Hélène Michel, professeure de management de l’innovation à Grenoble école de management (GEM). / Marie-Sophie LETURCQ

Les MBA de Grenoble école de management, de Duke, Washington, Stellenbosch et plusieurs Executive MBA internationaux utilisent les pédagogies ludiques, et notamment des jeux que vous avez créés. Pourquoi et comment « gamifier » un MBA ?

Je vois trois conditions à prendre en compte pour « gamifier un MBA ».
Premièrement, il est indispensable de prendre en compte tout le parcours utilisateur de l’apprenant : son recrutement, sa formation, son coaching, son placement en entreprise, etc. Bref, on doit « sortir de la salle de classe ».

Deuxièmement, il faut manier le « Screen & Green ». « Screen » pour des dispositifs qui peuvent être utilisés à distance, en auto-formation, et « Green » pour des expériences présentielles interactives permettant de manipuler les concepts. Le jeu est particulièrement intéressant pour ces phases présentielles.

Enfin, troisième point extrêmement important, à ce niveau-là, il faut être conscient que l’on n’utilise pas la gamification pour faciliter l’accès à des connaissances complexes. Ceci serait un déni du potentiel des apprenants. Il est donc hors de question de « peindre les murs en rose » pour faire « fun ». Cela serait mal perçu. On se concentrera plutôt sur certains moments critiques, que l’on n’arrive pas, ou peu, à adresser, avec des méthodes classiques.

Dans quelles situations d’apprentissage, cette gamification est-elle alors pertinente ?

En règle générale, la gamification est intéressante dans trois situations : « C’est trop compliqué ! Je ne me sens pas capable de le faire » ; « C’est trop rébarbatif. Je pourrais le faire mais c’est tellement fastidieux, je n’irai pas au bout » ; « C’est trop simple ! J’ai tout compris, c’est évident. A quoi bon creuser ? »

Dans le cas des MBA, utiliser la gamification est plutôt pertinent dans la situation « C’est trop simple », c’est-à-dire quand les étudiants ont la sensation d’avoir compris les concepts et ne creusent pas. « Le Business Model Canvas ? Evident ! Le centrage client : un basique ! La proposition de valeur ? Déjà vu… ».

Le jeu permet de se focaliser sur le gap entre learning et doing : les apprenants comprennent les concepts, on veut qu’ils soient capables de les opérationnaliser dans leur travail.

Un exemple de jeu ?

La méthode Cubification, utilisée en présentiel, rend tangibles et manipulables des concepts théoriques liés à l’innovation et permet de faire émerger des offres innovantes. Les personnes comprennent la mécanique d’innovation, car on leur fait appliquer. Cette démarche a tout son sens, car elle est aussi pertinente dans les MBA que dans les opérations de formation en entreprises. Des milliers de salariés à la BnF, Maped, Natixis Eurotitres, Somfy... l’ont déjà utilisé.