Mads Mikkelsen à l’hôtel Marriot à Cannes, le 11 mai 2018. / STEPHAN VANFLETEREN POUR « LE MONDE »

Sélection officielle – hors compétition, séance de minuit

Le genre a fait ses preuves à Cannes. L’homme seul qui lutte contre les éléments pour sa survie. En 2013, J. C. Chandor et Robert Redford enfermaient toute une salle dans la cabine d’un voilier en perdition, et les spectateurs ressortaient lessivés d’All Is Lost. L’ambition de Joe Penna, youtubeur brésilien passé à la réalisation de publicités, de clips et maintenant d’un long-métrage, est de susciter chez leurs successeurs de 2018 des engelures imaginaires, en une centaine de minutes de séjour au nord du cercle polaire, arctique, comme le titre l’indique.

La minutie avec laquelle il énumère les stratagèmes qu’élabore Overgard (Mads Mikkelsen), son héros, pour ne pas mourir de faim ou de froid après le crash de l’avion qu’il pilotait, pourrait emporter la conviction si le réalisateur, qui est aussi scénariste (avec Ryan Morrison), avait fouillé le caractère de son unique personnage avec l’ardeur que celui-ci met à creuser dans la neige un gigantesque SOS visible du ciel. Mais l’essentiel de ce travail incombe au seul Mads Mikkelsen, par ailleurs durement mis à contribution dans d’autres compartiments du jeu : bricolage, pêche, premiers secours…

Joe Penna à l’hôtel Marriot à Cannes, le 11 mai 2018. / STEPHAN VANFLETEREN POUR « LE MONDE »

Une morale aussi rigoureuse que le climat

Car si le film n’a besoin que d’un acteur, sa population totale s’élève à deux âmes. Les premières séquences montrent Overgard plusieurs semaines après le crash de son avion et la mort de son copilote. Ses journées sont minutées à la seconde : pêche à la truite arctique, activation d’une balise de fortune, entretien du signe SOS déjà mentionné. L’acteur donne à cette ascèse une noblesse certaine, on sent qu’Overgard est un garçon sérieux. C’est aussi un homme de bien. Lorsqu’un hélicoptère qui a fini par le repérer s’écrase à son tour, il en extrait une copilote, thaïlandaise, qui restera pendant tout le film dans un état semi-comateux. Le naufragé devient sauveteur, et doit choisir entre sa seule survie et celle de la microcollectivité constituée par les catastrophes aériennes.

Mads Mikkelsen à l’hôtel Marriot à Cannes, le 11 mai 2018. / STEPHAN VANFLETEREN POUR « LE MONDE »

A chaque fois qu’il lui faut choisir, Overgard témoigne d’une morale aussi rigoureuse que le climat qu’il doit subir. Malgré l’engagement physique de Mads Mikkelsen, malgré l’inépuisable étonnement de son regard face aux merveilles et à la cruauté de la nature, on finit par ne plus douter de grand chose quant à l’issue de cette ordalie. Si bien qu’on s’intéresse à de petits détails : pourquoi la blessée ne sort-elle jamais du sac de couchage dans lequel son sauveteur l’a enveloppée ? N’est-ce pas contraire à l’hygiène la plus élémentaire ? Comment notre héros, au bout de plusieurs semaines de diète salmonidée, peut-il faire preuve d’une force physique et d’une endurance dignes du mieux nourri des triathlètes ? Quand ce genre de préoccupations se glisse dans les replis de l’esprit du spectateur au point de le distraire des événements qui surviennent à l’écran, le film n’est pas tout à fait réussi.

Cannes 2018: Mads Mikkelsen in ARCTIC Clip
Durée : 01:33

Film américain de Joe Penna. Avec Mads Mikkelsen, Maria Thelma Smaradottir (1 h 37). Sortie prévue le 5 décembre. Sur le Web : www.thejokersfilms.com/films/arctic