L’auteur de l’attaque de Toronto devra répondre de 10 chefs d’accusation de meurtre
L’auteur de l’attaque de Toronto devra répondre de 10 chefs d’accusation de meurtre
Par Anne Pélouas (Montréal, correspondance)
Alek Minassian, décrit par un ancien camarade comme ayant « peur des filles », avait foncé sur un trottoir du centre-ville le 23 avril, tuant huit femmes et deux hommes.
Alek Minassian, chauffeur du véhicule-bélier qui a foncé sur la foule le 23 avril dans le centre-ville de Toronto, tuant dix piétons et en blessant 16, a été inculpé, jeudi 10 mai, de trois nouveaux chefs d’accusation. Il devra désormais répondre de 10 chefs d’accusation de meurtres avec préméditation et 16 tentatives de meurtre. Une prochaine audience est prévue le 14 septembre.
Son avocat, Boris Bytensky, a précisé à la sortie du tribunal que « le processus judiciaire serait long », ajoutant que « justice sera faite », sans préciser si Alek Minassian avait l’intention de plaider coupable ou non. Me Bytensky a noté que les avocats devaient parfois « représenter des gens qui ne sont pas toujours les plus populaires ».
Qualifiant le cas de son client de « très complexe », il a refusé de faire des commentaires sur sa santé mentale ou sa personnalité : « Ce n’est pas le moment de discuter de M. Minassian. La ville est en deuil ; les familles pleurent leurs disparus. Nos pensées et celles de la famille Minassian sont avec eux. » L’avocat a par ailleurs écarté la piste terroriste, tout comme la police, même si certaines féministes, comme l’essayiste américaine, Jessica Valenti, plaident pour la reconnaissance d’un « terrorisme misogyne ».
Thèse du féminicide
Acte d’un misogyne, d’un déséquilibré mental ou les deux à la fois ? Les indices et témoignages recueillis après l’attaque meurtrière dressent le portrait d’un jeune homme de 25 ans brillant, calme et réservé, mais qui répétait souvent : « J’ai peur des filles », comme « un slogan ou un tic », selon les confidences, au Toronto Sun, d’Ari Blaff, un ancien camarade de classe qui l’a connu au lycée Thornlea de Thornhill.
La thèse du féminicide est en tout cas corroborée par le nombre de victimes femmes, soit huit sur dix personnes tuées lors de la course folle du véhicule-bélier sur la rue Yonge, mais aussi par le message qu’Alek Minassian avait laissé le jour même sur son compte Facebook. Au lendemain de l’attaque, la police notait que son auteur avait visé « majoritairement des femmes » juste après avoir publié sur Facebook « un message énigmatique » mais clairement misogyne. « La rébellion Incel a déjà commencé », écrivait-il en référence au mouvement anglo-saxon des « célibataires involontaires ».
Il a également mentionné Elliot Rodger, l’auteur de la tuerie d’Isla Vista en Californie, en 2014, qui avait fait six victimes. Ce dernier avait expliqué dans une vidéo vouloir imposer un « châtiment » aux femmes qui l’avaient rejeté. Le 28 avril, le quotidien Toronto Sun révélait qu’en prison, Alek Minassian a ouvertement évoqué son dédain pour les femmes.
Le jeune Alek était presque toujours seul, n’avait pas beaucoup d’amis et avait un comportement « assez étrange » mais jamais agressif envers les autres. En revanche, se souvient son ancien camarade Ari Blaff, « il ouvrait souvent sa chemise et se crachait dessus au milieu de la classe ».
Un bon élève « socialement mal à l’aise »
A Thornhill, le jeune Alek suivait également un programme spécial pour jeunes autistes. Dans un entretien accordé en 2009 au journal local Richmond Hill Liberal par sa mère, Sonia Minassian, on apprend que son fils vivait avec le syndrome d’Asperger, un trouble envahissant du développement, forme d’autisme touchant l’interaction sociale, la communication et la perception cognitive. Mais sans rapport avec un risque de comportement violent.
Au Collège universitaire Seneca, où il a étudié de 2011 à début 2018, certains le décrivent comme « socialement mal à l’aise », souffrant d’un trouble obsessionnel compulsif. Il se frottait notamment la tête et les mains à répétition. S’il participait activement aux cours, il ne parlait à personne en dehors. En classe, se souvient Joseph Pham, « il s’exprimait très bien mais parlait très lentement. Il posait des questions intelligentes et remettait des travaux de haute qualité ».
En 2017, Alek Minassian a passé deux mois dans les Forces armées canadiennes. Dans ce cadre, il devait suivre un entraînement de treize semaines, mais au bout de seize jours, il a demandé à en partir. Une source militaire a indiqué à l’agence La Presse canadienne qu’il avait des difficultés avec la discipline militaire et que ses performances étaient en dessous de la moyenne. En revanche, aucun signe avant-coureur de la tragédie de Toronto n’avait été décelé, selon cette même source.
Passionné d’informatique et de développement de logiciels, il faisait partie d’un bureau interne de recherche et d’innovation. Il avait développé l’application Toronto Green Parking Advisor, permettant de trouver facilement des places de parking dans la ville. Fraîchement diplômé en développement de logiciels, Alek Minassian cherchait un emploi depuis le début de l’année.