LES CHOIX DE LA MATINALE

Notre programme cette semaine vous promène de Paris à Lyon avec un détour pictural jusqu’à Londres.

ARTS. La peinture jubilatoire de Gérard Garouste à Paris

« Diane et Actéon » par Gérard Garouste, 2015. / DAVID BORDES/ MUSEE DE LA CHASSE ET DE LA PECHE / ADAGP

Il y a des repas de Noël qui finissent bien : celui-là réunissait Gérard Garouste et quelques amis. Au moment où vint à table le foie gras, quelqu’un demanda s’il était casher.

Cela donne un tableau hallucinant, Les Trois Maîtres et les Oies grasses, où sont réunis autour d’une table Borges et Kafka encadrant le philosophe talmudiste Chouchani et deux oies qui leur font face. Elles ne sont pas rôties, mais bien vivantes, semblant plaider leur cause, l’air un peu chafouin. Deux autres sont au sol, à droite du tableau. La plus grosse est vue de face et tourne les yeux vers le spectateur.

Qui n’a jamais plongé son regard dans celui d’une oie plumée vivante ne peut comprendre la réponse à la question : le foie gras peut être casher techniquement, mais pas moralement ! Ce tableau est, avec d’autres, exposé à la galerie Daniel Templon, tandis qu’une série sur le mythe de Diane et d’Actéon est montrée au Musée de la chasse et de la nature : de la peinture jubilatoire.

« Gérard Garouste. Zeugma », Galerie Daniel Templon, 30, rue Beaubourg, Paris 3e. Tél. : 01-42-72-14-10. Tous les jours sauf dimanche, de 10 heures à 19 heures, jusqu’au 12 mai. Entrée gratuite.

« Diane et Actéon », Musée de la chasse et de la nature, 62, rue des Archives, Paris 3e. Tél. : 01-53-01-92-40. Du mardi au dimanche, de 11 heures à 18 heures, le mercredi de 11 heures à 21 h 30, jusqu’au 1er juillet. Entrée 8 €.

EXPOSITION. Le regard de Monet sur l’architecture, à Londres

« Le Palais ducal » par Claude Monet, 1908. / BROOKLYN MUSEUM OF ART / DON DE A. AUGUSTE HEALY

La peinture de Claude Monet (1840-1926) est souvent associée à l’expression des langueurs chromatiques de la nature : des paysages, des ciels ou de la mer. Pourtant, outre sa fameuse série des Cathédrales de Rouen débutée sur le tard, il a, tout au long de sa vie, introduit dans ses toiles de nombreux éléments construits : villes et villages, maisons et monuments, églises, ponts et gares.

A travers plus de soixante-quinze œuvres, « Claude Monet et l’architecture », l’exposition présentée jusqu’au dimanche 29 juillet à la National Gallery de Londres, témoigne de cette singularité qui éclaire d’un jour nouveau le travail du plus impressionniste des peintres français. Imposant ou vu de face, s’immisçant subrepticement dans le cadre, point de repère et indicateur d’échelle dans la luxuriance d’un paysage, le monde bâti apporte sa contribution à la lecture et à l’équilibre des tableaux.

Monet a aussi, selon le commissaire de la manifestation Richard Thomson, « su saisir une société en pleine évolution en dépeignant ses édifices. » Jean-Jacques Larrochelle

« Monet et l’architecture », National Gallery, Aile Sainsbury, Trafalgar Square, Londres WC2N 5DN
Jusqu’au 29 juillet. Tous les jours de 10 heures à 18 heures, jusqu’à 21 heures le vendredi.
£20 du lundi au vendredi ; £22 les week-ends. Gratuit pour les moins de 12 ans accompagnés.
Réservation de l’étranger : +44 (0) 2071265573. Nationalgallery.org.uk

MUSIQUE. Le Los Angeles Philharmonic de Gustavo Dudamel à la Philharmonie de Paris

Gustavo Duhamel. / VERN EVANS

Ceux qui préfèrent la musique symphonique à l’opéra, mis à l’honneur ce week-end avec l’opération « Tous à l’Opéra » qui ouvrira au grand public vingt-cinq opéras de France (Tous-a-lopera.fr) se précipiteront à la Philharmonie de Paris pour assister aux deux premiers concerts in loco du Los Angeles Philharmonique sous la direction de leur chef, le bouillonnant et charismatique Gustavo Dudamel.

