Depuis qu’il a quitté la direction du collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), en octobre 2017, il scie, usine, assemble, cheville, polit. Lorsqu’il ne donne pas des formations « d’autodéfense intellectuelle » à de jeunes militants associatifs aux quatre coins de la France, Marwan Muhammad s’initie à l’art de la menuiserie. Tenons et mortaises n’auront bientôt plus de secret pour lui. Une façon comme une autre de se recentrer, après dix-huit mois passés à la tête du CCIF comme directeur exécutif. Dix-huit mois tendus, marqués par des controverses – notamment autour des arrêtés municipaux antiburkini. Avec l’annonce de cette « consultation des musulmans », le répit actuel pourrait cependant être de courte durée.

A 39 ans, Marwan Muhammad est une personnalité centrale mais aussi clivante du militantisme issu de l’immigration. De nombreux musulmans lui sont reconnaissants de défendre avec vigueur leur image, qu’ils estiment salie, dans le débat public, par des soupçons constants sur les thèmes de la radicalité religieuse et de la laïcité. Ses détracteurs, eux, l’accusent de nourrir la méfiance entre la République et les musulmans et d’être un contrebandier d’un islam politique.

« Musulman lambda »

Porte-parole (2010-2014) puis directeur exécutif (2016-2017) du CCIF, il a efficacement fait décoller les adhésions à cette association fondée en 2003, à l’époque de la discussion de la loi contre le voile à l’école. Il a bénéficié pour cela de la décision du Conseil d’Etat, saisi par la Ligue des droits de l’homme et le CCIF, de suspendre l’arrêté antiburkini pris par le maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), à l’été 2016.

S’il a quitté la direction du CCIF, il ne s’est pas pour autant tenu à l’écart de l’actualité des derniers mois. En février, il a cosigné une tribune intitulée « Pour une justice impartiale et égalitaire » en faveur de Tariq Ramadan, mis en examen pour viols, avant de se tenir par la suite à l’écart de la campagne de soutien à l’islamologue. En avril, il a publié sur Mediapart une réponse indignée au « Manifeste contre le nouvel antisémitisme » qui dénonçait l’existence d’un « antisémitisme musulman », qualifiant ce texte de « raciste ».

Aujourd’hui, c’est en « musulman lambda » qu’il propose de mettre ses qualités d’organisateur et son épais carnet d’adresses au service de la régulation du culte musulman. Il y a peu de chance pour que cela se fasse sans difficultés. Pour tenter d’entraîner et d’assembler les pièces éparses de l’islam de France, il pourra puiser dans ses compétences nouvelles de menuisier. Encore une affaire de tenons et de mortaises, en somme.