dans l’imaginaire d’un genre aujourd’hui réhabilité. Antoine Laurent

« De Nous Deux à Satanik », de François Angelier. Avec Céline du Chéné et Christophe Bier (France, 2018, 59 min). En podcast sur Franceculture.fr