Dans le parc de la Maison Blanche, le 23 avril 2018. / Andrew Harnik / AP

Gratifié de la faveur de la première visite d’Etat à Washington depuis l’arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump, Emmanuel Macron suscite une curiosité que les rendez-vous protocolaires du 24 avril, suivis d’un discours au Congrès et d’une séance de questions-réponses avec les étudiants de la George Washington University le lendemain, n’ont pas épuisée.

Après le discours devant les élus américains ponctué de standing ovations pour ses éloges du multilatéralisme, des valeurs humanistes et la nécessité de la lutte pour l’environnement, la chroniqueuse du New Yorker Susan Glasser avait publié sur son compte Twitter un message dans lequel elle assurait ironiquement qu’il « pourrait très probablement remporter l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2020 ». Elle avait cité dans un article le cri du cœur d’un sénateur démocrate du Delaware, Chris Coons : « J’aimerais qu’il soit mon président ».

Au Congrès américain, Macron dénonce le nationalisme et la guerre commerciale
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En un an, Emmanuel Macron est devenu familier aux Etats-Unis, notamment du fait des nombreux entretiens accordés aux principaux médias américains, du magazine Time à la chaîne CNN en passant par la très conservatrice Fox News. Sa maîtrise de l’anglais le sert. Avant sa rencontre avec les étudiants, le président avait également disserté pendant plus d’une heure devant un aréopage d’éditorialistes. Aucun de ses prédécesseurs n’avait été en mesure de le faire auparavant.

La forme n’explique pas tout. La « relation spéciale » entre Londres et Washington, sur laquelle misait la première ministre britannique Theresa May, n’a pas produit les effets escomptés pour le Royaume-Uni, faute d’être parvenu au terme du divorce du Brexit. Angela Merkel, qui pâtit dans sa relation avec Donald Trump d’un excédent commercial jugé rédhibitoire, est sortie affaiblie d’élections législatives indécises et de longues tractations pour former une coalition gouvernementale. Emmanuel Macron est de facto devenu le chef de file d’une Union européenne en panne de leadership.

Peut-être même au-delà. Le New York Times, qui a pu se montrer sévère à propos des choix du président français en matière de politique migratoire ou de sécurité intérieure, a estimé dans un éditorial, le 1er mai, que « l’Occident a grandement besoin d’un leader qui peut clairement proclamer : ce que nous chérissons est menacé et ce que nous vénérons est en danger », en référence à la poussée des nationalismes et des régimes jugés illibéraux. Richard Haass, ancien pilier d’administrations républicaines et contempteur de Donald Trump, a également présenté sur Twitter Emmanuel Macron comme « le leader de l’Occident (si tant est qu’il y a toujours un Occident) ».

Plasticité

Comme l’explique Benjamin Haddad, un chercheur du think-tank conservateur Hudson Institute qui avait pris publiquement position en faveur du futur président pendant la présidentielle française, « Emmanuel Macron plaît aux démocrates parce qu’il se pose comme le garant d’un ordre international menacé, mais il séduit aussi les républicains du fait de sa bonne relation avec Donald Trump, de ses positions sur les questions de sécurité comme du fait de sa volonté de réformer son pays »

Il apparaît sur ce dernier point « plus solide » selon lui que Nicolas Sarkozy, dont l’élection avait été également saluée par les républicains en 2007, sans doute parce qu’elle permettait aussi de tourner la page d’une brouille franco-américaine liée à Jacques Chirac et à sa décision de ne pas intervenir en Irak en 2003.

Cette plasticité macronienne se vérifie avec sa présence à la « une » du magazine des affaires Forbes, en mai, où il est présenté comme le champion du libre-échange. Un élu républicain du Kentucky, Thomas Massie, élu lors de la vague du Tea Party, en 2010, avait pourtant réagi une semaine plus tôt à sa visite américaine en dénonçant un « socialiste à la Bernie Sanders », la principale figure de l’aile gauche démocrate, « alarmiste » sur le climat et incarnant selon lui « le sombre avenir du Parti démocrate américain ».

Emmanuel Macron vu d’ailleurs

Le Monde publie une série d’articles pour analyser la perception du président français hors de l’Hexagone :