Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, le 23 mars à Bruxelles. / JOHN THYS / AFP

Elle estime que les consommateurs européens bénéficient de « la meilleure protection au monde » mais n’hésite toutefois pas à proposer un ambitieux « New deal » (nouvelle donne) pour que leurs droits soient vraiment respectés : la Commission de Bruxelles a présenté, mercredi 11 avril, un plan qui devrait notamment permettre aux Etats de punir plus sévèrement les entreprises qui se rendraient coupables d’infractions.

Elles seraient taxées à hauteur de 4 % de leur chiffre d’affaires dans un pays, voire davantage si celui-ci le décide. En France, aux Pays-Bas et en Pologne, des dispositions légales autorisent des amendes à hauteur de 10 % en cas d’entorses aux bonnes pratiques commerciales. Mais en Lituanie l’amende maximale est fixée à 8 600 euros seulement, 13 000 en Croatie… D’où un plaidoyer de la commissaire Vera Jourova pour une harmonisation des règles.

Recours collectifs

Soucieuse de réviser ses dispositions actuelles sur la consommation – et de renouer avec les préoccupations concrètes des citoyens-électeurs – la Commission entend permettre aux personnes flouées de lancer, partout dans l’Union européenne (UE), des recours collectifs (class actions). Cette procédure n’existe actuellement que dans cinq pays de l’Union (Italie, Espagne, Portugal, Belgique et Suède).

L’exemple le plus frappant des carences actuelles de l’UE est le cas de Volkswagen : le constructeur allemand empêtré dans le « Dieselgate » a dû verser 22 milliards de dollars (17,8 milliards d’euros) en dédommagements et amendes aux Etats-Unis alors que les consommateurs européens attendent toujours une hypothétique indemnisation. VW a proposé 0,5 million d’euros…

Refusant d’imposer tel quel le modèle américain, Mme Jourova insiste toutefois sur le fait qu’il s’agit davantage d’apporter « de la justice » aux Européens que d’enrichir des avocats. Les recours collectifs devraient donc être organisés, portés par des organismes publics indépendants ou des associations de consommateurs reconnues dont le financement serait scruté, afin d’éviter des dérives. Une procédure contre une entreprise ne pourrait, en outre, être lancée qu’après l’avis d’une juridiction nationale.

Les entreprises s’inquiètent

Pascal Durant, vice-président du groupe des Verts européens approuve la démarche, à condition, explique-t-il, qu’elle débouche sur un véritable système européen de recours collectif. « Le marché unique doit avoir pour corollaire une “protection unique” des droits des consommateurs. Le champ du recours collectif devrait être élargi aux pratiques illégales des entreprises affectant également l’environnement, la santé publique ou encore les droits des travailleurs », ajoute l’eurodéputé.

Le mécanisme proposé par la Commission pourrait « nuire considérablement aux entreprises (…) créer des incertitudes juridiques, avec des conséquences incertaines en termes de protection effective du consommateur », juge en revanche le bureau européen de l’Association française des entreprises privées (AFEP), qui représente 115 des plus grandes entreprises opérant en France. Comme d’autres lobbies bruxellois, l’AFEP paraît redouter que les critères définis ne soient pas suffisamment solides pour éviter les contentieux abusifs.

L’adaptation du droit de la consommation au développement du numérique est une autre priorité affichée dans le projet de directive de Bruxelles. Il s’agit notamment de mieux informer les consommateurs qui ont recours à des sites marchands, en spécifiant clairement avec qui ils s’engagent : la plateforme en ligne ou un vendeur tiers. La transparence devrait aussi s’appliquer aux classements des réponses obtenues sur les moteurs de recherche, insiste la Commission européene.