Le président italien recevra lundi 7 mai séparément chaque parti pendant vingt minutes pour leur rappeler l’enjeu d’aboutir à un consensus. / MAX ROSSI / REUTERS

Au lendemain de l’élection législative du 4 mars, le quotidien italien Il Tempo avait titré en « une » « Che bordello ! ». Deux mois plus tard, le constat se révèle au moins aussi approprié à la situation du pays, sinon davantage encore.

L’impasse politique est telle que le président italien, Sergio Mattarella, a lancé des négociations de la « dernière chance », lundi 7 mai. La cinquième en deux mois. Comment l’Italie en est arrivée à cette crise politique ? On récapitule.

Que s’est-il passé le 4 mars ?

L’élection du 4 mars – la première depuis la vaste réforme du système électoral italien, baptisée « Rosatellum bis » – a débouché sur une impasse. L’alliance du parti d’extrême droite la Ligue et du parti de droite de Silvio Berlusconi a obtenu 37 % des voix. Un score important, mais insuffisant pour former un gouvernement.

De son côté, le Mouvement 5 étoiles (M5S), nébuleuse populiste difficilement classable sur l’échiquier politique, a obtenu 33 % des votes. Enfin, le parti de centre gauche de Matteo Renzi a subi un revers sans précédent, récoltant seulement 18 % des voix.

Que s’est-il passé depuis ?

Comme souvent en Italie les soirs de vote, chacun a sorti sa calculette pour élaborer les scénarios de coalition possible. C’est en effet monnaie courante dans le pays de voir des partis s’associer par pragmatisme, malgré des programmes parfois résolument divergents.

Mais deux mois après l’élection, aucune hypothèse d’alliance ne s’est concrétisée. Le M5S a tenté de s’accorder avec la coalition de droite. En vain, la Ligue de Matteo Salvini n’envisageant pas de prendre ses distances avec son allié Silvio Berlusconi, condition sine qua non pour qu’un tel gouvernement puisse voir le jour.

Le dernier scénario en date, qui prévoyait de former un gouvernement dirigé par le M5S avec l’appui du Parti démocrate (PD), a été sèchement écarté par Matteo Renzi, malgré des désaccords au sein de la formation.

Est-ce si inhabituel ?

Les tractations politiques sont presque un passage obligé de la politique italienne. En moyenne, il faut un mois et demi pour former un gouvernement. C’est le gouvernement Amato de 1992 qui détient – pour l’heure – le record, avec quatre-vingts-quatre jours de négociations, soit près de trois mois. Mais la situation cette fois paraît tout de même particulièrement bloquée, et aucune sortie de crise ne semble s’esquisser.

Comment la situation peut-elle évoluer ?

Le président italien, Sergio Matarella, recevra lundi séparément chaque parti pendant vingt minutes pour leur rappeler l’enjeu d’aboutir à un consensus. Mais il est fort probable que ce nouvel épisode de négociations soit condamné à l’échec.

De son côté, le dirigeant du M5S, Luigi Di Maio, a réitéré vendredi sa demande de nouvelles élections dans les plus brefs délais, constatant le blocage des « partis traditionnels » à son idée de « gouvernement de changement ». Dans un entretien au journal Il Fatto Quotidiano, Luigi Di Maio estime que le scrutin pourrait avoir lieu le 24 juin et réfute l’objection d’un calendrier trop restreint pour permettre le vote des Italiens résidant à l’étranger.

Le leadeur de la Ligue, Matteo Salvani, appelle pour sa part à de nouvelles élections à la fin de l’année, pour donner le temps notamment de modifier le système électoral. La dernière réforme, le Rosatellum bis, avait particulièrement complexifié le scrutin, et est jugée en partie responsable de l’impasse actuelle.

Le président italien a exclu pour sa part la tenue de nouvelles élections dans l’immédiat. D’autant que les derniers sondages laissent supposer que de nouvelles élections ne permettraient pas de sortir de l’impasse.

Faute d’un accord viable entre les partis lundi, Sergio Matarella soutient la formation d’un gouvernement de transition composé de techniciens, en mesure d’établir avant la fin de décembre le budget 2019. Selon plusieurs journaux, le président Mattarella pourrait nommer dès mardi prochain un chef de gouvernement issu de la société civile, doté d’un mandat limité. Mais pour Luigi Di Maio, l’idée d’un tel gouvernement de technocrates reviendrait à voler au peuple le résultat de l’élection.

Y a-t-il des conséquences à cette instabilité politique ?

Pour l’heure, le chef du gouvernement, Paolo Gentiloni, continue d’expédier les affaires courantes, ce qui limite les effets déstabilisants de cette vacance du pouvoir. Mais cette difficulté à former un gouvernement n’est pas sans conséquence, notamment au plan économique.

Ces dernières semaines, les taux d’emprunt des pays du sud de l’Europe se sont tendus du fait de cette instabilité. « Il y a eu beaucoup d’annonces contradictoires (…) Cette confusion et la perspective éventuelle de nouvelles élections en cas d’impasse a pesé sur les taux d’emprunt italien » et « par contagion sur les autres pays du sud de l’Europe », a relevé auprès de l’Agence France-Presse Daniel Stefanetti, gérant obligataire de la société de gestion luxembourgeoise Ethenea.

Symbole de cette mise en berne de la quatrième économie de l’Union européenne, l’Italie s’est fait dépasser par l’Espagne en termes de richesse par habitants, selon le Fonds monétaire international (FMI). Une donnée imputée notamment à l’instabilité politique du pays.

En outre, les dernières prévisions économiques de la Commission européenne soulignent la nécessité d’un gouvernement disposant d’une majorité au Parlement afin d’entreprendre des réformes jugées nécessaires pour que l’Italie maintienne ses objectifs de croissance. Le vote du budget 2019 est notamment crucial dans ce processus, mais risque d’être intenable faute de coalition parlementaire.