En signe de protestation contre la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat, de nombreux bâtiments du monde entier, dont ici l’Hôtel de Ville de Paris, ont été illuminés de vert le 1er juin 2017. | Nadine Achoui-Lesage / AP

A l’occasion de la présentation, mardi 6 juin, de douze nouveaux lauréats du Challenge DataCity, programme créé par l’incubateur de start-up Numa en partenariat avec la Ville de Paris, Marie Vorgan Le Barzic, présidente de Numa, revient sur la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, et insiste sur la coopération essentielle des villes et des entreprises pour accélérer la transition écologique.

Les villes et les acteurs de la société civile peuvent-ils compenser le désistement d’un Etat dans la mise en œuvre de l’accord de Paris ?

Marie Vorgan Le Barzic : Il est fascinant de voir la façon dont la décision de Donald Trump a en fait créé une mobilisation des acteurs non étatiques. Loin d’avoir été reçue comme une contrainte, elle a produit un effet d’envie, d’engagement.

Cette dynamique est d’autant plus essentielle que les villes peuvent, par leur engagement, compenser le désistement d’un Etat. A fortiori si leur engagement est rejoint par celui des acteurs économiques et de la société civile.

Si elles sont un facteur important de détérioration du climat, les villes sont en même temps un levier majeur de résolution, car c’est en leur sein que se concentre la population et que l’on peut faire évoluer la consommation, les usages. Rien que dans les cent plus grandes villes du monde vivent aujourd’hui 25 % de la population mondiale.

Comment les villes peuvent-elles agir ?

Villes et entreprises peuvent être des actrices décisives de la transition écologique mondiale si elles agissent ensemble. Une start-up isolée met très longtemps à avoir une taille critique. Les grandes entreprises ne sont, elles, pas organisées autour de l’innovation. Quant à la ville, elle se heurte à des contraintes politiques.

Quand, par exemple, Anne Hidalgo décide d’interdire les voitures dans le centre de Paris, elle suscite la polémique ; elle prend une décision courageuse, bonne pour la planète, mais elle prend un risque. Lorsque, dans le cadre de DataCity, nous développons des solutions sur le territoire parisien pour créer des transports publics à la demande ou pour améliorer la livraison de colis, nous suscitons des transformations qui sont moins ambitieuses mais qui visent à avoir à terme des impacts équivalents : réduire le nombre de véhicules en circulation dans les rues. Et cela ne coûte rien aux citoyens, puisque ce sont les grandes entreprises qui financent ces opérations.

En quoi un programme comme DataCity peut-il contribuer à accélérer la transition écologique ?

Face à l’urgence absolue de stopper la détérioration de la planète, la coopération entre start-up, grandes entreprises et villes permet de réduire le temps de mise en œuvre d’une solution. La start-up dispose d’une solution innovante ; les grands comptes apportent ressources financières et humaines et peuvent également intégrer cette solution dans leur activité ; et la ville déploie la solution auprès d’un grand nombre d’usagers. Ces effets de levier peuvent réellement accélérer la dynamique de transformation.

Cette convergence et cette coopération entre start-up, grandes entreprises et villes permettent d’identifier des solutions dans un espace-temps limité à quelques mois. L’expérimentation et le déploiement d’une solution sont ramenés à neuf mois, au lieu de trente-six à l’accoutumée.

La valorisation de la donnée est clé dans cette perspective. Lorsque nous utilisons les données anonymisées de déplacement dans Paris pour adapter l’éclairage public en fonction des passages, nous réduisons de 5 % la consommation énergétique de ces équipements, pour un service égal rendu aux usagers. Lorsque les responsables d’école et de crèche peuvent suivre en temps réel leur consommation d’énergie — ce qui est totalement nouveau —, ils vont diminuer de plus de 10 % leur consommation d’énergie.

Qu’attendez-vous du partenariat de Numa avec le C40, réseau qui fédère quatre-vingt-trois mégapoles engagées dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des risques climatiques ?

La dimension internationale qu’acquiert ainsi DataCity apporte un levier supplémentaire. Une solution peut être d’abord développée dans cinq rues d’une collectivité, puis, si elle marche, elle sera déployée sur tout son territoire, et enfin être reprise par une autre ville ayant un contexte socio-économique et des besoins semblables. On accélère ainsi encore la transition écologique mondiale.

Sans compter que les membres du C40 maîtrisent les enjeux climatiques et connaissent les interlocuteurs qui, dans leur ville, sont prêts à agir et à mettre à disposition des données, des compétences et surtout des espaces d’expérimentation. Ce qui permet d’aller d’autant plus vite.

Smart Cities : « Le Monde » décrypte les mutations urbaines

A l’occasion de la remise des Prix internationaux de l’innovation Le Monde - Smart Cities, une journée de réflexion et d’échanges a réuni, le 2 juin à Singapour, ingénieurs, acteurs publics, sociologues, chercheurs, autour des transformations urbaines et des nouvelles formes de gouvernance de la ville.

Le 7 avril à Lyon, Le Monde avait déjà récompensé avec ses partenaires les lauréats de la deuxième édition des Prix européens de l’innovation Le Monde - Smart Cities pour leurs projets innovants améliorant la vie urbaine. A cette occasion, s’était tenue une journée de débats sur le thème « Gouverner la ville autrement : les villes peuvent-elles réenchanter la démocratie ? ».

Retrouvez l’actualité des villes décryptée par les journalistes du Monde dans la rubrique « Smart cities » sur Lemonde.fr.