Le mariage de Meghan Markle et du prince Harry entre Gospel et protocole royal
Le mariage de Meghan Markle et du prince Harry entre Gospel et protocole royal
Par Philippe Bernard (Londres, correspondant)
La cérémonie, qui s’est déroulée samedi dans la chapelle Saint-Georges du château de Windsor, a notamment été marquée par le sermon enflammé du révérend américain Michael Curry.
Windsor en pleine fièvre du mariage princier
Marier la tradition à l’audace, les pompes patriotiques à l’ouverture aux autres cultures : ce talent typiquement britannique s’est déployé en grand, samedi 19 mai pendant l’office religieux au cours duquel le prince Harry et l’actrice américaine Meghan Markle se sont juré d’être mari et femme « pour le meilleur et pour le pire jusqu’à ce que la mort [les] sépare ». Rompant avec la coutume royale, la mariée n’a pas promis « obéissance » à son époux et celui-ci, peut-être en signe d’égalité, a choisi de porter une alliance comme elle.
Depuis leur mariage, scellé à la mi-journée au milieu de 600 invités dans la chapelle Saint-Georges du château de Windsor, le couple est officiellement désigné par le très aristocratique titre de « duc et duchesse de Sussex ». Pendant l’office religieux, Meghan Markle portait un diadème de offert en 1893 par la reine Victoria à la reine Mary et prêté par l’actuelle souveraine. Et son voile diaphane, long de cinq mètres, était parsemé de 53 fleurs symbolisant chacun des pays du Commonwealth, dont la plupart sont des anciennes possessions de l’Empire britannique.
Sermon enflammé du révérend Michael Curry
Mais la cérémonie, si elle a été conçue pour symboliser la modernisation de la monarchie britannique, a atteint son but. Entre Gospel et Schubert, entre prêche enflammé à l’américaine et rite anglican rigoureux, le mariage royal millésime 2018 a clairement signifié aux Britanniques, voire au monde, la volonté de la vénérable institution de vivre dans son siècle. Certes, en l’absence de son père, la mariée a été officiellement accueillie chez les Windsor au bras du prince Charles, le prochain roi. Mais le sermon enflammé sur « le pouvoir de l’amour » prononcé par le révérend Michael Curry, prédicateur afro-américain, a transformé la chapelle médiévale en cathédrale d’Harlem.
Devant un auditoire huppé hésitant entre sidération, adhésion et amusement, le président de l’Eglise épiscopale des Etats-Unis a commencé en citant le leader américain de la lutte pour les droits civiques Martin Luther King : « Le Dr King avait raison, nous devons découvrir l’amour, le pouvoir rédempteur de l’amour. De cette façon, nous pourrons faire du vieux monde un monde nouveau. L’amour est le seul moyen, a-t-il lancé en agitant les bras devant une reine Elizabeth II visiblement interloquée. Deux jeunes gens sont tombés amoureux et nous voici rassemblés ici ».
Même sous le joug, les esclaves noirs américains ont continué de croire dans le pouvoir de l’amour, a poursuivi le révérend en présence de Doria Ragland, mère de la mariée et descendante d’esclaves des plantations de Géorgie, assise au premier rang. Des chanteurs de Gospel ont entonné plus tard This Little Light of Mine, un chant d’inspiration biblique utilisé pendant la lutte américaine pour les droits civiques.
Entrée de la diversité chez les Windsor
Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblés samedi 19 mai dans les rues de Londres pour célébrer le mariage princier. / Peter Summers / Peter Summers/PA Wire/dpa
Bien sûr, il y a eu du Fauré et du Schubert joué au violoncelle interprété par le Britannique Sheku Kanneh-Mason et des musiciens de trois orchestres nationaux, et une lecture biblique par la sœur de la princesse Diana dont l’esprit flottait dans l’air. Mais le message était clair : on célébrait un mariage d’un type nouveau, officialisant l’entrée de la diversité chez les Windsor.
Pourtant, Meghan Markle n’est pas seulement une Américaine née d’un couple mixte. La comédienne de la série Suits s’est montrée telle qu’en elle-même : à l’aise dans son nouveau rôle de duchesse, rayonnante, parfois à la limite du rire, tandis que son nouvel époux oscillait à la frontière des larmes de bonheur. Devant un parterre d’invités transatlantiques prestigieux - le musicien Elton John, les acteurs Idriss Elba et George Clooney, l’ex footballeur David Beckham, la joueuse de tennis Serena Williams et la star de la télévision américaine Oprah Winfrey -, la nouvelle ambassadrice de l’élégance britannique a assuré la promotion de la French touch, en l’occurrence les maisons françaises Givenchy - et sa directrice artistique britannique Clare Waight Keller - qui a créé sa robe blanche immaculée, et Cartier, qui lui a fourni ses boucles d’oreille et son bracelet. Après l’office religieux, quelque 100 000 personnes ont suivi le tour de calèche des nouveaux époux dans les rues de Windsor.
Dans sa vie d’avant Meghan Markle a déclaré qu’elle n’a jamais voulu « être une femme qui déjeune, mais une femme qui travaille ». Samedi, à Windsor, elle a débuté brillamment sa nouvelle carrière dans une famille Windsor dont elle est censée desserrer le protocole millénaire étouffant. Mais déjà, le chroniqueur royal de la BBC interroge : « Qui changera en premier, Meghan ou la famille royale ? »