Bouclettes secouées et baguette magique, le Vénézuélien fera d’abord rutiler la prestigieuse phalange américaine avec Amétiques de Varèse et la Symphonie n°5 de Chostakovitch après avoir assuré la création française de Pollux, d’Esa-Pekka Salonen.

Le lendemain, 6 mai, grand moment d’humanité : les Chichester psalms de Leonard Bernstein, auquel la Philharmonie de Paris consacre concomitamment un week-end pour le centenaire de sa naissance, ouvriront la voie à la Neuvième symphonie de Beethoven, message de fraternité universel s’il en fût. Marie-Aude Roux

Los Angeles Philharmonic, London Symphony Chorus, Gustavo Dudamel (direction). Philharmonie de Paris, Paris 19e. Le 5 mai à 20 h 30, le 6 mai à 16 h 30. Tél. : 01-44-84-44-84. De 10 € à 75 € et de 10 € à 110 €. Philharmoniedeparis.fr

DANSE. Programme mixte au sommet à l’Opéra de Lyon

Steptext de William Forsythe… / BLANDINE SOULAGE

La compagnie du Ballet de l’Opéra de Lyon possède un répertoire extra-large qui balaye un paysage contrasté. De l’abstraction la plus pointue comme celle de l’Américain Merce Cunningham à l’expressionisme le plus théâtral selon le Suédois Mats Ek, la palette des écritures et des mondes se déploie dans une interprétation toujours au plus fin de chaque style. Autant dire que la pioche est toujours bonne lorsque la troupe propose un programme mixte qui télescope les artistes.

Pour le menu concocté pour le Théâtre de la Ville-Espace Pierre-Cardin, trois pièces s’enchaînent. Critical Mass, créée en 1998, par le Britannique Russell Maliphant, sur une musique signée Andy Cowton et Richard English, irradie de cette beauté tranquillement articulée qui fait le charme puissant de Maliphant. Sarabande, chorégraphiée par Benjamin Millepied en 2009 pour quatre interprètes masculins, se faufile dans les Sonates et partitas pour flûte et violon seuls, de Bach, également choisi par William Forsythe pour Steptext (1985). Dans ce spectacle de haute intensité pour une femme et trois hommes, la complexité joueuse de Forsythe atteint un sommet. Rosita Boisseau

Ballet de l’Opéra de Lyon, Espace Cardin, 1-3 avenue Gabriel, Paris 8e. De 18 € à 36 €. Tél. : 01-42-74-22-77. Opera-lyon.com

PHOTOGRAPHIE. Portraits de juifs et de nazis au Mémorial de la Shoah à Paris

« Prisonnier politique  »(Marcel Ancelin), 1943. Une photographie de Erich Sander et August Sander. / ADAGP/ GALERIE JULIAN SANDER/ COLOGNE AND HAUSER & WIRTH / NEW YORK

D’August Sander, on connaît surtout son œuvre « Hommes du XXe siècle », qui voulait faire le portrait de la société allemande dans les années 1930-1940. Mais cette œuvre à l’ambition folle a été perturbée par la guerre – le livre de Sander a été interdit par les nazis, son fils bien-aimé, communiste, est mort en prison.

