Au siège de Nike, à Beaverton, dans l’Oregon. / NATALIE BEHRING / AFP

Culture « macho », inégalités hommes-femmes, insultes… Les témoignages d’employés de Nike dénoncent tous un environnement « toxique » dans l’entreprise, fait de discriminations et de harcèlement moral et sexuel. Résultat : l’équipementier sportif est confronté à un exode sans précédent de dirigeants depuis un peu plus d’un mois.

Les départs sont, d’après une source proche du dossier, la conséquence des premières conclusions d’une enquête interne, lancée en mars, après la libération de la parole d’employés – en majorité des femmes – dans le sillage du mouvement #MeToo né du scandale Harvey Weinstein.

Depuis mars, au moins onze hauts dirigeants ont quitté l’équipementier sportif, dont Trevor Edwards, un Afro-Américain, président de la marque Nike et considéré comme le successeur de Mark Parker, le PDG actuel. En interne, M. Edwards, qui a passé plus de vingt-cinq ans chez Nike, était réputé pour humilier ses subordonnés lors de réunions publiques.

Clubs de strip-tease, « salope stupide »

Tout est parti du ras-le-bol d’un groupe de salariées, qui a fait circuler un sondage interne révélant des abus et des inégalités hommes-femmes en matière de promotion. Cette enquête, qui rassemblait les témoignages d’employés femmes et hommes, dénonçait de façon générale la culture « macho » de l’entreprise – une sorte de « boys club » – et l’inertie du département des ressources humaines.

Certains font état de sorties de bureau entre collègues se terminant dans des clubs de strip-tease, de manageurs hommes se vantant d’avoir des préservatifs, des commentaires sur les seins d’une salariée écrits dans un courriel adressé à l’intéressée, une récurrence de remarques désobligeantes et humiliantes. Une employée a confié au New York Times que son supérieur hiérarchique l’avait traitée de « salope stupide » mais n’avait pas été sanctionné malgré le fait qu’elle avait rapporté l’incident à la DRH.

Interrogé par l’AFP, Nike n’a pas souhaité s’exprimer. « Nous avons tous une obligation – non négociable – de créer un environnement et une culture de respect et d’inclusion », a déclaré le 3 mai le PDG Mark Parker aux employés.

Un cinglant revers

L’impact financier de cette affaire sur Nike est négligeable pour l’instant : l’action de l’entreprise n’a pas été affectée en Bourse, les initiatives de boycott lancées sur les réseaux sociaux n’ont pas pris. Aucun des prestigieux ambassadeurs de Nike – les joueuses de tennis Serena Williams et Maria Sharapova, le basketteur LeBron James, le footballeur Cristiano Ronaldo, entre autres – ne s’est encore exprimé sur le sujet.

Il n’en reste pas moins que c’est un cinglant revers pour Nike, dont le célèbre slogan « Just do It » est censé inciter des millions de jeunes à travers le monde à poursuivre leurs rêves. L’équipementier s’est en outre donné une image « cool », progressiste et de défenseur des valeurs d’égalité et de justice, comme l’atteste une campagne de février.

La direction, qui a reçu plus de 43 000 réponses à son enquête interne, a commencé à procéder à des changements. Elle a promu récemment deux femmes à de hautes fonctions, Amy Montagne et surtout Kellie Leonard, élevée responsable de la diversité et de l’intégration. Actuellement, seuls 38 % des manageurs sont des femmes et quelque 23 % sont « non caucasiens », selon les termes de l’entreprise. Le groupe de Beaverton (Oregon) promet également de revoir les formations des manageurs, de modifier ses procédures d’embauche et d’instaurer des entretiens d’évaluation individuels de façon régulière.