Des agents de Smovengo, notamment chargés de répartir les Vélib’ entre les différentes stations de la capitale, sont en grève depuis le 17 avril. / CHARLES PLATIAU / Reuters

Ils se sont rassemblés sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris, à quelques mètres d’une station Vélib’ hors service. Une quinzaine d’agents de l’opérateur Smovengo, chargé du déploiement du service de vélos parisiens, protestaient jeudi 3 mai au matin contre leurs conditions de travail.

Depuis le 17 avril, ils sont une cinquantaine (soit 85 % des agents de terrain, selon les responsables du mouvement) à faire grève. Trois semaines pendant lesquelles ces agents chargés d’entretenir les stations et les Vélib’ demandent le maintien des conditions de travail dont ils bénéficiaient auparavant chez Cyclocity, filiale de JCDecaux.

Après avoir géré pendant dix ans le service de vélo en partage parisien, l’entreprise JCDecaux a perdu l’appel d’offres en avril 2017 au profit de Smovengo (qui réunit la PME montpelliéraine Smoove, les espagnols Mobivia et Moventia ainsi qu’Indigo, leadeur du parking). En novembre, les salariés de Cyclocity étaient entrés en grève afin d’exiger un reclassement par Smovengo, aux mêmes conditions salariales. En décembre, le nouvel opérateur reprend finalement 134 salariés.

Un panier-repas qui est « passé de 12 à 5,73 euros »

Aujourd’hui, les agents de terrain dénoncent notamment une baisse de la majoration des salaires de nuit, passée de 45 % chez Cyclocity à 10 % chez Smovengo. « Le panier-repas, lui, est passé de 12 euros à 5,73 euros » dénoncent également les grévistes.

« Depuis le début de la grève, nous ne sommes pas du tout écoutés, toutes nos revendications ont été balayées d’un revers de la main, regrette Patrick (le prénom a été changé), agent de régulation sur le service Vélib’ depuis 2007. Quand la direction nous a reçus, la seule chose qu’elle nous a proposée, c’est une augmentation de 27 centimes du panier-repas, c’est ridicule ! »

Les salariés en grève devaient être reçus une nouvelle fois jeudi après-midi. Face au mouvement social, la direction ne communique pas, rappelant seulement que les conditions de travail avaient été « acceptées il y a trois mois ».

« En signant chez Smovengo, on cherchait la sécurité de l’emploi, à garder nos postes, mais il n’était pas question que les conditions de travail se dégradent comme ça », répond l’un des porte-parole des grévistes, Oualid Aloui. Il met notamment en avant un problème d’effectif : « On est passé de trois cents agents de terrain sous la direction de JCDecaux, à moins d’une centaine actuellement. »

« Il y a un vrai malaise, renchérit-il. Cela fait quatre mois qu’on travaille pour Smovengo et on observe déjà de nombreux arrêts de travail. On voit bien que ce n’est pas normal. » A ses côtés, un collègue acquiesce. Non syndiqué, comme la plupart des grévistes du mouvement, il souhaite rester anonyme :

« On nous avait dit qu’on nous reprenait aux mêmes conditions, mais Smovengo nous a imposé de nouveaux horaires. 70 % des agents travaillent de nuit, et pas toujours sur les postes qu’on occupait avant. »

En première ligne face à la colère des usagers

Agent mécanicien depuis neuf ans sur ces vélos en libre-service, il découvre une pression sans précédent. « En plus des galères sur les stations qu’on doit entretenir, on est tous les jours confrontés aux usagers énervés de voir que le service fonctionne mal. C’est à nous qu’ils s’en prennent directement, pas à l’entreprise. »

Sa chasuble orange sur le dos, Patrick, chargé de déplacer toutes les nuits des vélos pour répartir la flotte entre les différentes stations de la capitale, partage ce constat : « Porter la veste Vélib’, ça fait office d’exutoire pour les usagers. On se fait parfois insulter… »

A l’origine de cette colère des usagers, on trouve de nombreux dysfonctionnements qui ont entaché le lancement de ce qui devait être un nouveau Vélib’, plus pratique, moins lourd et en partie électrique. Démontage des anciennes stations, électrification des nouvelles, installation des potelets d’accrochage… le chantier a pris un net retard. A tel point que, sur l’objectif des 1 400 stations disponibles dès la fin du mois de mars, seules 680 étaient ouvertes au début de mai.

« Il faut bien comprendre que les dysfonctionnements étaient là avant la grève », tient à rappeler Patrick, alors que Vélib’ a récemment argué dans sa communication que le service était perturbé en raison de la grève des agents.

« On garde espoir, veut insister Patrick. Si on fait grève, c’est aussi parce qu’on est attachés à ce service, qu’on trouve que le projet de Smovengo est un beau projet, que le service pourra être mieux qu’avant. Mais, en attendant, il y a plusieurs choses à régler. »

Poussée à réagir vite à l’accumulation des retards, la direction de Smovengo a présenté jeudi son « plan d’urgence » en trois temps pour résoudre la crise du déploiement du nouveau Vélib’. S’il n’évoque pas le volet social, ce plan prévoit notamment le remplacement de 3 000 vélos bloqués en station et le retrait temporaire des vélos électriques.