Ouverture du procès en appel de l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic
Ouverture du procès en appel de l’ancien chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic
Le Monde.fr avec AFP
En première instance, en mars 2016, il avait été reconnu coupable d’atrocités commises à Srebrenica et Sarajevo pendant la guerre de Bosnie, et condamné à 40 ans de prison.
Le 24 mars 2016, Radovan Karadzic à La Haye. / ROBIN VAN LONKHUIJSEN / AFP
L’ex-chef politique des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, comparaît de nouveau ce lundi 23 avril à La Haye devant les juges internationaux, saisis en appel de sa condamnation à 40 ans de prison pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité. L’audience devant le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), qui a pris le relais du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) après sa fermeture l’an dernier, doit débuter à 11 h 20. Une courte intervention liminaire du juge principal Theodor Meron sera suivie de trois heures d’échanges entre défense et accusation. L’accusé aura l’occasion de prendre librement la parole mardi.
En première instance en mars 2016, le TPIY l’avait reconnu coupable d’atrocités commises à Srebrenica et Sarajevo pendant la guerre sanglante de Bosnie. Le conflit dans ce petit pays des Balkans a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés entre 1992 et 1995.
Aujourd’hui âgé de 72 ans, l’ex-psychiatre est le plus haut responsable à devoir rendre des comptes devant la justice, depuis la mort pendant son procès de l’ancien président serbe Slobodan Milosevic. Son avocat, Peter Robinson, a fait appel du verdict du TPIY, estimant que les juges « l’ont présumé coupable et ont construit un jugement pour justifier cette présomption ».
Toujours érigé en « héros » par beaucoup des siens, l’ex-président de l’entité des Serbes de Bosnie, la Republika Srpska, a lui-même fustigé un « procès politique » et s’est dit victime d’une condamnation « monstrueuse ».
L’accusation avait fait appel
Dans son verdict, le TPIY considérait que l’accusé, « fer de lance des structures militaires, politiques et gouvernementales » des Serbes de Bosnie, avait cherché à diviser le pays. En s’emparant de plusieurs municipalités, ses troupes avaient « sélectionné leurs victimes sur la base de leur identité de musulman ou de Croate », affirmaient les juges.
Karadzic a été reconnu coupable de génocide pour le meurtre de près de 8 000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica en juillet 1995, le pire massacre commis en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Selon les juges, le massacre s’inscrivait dans le cadre d’un « nettoyage ethnique » planifié par un trio regroupant Karadzic, le général Ratko Mladic et Slobodan Milosevic.
L’accusé a aussi été condamné pour des persécutions, meurtres, viols, traitements inhumains ou transferts forcés, notamment lors du siège de Sarajevo, qui coûta la vie à 10 000 civils en 44 mois, ainsi que pour des camps de détention aux « conditions de vie inhumaines ». Il avait cependant été acquitté d’un des deux chefs d’accusation pour génocide, faute de preuves suffisantes pour affirmer, au-delà de tout doute raisonnable, qu’un tel crime avait été commis dans sept autres municipalités de Bosnie.
L’accusation, qui demandait la prison à vie, avait elle aussi fait appel du verdict, jugé trop clément. Le procureur Serge Brammertz regrettait notamment que les juges aient retenu « une définition excessivement étroite de l’intention génocidaire ».
Résident du quartier pénitentiaire des Nations unies
Un temps fugitif le plus recherché du continent européen, Radovan Karadzic a été arrêté en 2008 après près de 13 ans de cavale. Ayant renoncé à sa mèche indomptable, il se cachait à Belgrade sous les traits d’un spécialiste de médecine alternative, arborant une barbe blanche nourrie.
Depuis 2009, il est derrière les barreaux du quartier pénitentiaire des Nations unies dans les dunes de La Haye, où il cohabite notamment avec son alter ego militaire, Ratko Mladic, alias le « Boucher des Balkans », condamné à la perpétuité en novembre.
Avant le jugement en première instance en 2016, Karadzic avait fait sa valise, tant il était persuadé de pouvoir retrouver sa terre natale en homme libre avant la tombée de la nuit. A Banja Luka, la population serbe attend le retour de son « héros ». Le tribunal de La Haye est « injuste » dans la « perception de beaucoup de gens ici » et « n’a pas réussi à s’imposer comme un lieu de justice, susceptible de conduire à la réconciliation », a déclaré à l’AFP Milorad Dodik, le président de la Republika Srpska.