Financer sa formation continue diplomante
Financer sa formation continue diplomante
Par Gwenole Guiomard
Le coût de la formation continue diplômante constitue le principal frein rencontré par les salariés souhaitant se former. Pourtant, il existe de nombreuses aides pour faire baisser la facture finale. Mais il faudra faire vite. Mise en œuvre fin 2019-début 2020, la prochaine réforme va modifier l’ensemble du dispositif.
Par rapport à la formation initiale, les formations continues diplômantes apparaissent onéreuses aux Français. Leurs tarifs, pour les grandes écoles (8 515 stagiaires formés en 2017), varient de 10 000 à 50 000 euros hors taxes. « Le gros de nos cursus tournent autour de 22 000 euros sachant que, in fine, via les financements possibles, le reste à charge pour le stagiaire représente de 10 % à 20 % de ces montants », précise Thomas Jeanjean, de l’Essec, chargé de la formation continue à la Conférence des grandes écoles.
Avec une entreprise bienveillante, le reste à charge peut même être nul pour le salarié. Nathalie Delley, qui termine le master « grande école » de la Montpellier Business School Executive Education (le pôle formation continue de l’école), en est la preuve. Son cursus de 10 900 euros a été financé en totalité par la Sacem, son employeur.
« Avec son aval, j’ai postulé pour un congé individuel de formation [CIF] qui m’a été refusé [l’entreprise peut en effet, sous certaines conditions, reporter la demande d’absence du salarié liée au CIF]. Cela s’est transformé en un financement via une période de professionnalisation [dispositif de formation longue] sans baisse de salaire, sans surcoût pour moi », raconte la jeune femme de 37 ans.
Budgéter sa perte de salaire
L’université est bien meilleur marché. Un diplôme y « coûte, en moyenne, quelque 7 000 euros par an, avec des écarts élevés entre des cursus professionnalisants et d’autres, non sélectifs, à 180 euros l’année », détaille Franck Giuliani, président de la Conférence des directeurs de service universitaire de formation continue (100 000 stagiaires diplômés par an, du bac + 2 au doctorat).
A cela, il faut ajouter les dépenses de la vie courante et budgéter sa perte de salaire. « Il faut, en sus [du coût de la formation], un budget minimum de 600 euros par mois pour faire ce type d’études », estime Philippe Sessiecq, le directeur des études de Mines Nancy.
Pas étonnant alors, comme le signale une étude de la société d’intérim et de ressources humaines Randstad, que le coût constitue le principal frein (pour 39 % des sondés) à la formation continue. « Pourtant, les salariés disposent de modalités de financement relativement nombreuses », affirme François Béharel, le président de Randstad France. En utilisant à plein ces aides, le prix n’est pas un motif pour renoncer à se former.
Avant tout, convaincre son employeur
Pour abaisser au maximum les coûts, le salarié doit en premier lieu convaincre son entreprise de l’intérêt de son projet. C’est évidemment plus simple si l’employeur est favorable à la formation continue. Si l’on a la possibilité de choisir, il faut viser « des entreprises disposant d’un service formation dédié », explique Véronique Laurent, chargée de formation pour Randstad.
Comme le précise Malika Bouchehioua, directrice des ressources humaines de Derichebourg Multiservices, « il faut s’enquérir du nombre de CPF [compte personnel de formation] réalisés annuellement, du budget formation, du taux de personnes non formées, du nombre de formations diplômantes ». C’est essentiel, car faire partie d’une entreprise sensibilisée à la formation continue est d’une importance majeure pour faire financer ses cursus.
La réforme de la formation professionnelle mise en place par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, devrait encore renforcer cela. Dans ce type d’entreprise, le salarié pourra mettre en place une « stratégie du saucisson », selon les termes de Benoit Arnaud, directeur de la formation continue de l’Edhec : « Nos stagiaires découpent le temps de formation en tranches qu’ils financent par différents moyens : entreprise, banque, primes, RTT, financement personnel… »
Pour puiser le moins possible dans son propre capital, le salarié doit d’abord « convaincre son employeur de financer le cursus sur le plan de formation de l’entreprise », renchérit Joël Ruiz, directeur général de l’Agefos-PME, principal gestionnaire des fonds de la formation professionnelle privée. L’entreprise financera ainsi le parcours du salarié et/ou actionnera, par le biais de son OPCA (organisme paritaire collecteur agréé), la période de professionnalisation.
