Allemagne : un ancien gardien d’Auschwitz poursuivi par la justice pour « complicité d’assassinat »
Allemagne : un ancien gardien d’Auschwitz poursuivi par la justice pour « complicité d’assassinat »
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
La procédure se fonde sur une jurisprudence qui permet de juger et de condamner d’anciens nazis sans qu’il soit nécessaire de prouver que ceux-ci ont activement participé à la mise à mort des déportés.
Arrivée de prisonniers sur le site des chambres à gaz, à Auschwitz. Photo non-datée. / - / AFP
Un ancien gardien du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau pourrait être jugé en Allemagne, a annoncé, lundi 16 avril, le parquet de Stuttgart. Agé de 94 ans, cet ancien SS est accusé de « complicité d’assassinat » d’au moins 13 335 personnes, ce qui correspond au nombre d’individus « considérés comme non aptes au travail et tués dans les chambres à gaz » pendant la période où il fut affecté à Auschwitz, du 1er décembre 1942 au 31 janvier 1943, selon le communiqué du parquet.
Comme c’est l’usage outre-Rhin, le nom de l’accusé n’a pas été rendu public. Il a seulement été précisé qu’il était de nationalité allemande et qu’il était né à Ruma, ville aujourd’hui située en Serbie, à l’ouest de Belgrade. La tenue de son procès dépendra notamment de son état de santé.
Selon son avocate, citée par le parquet, il « ignorait le contexte, l’objectif et le déroulement du processus meurtrier » à l’œuvre à Auschwitz-Birkenau, où environ 1,1 million de personnes ont été assassinées durant la seconde guerre mondiale, dont 90 % de juifs.
Ces poursuites sont la conséquence de ce que l’on a appelé la « jurisprudence Demjanjuk », du nom de John Demjanjuk, un ancien gardien du camp d’extermination de Sobibor, condamné par la cour d’assises de Munich, en 2011, à cinq ans de prison pour complicité d’assassinat de 28 060 juifs.
Tribunal pour mineurs
Cette affaire a marqué un tournant dans l’attitude de la justice allemande vis-à-vis des crimes du IIIe Reich. Contrairement à ce qui était le cas auparavant, il n’est désormais plus nécessaire, pour condamner d’anciens nazis, de prouver que ceux-ci ont activement participé à la mise à mort des déportés. A la suite du procès Demjanjuk, l’Office central sur les crimes du nazisme, créé en 1958 et basé à Ludwigsbourg (Bade-Wurtemberg), a ouvert une trentaine d’enquêtes visant d’anciens nazis ayant été affectés à Auschwitz.
Moins d’une dizaine de ces enquêtes ont donné lieu à des condamnations, certaines procédures ayant été interrompues ou ajournées en raison notamment de l’état de santé des accusés. Deux de ces affaires ont néanmoins débouché sur des procès ayant eu un important retentissement en Allemagne. Celui d’Oskar Gröning, ancien comptable à Auschwitz, condamné en 2015 à quatre ans de prison pour complicité d’assassinat de 300 000 personnes. Et celui de Reinhold Hanning, ancien gardien à Auschwitz, jugé coupable, en 2016, de complicité d’assassinat de 170 000 personnes. Les deux sont toutefois morts sans avoir commencé à purger leur peine, Hanning en mai 2017 à 95 ans, Gröning en mars 2018 à 96 ans.
Si le procès de l’homme contre lequel le parquet de Stuttgart a lancé des poursuites a bien lieu, celui-ci se tiendrait toutefois dans un cadre inédit : âgé de 19 ans au moment des faits, à une époque où la majorité civile était à 21 ans, le vieillard devrait en effet comparaître devant un tribunal pour mineurs.