Terrorisme, Iran, commerce… Les enjeux de la visite de Macron à Washington
Terrorisme, Iran, commerce... Les enjeux de la visite de Macron à Washington
Par Marc Semo
Le président français, qui se rend aux Etats-Unis lundi, évoquera le terrorisme, l’Iran et le commerce international avec son homologue Donald Trump.
Emmanuel Macron et Donald Trump, le 13 juillet 2017 à Paris. / IAN LANGSDON / EPA
La visite d’Etat d’Emmanuel Macron, lundi 23 avril à Washington, est la première d’un dirigeant étranger depuis l’installation de Donald Trump à la Maison Blanche. Le président américain a ainsi voulu souligner l’importance qu’il accorde à sa relation avec son « ami » Emmanuel Macron. Ce dernier l’avait reçu avec faste pour le défilé du 14-Juillet et il ne veut pas être en reste.
Les trois jours de la visite d’Emmanuel Macron et de sa femme se dérouleront en grande pompe. Entretien dans le bureau Ovale à la Maison Blanche, dîner à Mount Vernon, la maison de George Washington, adresse au Congrès comme pour tous ses prédécesseurs de la Ve République, à l’exception de François Hollande. Comme Valéry Giscard d’Estaing en 1976, il s’exprimera en anglais pendant une trentaine de minutes. Un discours pour « rappeler les valeurs communes et la volonté de continuer à écrire l’histoire ensemble », souligne l’Elysée. Il a accordé également un grand entretien, diffusé dimanche, à Fox News, la chaîne réactionnaire qu’affectionne Donald Trump. Le président français, accompagné lors de cette visite par Jean-Yves Le Drian (affaires étrangères), Florence Parly (armées) et Bruno Le Maire (économie) abordera dans ses entretiens avec son homologue tous les grands sujets internationaux.
Terrorisme
Il y a une évidente convergence dans le caractère prioritaire de la lutte contre le terrorisme, y compris contre ses financements, alors que se tiendra à Paris une conférence internationale sur le sujet les 25 et 26 avril. La France comme les Etats-Unis veulent finir d’éradiquer l’organisation Etat islamique (EI) de son ancrage territorial syro-irakien, mais Emmanuel Macron espère aussi convaincre son interlocuteur de maintenir les quelque 2 000 hommes, notamment des forces spéciales, déployés au nord-est de la Syrie dans le territoire contrôlé par les FDS (Forces démocratiques syriennes) à dominante kurde. Soumis à la pression de son électorat et fidèle à ses promesses de campagne, Donald Trump voudrait au contraire pouvoir rapatrier les « boys » dès que possible.
Ils parleront aussi du Sahel. L’intervention au Mali, en 2013, a convaincu le Pentagone de la détermination française, et la présence, aux côtés d’Emmanuel Macron, de Jean-Yves Le Drian, passé de la défense aux affaires étrangères, est un atout. D’où le soutien américain, désormais affirmé, à la force militaire du G5 Sahel, initiée par la France et réunissant le Tchad, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie.
L’Iran
La lutte contre la prolifération nucléaire et chimique sera aussi au cœur des discussions et notamment le dossier du nucléaire iranien sur lequel Paris et Washington ont de sérieuses divergences d’approche, malgré des préoccupations communes, notamment sur le programme balistique développé par Téhéran. Donald Trump n’a jamais caché son hostilité « à l’horrible accord » de juillet 2015 entre les « 5 + 1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne, et Téhéran), gelant pour dix ans le programme nucléaire iranien.
Le 13 octobre, le président américain avait refusé de certifier, comme la loi américaine le lui demande, que l’accord avec l’Iran est conforme aux intérêts américains, et de proroger la levée des sanctions contre Téhéran. Donald Trump a posé la date du 12 mai comme ultimatum à ses alliés européens pour qu’ils s’entendent avec l’Iran, afin de « remédier aux terribles lacunes » du texte. Il réclame davantage d’inspections et, surtout, des gages pour l’après alors que l’accord limitant l’activité nucléaire de Téhéran est censé expirer entre 2025 et 2030.
La France s’emploie, avec les autres signataires européens, l’Allemagne et le Royaume-Uni, à le compléter avec des « recommandations fortes », y compris la menace de nouvelles sanctions à propos des missiles balistiques, afin d’augmenter la pression sur Téhéran et de donner des gages au président américain. Le retrait des Etats-Unis donnerait en effet le coup de grâce à l’accord de 2015, même si les autres signataires, à commencer par les Européens, continueraient à en respecter les termes.
Le limogeage du secrétaire d’Etat Rex Tillerson et son remplacement par « le faucon » Mike Pompeo, combinés à la nomination de John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale, sont perçus comme un durcissement de la politique américaine de mauvais augure pour l’accord iranien. « Même si le président américain n’a pas encore arrêté sa décision, les signaux reçus ne sont guère encourageants », reconnaît l’Elysée.
Les négociations commerciales
C’est, avec le climat, l’autre grande pomme de discorde, depuis que, le 8 mars, l’administration Trump a relevé de 25 % les taxes douanières sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium, tout en épargnant – seulement provisoirement – les intérêts des Européens. Ceux-ci ont jusqu’au 1er mai pour négocier des exemptions permanentes. « On espère que cette visite va être utile pour mieux expliquer nos positions, mais on n’espère pas de “deal”, on ne prévoit pas d’engranger d’accord lors de ces trois jours », explique l’Elysée, soulignant que « ce n’est pas vraiment l’objet de cette visite, c’est une visite très politique ».
Ces sujets seront aussi abordés deux jours plus tard par la chancelière allemande qui arrive à Washington le 27 avril. Mais ses relations avec Donald Trump sont très mauvaises depuis le début. Le président américain s’en est pris, avant et après son élection, à l’Allemagne en général et à la chancelière en particulier pour dénoncer les excédents commerciaux du pays, menacer le secteur de l’automobile de droits de douanes accrus et critiquer l’accueil des réfugiés depuis 2015.
« Pour les Etats-Unis, le numéro de téléphone de l’Europe, sa figure de référence, était Angela Merkel. Désormais, c’est Emmanuel Macron », relève Yves Bertoncini, de l’institut Jacques Delors. Un constat partagé par Célia Belin, chercheuse à la Brookings Institution qui, dans Foreign Affairs, relève que « la France, désormais, est le meilleur interprète des intérêts européens aux Etats-Unis ».