Le Mémorial de la Shoah, à Paris, se concentre sur un aspect peu connu de son œuvre, dans une belle exposition gratuite : les portraits qu’il a intégrés à son projet après la guerre, et qui mettent face à face des « persécutés » – les juifs de sa ville de Cologne forcés de se faire photographier pour de nouvelles cartes d’identité ornées de la mention « juif » – et des nazis qui venaient se faire tirer le portrait en uniforme chez Sander.

L’équipe du Mémorial de la Shoah a mené des recherches poussées pour retrouver les personnes juives sur les images : beaucoup ont fini gazés dans les camps. Quant aux nazis, on ne connaît pas leur identité, les archives de Sander ayant brûlé. Claire Guillot

« August Sander. Persécutés/Persécuteurs, des hommes du XXe siècle ». Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy-l’Asnier, Paris 4e. Tél. : 01-42-77-44-72. Tous les jours, sauf le samedi, de 10 à 18 heures. Nocturne jusqu’à 22 heures le jeudi. Entrée gratuite. Jusqu’au 15 novembre. Memorialdelashoah.org

EXPOSITION. L’incroyable univers de Caro et Jeunet à la Halle Saint-Pierre à Paris

L’exposition Caro/Jeunet – Halle Saint-Pierre
Durée : 02:03

Marionnettes articulées, machines Steampunk, costumes baroques, aliens géants, storyboards, dessins de décors, illustrations, objets emblématiques (le cahier de photomatons ou le nain de jardin d’Amélie Poulain), l’exposition Caro/Jeunet proposée à la Halle Saint-Pierre à Paris constitue une expérience mémorielle enchanteresse.

De Delicatessen à Un long dimanche de fiançailles, de La Cité des enfants perdus à Micmacs à tire-larigot, les deux cinéastes ont ouvert leurs malles aux trésors pour faire revivre leur univers cinématographique à la fois étrange et poétique. Le joyeux bric-à-brac qui a accompagné les productions de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet se (re)découvre dans une scénographie ludique et inventive à l’image d’un duo qui a su garder son âme d’enfant. Cette exposition singulière foisonne de pépites visuelles et démontre à quel point ces deux artistes sont des bricoleurs d’imaginaires. Sandrine Blanchard

Caro/Jeunet, A la Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard, 75018 Paris. Tél : 01-42-58-72-89. Jusqu’au 31 juillet 2018, le samedi de 11 heures à 19 heures et le dimanche de 12 heures à 18 heures (en semaine de 11 à 18 heures) Tarifs : de 7 € à 9 €.

MUSIQUE. Stéphane Belmondo joue Chet Baker, au Sunside, à Paris

Stéphane Belmondo - Love for Sale
Durée : 06:14

Le modèle, celui des enregistrements du trompettiste Chet Baker (1929-1988), à la fin des années 1970, avec le contrebassiste Niels-Henning Ørsted Pedersen (1946-2005) et le guitariste Doug Raney. Ses interprètes aujourd’hui, pour ces concerts au Sunset, à Paris, presque ceux d’un superbe album Love For Chet (Naïve) par Stéphane Belmondo (bugle, trompette), Jesse van Ruller (guitare) et Thomas Bramerie (contrebasse), ce dernier étant remplacé par Sylvain Romano. La musique, de toute beauté, justesse émotionnelle, envoûtement, sans pathos. Chet Baker, le beau gosse détruit par l’héroïne, une face charme ensoleillée, une face sombre.

En avril 2015, lors de la parution du disque, Stéphane Belmondo nous avait confié : « Le piège serait d’exagérer dans un sens ou dans l’autre, faire joli, pousser vers le tragique. Il a eu un parcours avec beaucoup de cassures. Tout cela, je l’ai mis de côté, je joue avec mon mal et avec mon bien, pas avec un fantasme de Chet. » Sylvain Siclier

Sunside, 60, rue des Lombards, Paris 1er. Mo Châtelet, Les Halles. Tél. : 01-40-26-46-60. Vendredi 4 mai, à 21 h 30, samedi 5 mai, à 19 heures et 21 h 30. 28 €.