Les manèges anciens, pièces monumentales, vont certainement emballer les enchères. / FRANCOIS-BENEDETTI

Des carrousels de chevaux en bois, des appareils de force, des loteries, des manèges chenilles, des roulottes, une diseuse de bonne aventure automatique… A l’étude Cornette de Saint Cyr, jeudi 26 avril, il ne manquera plus que l’odeur de barbe à papa, de chichis et de pommes d’amour. 400 objets issus de la collection du « roi des forains », Marcel Campion, seront proposés à la vente.

« Il a conservé ses manèges tout au long de sa vie, au fur et à mesure qu’ils étaient remplacés pour remettre ses événements au goût du jour. Il a complété sa collection en achetant des pièces plus anciennes, explique l’expert de la vente Hubert Felbacq. La plupart sont donc dans un état d’usage, avec les couches de peinture successives apposées chaque année pour donner un coup de neuf aux chevaux, voitures, animaux » Car si en 1900, les enfants ravis tournaient juchés sur des chevaux en bois, ils se sont assis dans des petites voitures et des camions à partir des années 1920-1930, avant de s’envoler dans l’espace grâce aux navettes spatiales dans les années 1950 !

Un carrousel de 24 chevaux en bois de 1900 est estimé entre 350 000 et 400 000 euros.

Les manèges anciens, pièces monumentales, vont certainement emballer les enchères : le carrousel à 24 chevaux en bois, sorti des ateliers allemands de Neustadt-sur-Orla vers 1900, est estimé entre 350 000 et 400 000 euros. Le tape-cul (un manège dans lequel de petits sièges tournent à grande vitesse), daté des années 1880, devrait atteindre de 30 000 euros à 50 000 euros.

Curiosités des cirques d’antan

Mais cette vente permettra également de se faire plaisir à un coût raisonnable. Un sujet de manège (un hélicoptère ou une fusée en résine des années 1970) estimé de 200 euros à 400 euros ; une roulette de machine à sous entre 600 et 2 000 euros ; des roulottes des années 1925 avec leur aménagement intérieur évaluées de 15 000 euros à 30 000 euros ; ou encore une série de limonaires, ces orgues qui diffusaient la musique des fêtes foraines, estimées entre 30 000 euros et 40 000 euros.

Parmi les objets proposés, il faut noter les toiles d’« entre-sort » (de 800 euros à 1 200 euros) qui ornaient les espaces dédiés aux curiosités des cirques d’antan : la plus grosse femme du monde, l’homme le plus grand… Derrière ces rideaux se cachaient souvent de petites arnaques, telle « la belle Hollandaise dans son bain » vantée à l’entrée qui pouvait se résumer à un fromage de Hollande trempé dans l’eau !

Un esprit bon enfant résumant parfaitement celui des anciennes foires aux pains d’épices, foires du trône ou fêtes à Neu-Neu. Certaines de ces pièces ont d’ailleurs été prêtées par Marcel Campion lors d’expositions (« Il était une fois » à la Villette, « Jours de fête » au Grand Palais), ou de certaines éditions de ses foires, comme à la Foire du Trône où il avait recréé un espace à l’ancienne.

Un camion forain singulier

L’un des camions forains inclus dans la vente a une valeur particulière pour sa famille : « Fabriqué par le constructeur automobile lyonnais Luc Court, il appartenait au grand-père de Marcel Campion, qui était lutteur de foire. La légende dit qu’il aurait servi de taxi pendant la bataille de la Marne », raconte Hubert Felbacq. Ce camion singulier est estimé entre 15 000 euros et 20 000 euros.

« Marcel Campion avait l’ambition de créer un musée public. Mais au vu de ses relations avec les pouvoirs publics et la Mairie de Paris, il est devenu clair que le projet ne se fera pas », commente l’expert Hubert Felbacq.

« Vers la fin des années 1980, sachant que ses enfants n’avaient pas la même volonté que lui de tout conserver, Marcel Campion avait l’ambition de réunir toute sa collection afin de créer un musée public consacré aux arts forains », précise l’expert. « Celui de Jean-Paul Favand, à Bercy, est un musée privé. Mais au vu de ses relations actuelles avec les pouvoirs publics et la Mairie de Paris, il est devenu clair que le projet ne se fera pas. » Marcel Campion est en effet en conflit avec la Mairie de Paris au sujet de l’exploitation de la grande roue place de la Concorde (elle devrait être démontée en juillet), et du marché de Noël avenue des Champs-Elysées (qui n’a pas eu lieu en 2017). De ce côté, l’ambiance est assez loin d’être festive.

Le précédent de la vente Marchal

En 2011, plus de 600 pièces d’art forain étaient dispersées par l’étude Cornette de Saint Cyr lors de trois journées successives de vente. Cette collection, celle d’un couple de passionnés, Fabienne et François Marchal, a permis de poser les fondamentaux de la cote des objets d’art forain : « En France, en dehors de cette vente, il existe peu de références dans ce domaine, appuie l’expert Hubert Felbacq. Il n’est donc pas toujours évident de donner une valeur à ces pièces, rares et monumentales. Les ventes ne sont pas nombreuses ou alors elles se font pour les petites pièces dans les ventes courantes. » Aux Etats-Unis, en Angleterre ou en Allemagne, l’art forain a déjà acquis ses lettres de noblesse, « et l’on peut maintenant voir des chevaux de bois adjugés plus de 70 000 euros ». Les Marchal avaient de plus mené des recherches importantes concernant les fabricants, ce qui a fait progresser les connaissances dans ce domaine.

Collection Marcel Campion, 26 avril, Etude Cornette de Saint Cyr.