Zinedine Zidane dicte ses joueurs à Santiago Bernabeu, mardi soir. / JUAN MEDINA / REUTERS

Et Zinédine Zidane serra le poing avant de manifester son soulagement. L’écran géant du Stade Santiago-Bernabeu indiquait alors la sixième minute du temps additionnel et l’entraîneur français du Real Madrid, d’un calme olympien jusqu’ici, put enfin fendre l’armure au coup de sifflet final. Dans une atmosphère irrespirable, l’ex-numéro 10 des Bleus a réussi, mardi 1er mai, à éliminer les Allemands du Bayern Munich et à hisser les Merengue en finale de la Ligue des champions pour la troisième fois d’affilée. « Ce fut compliqué pour mon cœur », a-t-il reconnu, dans un sourire, après la rencontre.

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Celui qui a apporté au club espagnol sa « undécima » (onzième) victoire dans la compétition, en 2016 à Milan – face au frère ennemi de l’Atlético Madrid –, puis sa « duodécima » (douzième), en 2017 à Cardiff – contre les Italiens de la Juventus Turin –, tentera de lui offrir, le 26 mai à Kiev, sa « decimotercera » (treizième) couronne. Dans la capitale ukrainienne, le Real pourrait retrouver Liverpool, quintuple vainqueur de l’épreuve, qui était en ballottage très favorable (victoire 5-2 au match aller) avant son déplacement, mercredi, sur la pelouse de l’AS Rome.

La bravoure du Bayern n’a pas changé la donne : en vertu de son succès (2-1), acquis six jours plus tôt en Bavière, le club madrilène est parvenu à s’extraire des demi-finales malgré le nul anxiogène (2-2) concédé dans son antre. Grâce au doublé inscrit par son compatriote et « protégé » Karim Benzema et à une erreur arbitrale flagrante (penalty oublié sur une faute de main du Brésilien Marcelo dans sa surface), Zidane, 45 ans, est sorti gagnant de son duel de haut vol avec l’entraîneur et vétéran allemand Jupp Heynckes (73 ans), double vainqueur de la Ligue des champions (dont une fois avec le Real en 1998), et qui a mis en suspens sa paisible retraite à l’automne 2017 pour relancer le club munichois.

En passe d’égaler son ancien mentor

Nommé en janvier 2016 à la tête du Real, en remplacement de l’Espagnol Rafael Benitez, le Marseillais devient le troisième coach de l’histoire à disputer trois finales consécutives de Ligue des champions après les Italiens Fabio Capello (1993, 1994, 1995 avec le Milan AC) et Marcello Lippi (1996, 1997 et 1998 avec la Juventus).

Déjà sacré en 2014, lorsqu’il officiait sur le banc des Merengue comme adjoint du Transalpin Carlo Ancelotti, l’ex-meneur de jeu de l’équipe de France pourrait, en cas de triomphe à Kiev, égaler son ancien mentor, trois fois vainqueur du tournoi (2003, 2007, 2014), ainsi que l’Anglais Bob Paisley, sacré sur le banc de Liverpool en 1977, 1978 et 1981. Si d’aventure il soulevait encore le trophée, « ZZ » deviendrait le premier technicien à être couronné trois fois de suite.

« Des entraîneurs plus compétents, il y en a à la pelle », avait osé clamer Zidane, pourtant bardé de diplômes (licence européenne pro décernée par l’Union des associations européennes de football), avant la réception du Bayern. Doit-on y voir de la fausse modestie ou du sarcasme alors que l’ex-milieu du Real (2001-2006) – dont la sublime reprise de volée avait offert la Ligue des champions aux « Galactiques » en 2002 – fait désormais partie du cercle très restreint des entraîneurs les plus couronnés du Vieux continent ?

Vitrine de l’institution madrilène, adulé par les socios, « Zizou » peut d’autant plus savourer cette énième épopée européenne qu’elle vient égayer une saison morose sur la scène espagnole. Couvé par son « père spirituel » Florentino Pérez, le puissant patron du Real dont il fut le conseiller zélé et directeur sportif, le Français a rapidement fait une croix sur sa couronne en Liga, acquise au printemps 2017 et tout juste récupérée par le FC Barcelone.

A quatre journées du terme de la saison, les Merengue errent à la troisième place du championnat, à quinze points du leader catalan et à quatre unités de son dauphin, l’Atlético Madrid. Cet hiver, Zidane a battu sa coulpe alors que ses joueurs traversaient une période sombre. En janvier, l’élimination du Real en quarts de finale de Coupe du Roi par la modeste équipe de Leganés a fait couler beaucoup d’encre.

Une sortie de crise réussie

« Il ne reste plus que la Ligue des champions au Real cette saison, confiait alors au Monde un proche du vestiaire madrilène. Jusqu’ici, Zidane bénéficie de la confiance des dirigeants. Mais on sait que tout peut aller très vite au club. » Sur la sellette, l’entraîneur a poli son image de grand frère du vestiaire pour sortir de la crise. Très proche de son groupe, il a multiplié les entretiens individuels pour remobiliser ses cadres et serrer les rangs. Un climat d’union sacrée règne ainsi depuis au sein de la Maison blanche.

Zidane a également rallongé les séances d’entraînement, axant sa préparation sur les courses, l’endurance et l’impact dans les duels et le travail défensif. Outre son fidèle adjoint David Bettoni, rencontré au centre de formation de l’AS Cannes au début des années 1990, il s’appuie sur son préparateur physique italien, Antonio Pintus, enrôlé en juillet 2016. Connu pour ses méthodes musclées et éprouvantes, ce spécialiste connaît bien Zidane pour l’avoir fait souffrir sur les pelouses, de 1996 à 1998, lorsque les deux hommes œuvraient à la Juventus Turin.

Le déclic intervient lors de la double confrontation contre le Paris-Saint-Germain, en huitièmes de finale de Ligue des champions. Au match aller, le 14 février, les choix tactiques et le management de « ZZ » désarçonnent son homologue Unai Emery, guère inspiré dans ce domaine et battu (3-1) sur le fil à Bernabeu. Lors de la manche retour, le Real étend sa toile au Parc des princes et enterre avec maîtrise (victoire 2-1) les ambitions européennes du PSG. En quarts, la capacité de Zidane à s’adapter à l’adversaire, à modifier ses schémas de jeu et à lancer ses jeunes talents (Isco, Marco Asensio) contribue à écarter l’expérimentée Juventus. La gestion du vieillissant (33 ans) Cristiano Ronaldo, buteur (15 réalisations en Ligue des champions cette saison) attitré du Real et régulièrement ménagé, est aussi à mettre au crédit de l’entraîneur madrilène.

Après avoir sorti sa formation de l’ornière, le quadragénaire est en position de force à l’heure d’aller chercher un troisième titre européen consécutif. « L’ADN de ce club c’est de ne rien lâcher jusqu’à la dernière minute », a-t-il déclaré, enclin à incarner cette « culture de la gagne » chère au Real. Sous contrat jusqu’en 2020, conforté par ses dirigeants, Zidane a d’ores et déjà assuré qu’il souhaitait poursuivre sa mission à Madrid la saison prochaine. Quel que soit le dénouement de la finale de Kiev, son avenir immédiat paraît donc tout tracé.