« En vingt ans, je n’ai jamais vu une fille en maçonnerie »
« En vingt ans, je n’ai jamais vu une fille en maçonnerie »
Par Mégane De Amorim
A Vannes, les bancs de certaines écoles, lycées et centres de formation d’apprentis présentent de forts déséquilibres entre filles et garçons. Reflet d’une orientation parfois « genrée ».
Des jeunes filles renoncent à leur choix d’orientation professionnelle par peur d’être dans un milieu « qui n’est pour elles ». / Bertrand Gaudillère / Item pour Le Monde
Dans l’atelier de menuiserie, où le bruit est assourdissant, dans le cours de carrelage, où les étudiants sont agenouillés au sol devant leurs mosaïques, comme dans la classe de charpente, où un étudiant s’est entaillé un doigt, des garçons et seulement des garçons. Ce centre de formation d’apprentis (CFA) qui forme aux métiers du bâtiment, à Vannes, affiche à peine 5 % de femmes parmi ses six cents apprentis.
« C’est simple, en vingt ans je n’ai jamais vu une fille en maçonnerie », constate François Houdard, conseiller jeunes et entreprises du CFA. Selon une étude de l’Onisep, les métiers du bâtiment comptent moins de 10 % de femmes en Bretagne. Parmi elles, Mégane Corral, qui a intégré le cursus de peinture du CFA il y a huit ans. « J’avais besoin d’un métier manuel. A l’époque, j’étais la seule fille et j’ai dû montrer de quoi j’étais capable pour me faire une place », se souvient-elle.
Ces déséquilibres dans certains secteurs apparaissent dès la classe de troisième, note Céline Mélédo, proviseure adjointe du lycée Lesage, à Vannes, qui constate que les séries sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) sont, dans les esprits, « restées comme une filière qui ne serait pas pour les filles ». Dans l’académie de Rennes, 94 % des effectifs de STI2D sont masculins, d’après l’Onisep.
Des jeunes filles qui renoncent à leur choix d’orientation professionnelle par peur d’être dans un milieu « qui n’est pour elles », Anne Samson, psychologue et spécialiste de l’orientation professionnelle à Vannes, en a beaucoup rencontré. « Je viens de recevoir une jeune qui s’est orientée vers le commerce, alors qu’elle était passionnée d’automobile, raconte-t-elle. Est-ce à cause de la pression sociale ? Parce qu’elle s’est dit qu’un employeur préférerait embaucher un homme ? Personne ne l’a poussée à renoncer, c’était intériorisé. »
Six filles pour cinquante-neuf garçons
Quand elle était en seconde, Sophie Dissaux a, elle aussi, abandonné son projet d’intégrer un baccalauréat spécialisé en sciences de l’ingénieur, « parce que je savais que j’allais être la seule fille pendant deux ans, et je n’y étais pas prête ». Après le lycée, cette Lilloise d’origine a finalement osé pousser la porte d’une école d’ingénieurs.
A l’Institut catholique des arts et métiers (ICAM) de Bretagne, établi à Vannes, elle est entourée de cinq autres filles… et de cinquante-neuf garçons. Une disproportion ressentie dès le hall d’entrée, où un tournoi de ping-pong a rassemblé les étudiants, uniquement des garçons, affairés autour de la table. « Depuis 1994, nous sommes toujours autour de 10 % de filles dans la promotion, cela n’a jamais progressé », regrette Pierre Dupouet, ancien directeur des études.
Pour encourager les jeunes filles à intégrer les écoles d’ingénieurs, Mme Dissaux est intervenue dans un lycée pour présenter son cursus, et a pris conscience des craintes de sexisme, de harcèlement sexuel et de dénigrement. « Toutes les lycéennes étaient inquiètes à l’idée de se retrouver dans un univers machiste », précise-t-elle. Si elle se veut rassurante, insistant sur l’évolution des mentalités en cours dans les entreprises, l’étudiante ne cache pas les malaises déjà ressentis lors de ses stages. « Lorsque je devais porter la blouse blanche transparente au travail, j’en entendais parler toute la journée et c’était très lourd », témoigne-t-elle.
Etre en minorité peut aussi devenir un atout. Baptiste Biard est devenu aide-soignant, une profession où les hommes représentent moins de 10 % des effectifs en Bretagne, selon l’Onisep. « Il est plus facile de trouver du travail en étant un homme, car les hôpitaux ont besoin de mixité », assure-t-il.
Pour Nicole Guenneuguès, chargée de mission égalité au rectorat de Rennes, « les choix d’orientation ne sont de toute façon qu’un symptôme et il faut se concentrer sur tout ce qui fait que, dès les plus petites classes, filles et garçons se préparent à occuper des places différentes dans la société ».
« Le Monde » aide les jeunes à s’orienter vers les études supérieures
Alors que les lycéens vont commencer, le 22 mai, à recevoir des réponses concernant leurs vœux d’orientation formulés de janvier à mars sur la nouvelle plate-forme d’admission post-bac, Parcoursup 2018, Le Monde Campus propose reportages, décryptages, tchats, à retrouver dans ses sous-rubriques Parcoursup APB et Etudes supérieures.
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