Donald Trump montrant le document qui atteste du retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, à Washington, le 8 mai. / SAUL LOEB / AFP

Editorial du « Monde ». Jamais l’accord sur le contrôle du nucléaire iranien de juillet 2015 n’a été aussi menacé. L’annonce, le 8 mai, par Donald Trump du retrait américain et du rétablissement de sanctions dures ne va pas nécessairement donner le coup de grâce immédiat à ce compromis laborieusement négocié entre les « 5 +1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) et Téhéran, mais elle le condamne à une lente agonie.

Obsédé par la volonté de défaire tout ce qu’a réalisé son prédécesseur, Barack Obama, à commencer par cet accord, qu’il définit comme « le pire jamais signé par les Etats-Unis », Donald Trump joue les boutefeux, alors même que la guerre en Syrie, devenue le théâtre de l’affrontement entre les diverses puissances régionales, oppose toujours plus directement l’Iran et Israël. Malgré les mises en garde des autres signataires, à commencer par les Européens, le président américain persiste dans sa décision absurde, dont l’effet sur le Moyen-Orient s’annonce dévastateur.

Signé à Vienne après douze ans d’un bras de fer diplomatique, l’accord de Vienne ou Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) est loin d’être parfait. Il gèle pour dix ans le programme nucléaire iranien et interdit à Téhéran un niveau d’enrichissement de l’uranium ouvrant la voie à une utilisation militaire. La République islamique doit en outre se soumettre à une surveillance stricte de ses installations nucléaires par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Un pari et des failles

En échange, les sanctions économiques qui ont étranglé l’économie iranienne ces dernières années ont été pour partie levées. C’était un compromis et, comme tel, nécessairement imparfait. C’était surtout un pari : le retour de l’Iran dans la communauté internationale et son ouverture économique favoriseraient une montée en puissance des courants modérés au sein de l’Etat et auraient une influence pacificatrice sur la région. Il fallait le tenter.

Les failles sont néanmoins tout aussi évidentes. Nombre des clauses arrivent à échéance en 2025 et un grand flou demeure sur l’après. L’accord n’interdit pas en outre explicitement à l’Iran de continuer à développer la précision de son arsenal de missiles et de conserver ses missiles de longue portée, capables d’atteindre aussi bien l’Arabie saoudite qu’Israël.

Rien n’oblige non plus la République islamique à modérer ses ambitions régionales, alors même que l’influence iranienne est toujours plus forte au Liban, ainsi qu’en Syrie. Autant de points sur lesquels les Européens partagent les préoccupations de l’administration Trump, à commencer par Paris, qui fut la capitale occidentale la plus engagée pour un accord « robuste » avec Téhéran. D’où la proposition d’Emmanuel Macron de conserver le JCPOA, tout en le complétant.

Fort de sa relation personnelle avec Donald Trump, le président français espérait le convaincre d’éviter une sortie fracassante. Paris comme Londres et Berlin veulent désormais tout faire pour tenter de sauver l’accord malgré les Etats-Unis, voire contre eux, ouvrant potentiellement une crise sans précédent de la relation transatlantique. A la différence de Washington, Téhéran a, du propre aveu de l’AIEA, respecté jusqu’ici ses engagements, sans toutefois en retirer les bénéfices espérés. Il s’agit donc maintenant d’éviter la revanche des opposants iraniens à l’accord, qui déjà menacent de reprendre l’enrichissement de l’uranium, enclenchant l’engrenage vers le pire.