Si le financement de l’employeur est insuffisant, le salarié pourra y additionner ses heures de CPF. « Je préconise d’utiliser [ces] heures qui devraient, après la réforme, être transformées en euros », ajoute Frank Savann, directeur associé de Financermaformation.com, un site consacré aux différents financements de la formation continue. Le futur stagiaire peut encore « cofinancer » son projet en proposant de se former sur ses RTT, week-ends ou congés. Toujours pour abaisser les coûts, le salarié utilisera la validation des acquis de l’expérience (VAE) afin de diminuer le temps de formation et/ou mettra ses primes dans la balance.
Cette stratégie peut ne pas fonctionner du fait d’un employeur obtus, d’un conflit plus ou moins ouvert avec lui ou d’un projet professionnel inconciliable. Il faudra alors s’orienter vers le congé individuel de formation (CIF). Chaque année, celui-ci finance quelque 50 000 cursus. S’il est refusé, il est possible d’utiliser son CPF.
Pour boucler son budget, le salarié pourra réaliser un prêt bancaire et/ou utiliser ses propres deniers. C’est la solution retenue par Caroline Blanc, 38 ans, titulaire d’un master 1 obtenu au Conservatoire national des arts et métiers. « En tout, j’ai autofinancé mon cursus pour moins de 1 000 euros », a calculé la jeune femme.
Abrogation du CIF
Bien choisir son formateur est une autre solution intéressante. A l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), sur 250 diplômes, 54 sont de niveau supérieur ou égal au niveau bac +2. « Le stagiaire peut, par exemple, se former à ces niveaux à l’informatique, pointe Christophe Sadok, le directeur de l’ingénierie, de la formation et de la qualité. L’Afpa lui propose un parcours adapté à son expérience. Nous diplômons alors plus rapidement. » Avec, à la clé, une baisse des coûts.
Mais il faut se dépêcher. La réforme de la formation professionnelle devrait abroger le CIF – qui permettait de se former indépendamment des besoins en formation de l’employeur –, de même que la période de professionnalisation, avec comme philosophie de faire financer la formation des salariés par l’employeur et/ou par le CPF. D’où la disparition de certains financements d’ici à la fin 2019.
En revanche, il demeurera possible de se faire financer un cursus en alternance (contrat de professionnalisation ou d’apprentissage, dispositifs ouverts aux adultes). Dans ce cas, il faut se faire embaucher par le biais de ce contrat, négocier le salaire et suivre le cursus en partie à l’école, en partie dans l’entreprise.
Le cas des demandeurs d’emploi
Reste les demandeurs d’emploi. Le principal interlocuteur est alors le conseiller Pôle emploi. Pour décrocher un financement, il faut définir un projet de formation débouchant sur un rapide retour à l’emploi. Dans ce cadre, il faut opter pour un cursus financé et validé par Pôle emploi ou la région. La formation, acceptée, est gratuite et le demandeur perçoit ses indemnités à 100 %.
Dans le cas d’un cursus qui n’a pas été « préacheté » par Pôle emploi ou la région, le chômeur doit se rapprocher de son conseiller pour savoir si le cursus peut bénéficier d’une aide individuelle. Le demandeur d’emploi peut alors être amené à utiliser son CPF. « En 2017, conclut Audrey Pérocheau, directrice de la formation de Pôle emploi, 12 % des cursus financés par nos soins étaient de niveau bac + 4 ou + 5, 12 % de niveau bac + 2, 26 % de niveau bac et 50 % de niveau CAP-BEP et au-dessous. »
Découvrez notre dossier spécial formation continue diplômante
Le Monde publie, dans son édition datée du jeudi 12 avril, un supplément dédié à la formation continue dipômante. Car le projet de loi « avenir professionnel », qui sera présenté le 27 avril en conseil des ministres, impose une nouvelle philosophie, celle de salariés en mouvement « tout au long de leur vie », pour qui les diplômes et certifications seront une garantie d’emploi.
Les différents articles du supplément sont progressivement mis en ligne sur Le Monde.fr Campus, rubrique Formation des cadres et Le Monde.fr Economie, rubrique Emploi/Formation.