Une journée avec « Nintendo Labo », le jeu vidéo de construction de jouets en cartons
Une journée avec « Nintendo Labo », le jeu vidéo de construction de jouets en cartons
Par William Audureau
La rédaction de « Pixels » s’est essayée au nouveau concept loufoque de la Switch. Résultat : une après-midi Ikea, des moments de magie, et un aspirateur à passer.
L’objet du crime : le multi-kit Nintendo Labo, permettant de construire gaiement moto, voiture télécommandée, maison et piano en carton. Parce que pourquoi pas. / William Audureau
Le 27 avril, Nintendo lance Nintendo Labo, un nouveau concept de jeu vidéo pour sa console Switch : l’utilisateur doit construire des jouets en carton pour les utiliser comme contrôleurs dans des minijeux sommaires. Pixels a essayé la version commerciale en avant-première.
11 h 10. Sur YouTube, « l’unboxing », l’ouverture et le déballage d’un produit neuf, est un genre à part entière. Celui de Nintendo Labo risque d’en plonger certains dans des abîmes de perplexité : il s’agit d’une boîte en carton contenant des cartons (et une cartouche de jeu).
11 h 13. Après une mise à jour de la console et surtout de ses deux contrôleurs indépendants – ils joueront un rôle essentiel – l’heure est à la découverte de ces étonnantes planches de carton aux figures planes prédécoupées. De prime abord, elles ressemblent aux géoglyphes de Nazca : des figures abstraites au sens sibyllin tracées par une entité intelligente obscure. Au Mexique, certains y vont vu la trace de l’existence d’extraterrestres. Dans notre cas, tout désigne l’existence d’ingénieurs kyotoïtes.
Ceci est bien un article jeu vidéo. Ci-dessus, le résultat d’une journée à détacher des morceaux de cartons de leur planche. / William Audureau
11 h 25. La toute première figure à assembler est un simple porteur de manette, sommaire et rectangulaire. La difficulté est faible, l’expérience relativement proche de l’assemblage d’un cornet de frites au McDonald, l’odeur de graisse en moins.
11 h 36. Après un round d’échauffement pas bien intéressant, nous voici à l’attaque de la voiture télécommandée, comme Nintendo Labo baptise la seconde construction. Les explications à l’écran rappellent au choix un plan Lego ou Ikea, mais avec une animation en 3D dont l’utilisateur contrôle aussi bien la vitesse que l’angle de vue, et des explications très claires et pratiques en français. Pédagogie : 10/10, on n’a jamais construit de voiture télécommandée en carton aussi facilement.
La voiture télécommandée de Nintendo Labo vue de dessous. Oui, on a déjà vu des roues plus rondes. / William Audureau
11 h 48. Le corps de la voiture est fini, Nintendo Labo nous demande désormais de construire une antenne à attacher sur la console. Elle ne sert strictement à rien, sinon à donner l’air d’une grosse télécommande coiffée d’un émetteur en carton. Puissance de la nouvelle technologie.
La voiture télécommandée de Nintendo Labo vue du dessus. Oui, on a déjà vu des voitures qui ressemblaient davantage à quelque chose. / William Audureau
12 h 02. Sorcellerie, l’objet avance. Regards mi-interloqués mi-admiratifs de collègues. La voiture ressemble davantage à une sorte de curieux morpion de Bristol qui aurait deux manettes Switch pour poumons. Sur l’écran de la console-télécommande-antenne en carton, deux jauges permettent d’activer à distance la fonction « vibration » de chacun des deux contrôleurs. Juste de quoi renvoyer dans leurs papattes en papier mouillé suffisamment de force pour que la « voiture » avance dans un curieux ronronnement – de type vitre d’appartement d’angle quand passe un camion dans la rue du dessous.
12 h 10. L’objet fait fureur, interrompant toutes les conversations. On traverse victorieusement une table (elle ne fonctionne pas sur la moquette). Puis la créature chute un niveau plus bas. On se penche, on la ramasse, on la remet droit avec amour. Elle repart. Cinq minutes toutefois suffisent pour se lasser.
Bienvenue en 2018, l’année qui a vu la réalité virtuelle ringardisée par une tablette chaussée d’une antenne en carton. / William Audureau
13 h 40. Avec la construction de la canne à pêche, les choses sérieuses commencent. On ne le sait pas encore, mais il faudra plusieurs planches entières, une vingtaine de morceaux de cartons différents et deux bonnes heures pour en venir à bout.
14 h 21. Nintendo ne choisit pas la facilité, la canne à pêche est divisée en plusieurs sections, qui s’emboîtent entre elles. Un petit rituel obsédant se met en place : à chaque nouvelle pièce, plier de manière obsessionnelle en suivant chaque ligne, puis laisser la magie opérer, en voyant ces géoglyphes se transformer en quelques manipulations en un manche ou un moulinet.
14 h 59. Enième nouveau bout de carton. Enième série de plis à marquer. L’écran de la Switch nous trolle : « Aime les plis, et les plis t’aimeront. » On finit la calinette, l’une des trois portions de tige de l’objet. Joie.
O joie, la calinette est prête. Plus qu’une heure quarante-cinq de montage. / William Audureau
15 h 55. Entendu à la rédaction :
« — Tu viens prendre un café ?
— Je peux pas, je dois finir ma canne à pêche en carton. »
16 h 12. Le poste de test est désormais constellé de micro-bouts de carton, comme des paillettes d’amusement jetées au sol. Version moins poétique : il va falloir passer l’aspirateur.
16 h 35. Nintendo Labo nous propose désormais de construire un océan en carton. Relisez cette phrase trois fois sans cligner des yeux.
16 h 40. L’océan en carton est en réalité une sorte de mini-boîte à chaussure bleue un peu pyramidale, dans laquelle viennent s’insérer un fil en laine (celui de la canne à pêche), et une Switch à la verticale. Sur l’écran, sorcellerie à nouveau, l’hameçon se promène en suivant avec une précision époustouflante les mouvements du moulinet.
Une partie de pêche à la daurade japonaise à la rédaction de Pixels, dans le plus grand des calmes. / William Audureau
16 h 47. Tous les écrans de la rédaction sont désertés, la production du service Pixels est momentanément suspendue, il y a concours de pêche à la ligne. « C’est incroyablement brillant », s’enthousiasme l’un. « Amusant mais un peu chiant », proteste une autre.
16 h 50. Un estimé collègue se fait prendre en photo, canne à pêche en carton dans une main, doigts en V de l’autre, devant la daurade japonaise qu’il vient victorieusement de sortir de l’eau de l’écran de la Switch.
17 h 15. Le jeu Nintendo Labo propose trois onglets, construire, jouer et découvrir. Dans ce dernier, on apprend quelques astuces pour draguer l’omble blanche, mais aussi pour créer son propre poisson. Pour cela, il faut découper un patron de poisson en papier et le scanner dans un piano en carton. L’alcoolémie des créateurs du jeu suscite l’interrogation.
17 h 32. Bon, on fait quoi maintenant ? Nintendo Labo propose de passer à la construction d’une maison, d’une moto ou encore d’un piano. Temps nécessaire : 60 à 90 minutes minimum, et jusqu’au triple au maximum. « Y a une moto ? Nooon ? », s’exclame derrière nous un collègue dont la voix a soudainement dé-mué. Ok, va pour la moto.
18 h 21. Chaque morceau de carton est d’une ingéniosité bluffante. En attaquant le klaxon – car oui, il y a un klaxon – on se fait la remarque : Nintendo Labo est à Pif Gadget ce que les Lego Technics sont aux Duplo. Le bidouillage enfantin fait art, l’ingéniosité du bricolage à l’état pur, un côté Ponts et chaussées en carton brillant.
19 h 12. Ok, on a fini nos deux poignées de moto. Demain, on finira la bécane, et on s’attaquera au piano. On ne craint rien, il nous reste du carton.
Bref, on a joué à Nintendo Labo. / William Audureau