Oleg Sentsov, en 2015 / AP

Tribune. Bonjour, président Macron, ceci est un courrier que vous adressent les Pussy Riot ! Nous vous écrivons pour vous exhorter à tenter d’obtenir la libération d’Oleg Sentsov, le réalisateur et prisonnier politique ukrainien que les Russes ont condamné pour des raisons politiques.

Le 14 mai, Oleg Sentsov a annoncé qu’il entamait une grève de la faim illimitée pour exiger la libération de tous les prisonniers politiques ukrainiens détenus en Russie. Sa déclaration a été rendue publique par son avocat, et la nouvelle a provoqué les craintes les plus vives aussi bien en Ukraine que dans le reste du monde. Le président ukrainien Petro Porochenko a immédiatement réagi en appelant la communauté internationale « à maintenir la pression sur le Kremlin afin que les prisonniers politiques ukrainiens soient rendus aussi vite que possible à leurs familles ».

Sentsov a été arrêté en 2014 en Crimée en raison de sa vigoureuse opposition à l’annexion de la péninsule par la Russie. Plus tard, suite à de fausses accusations de terrorisme, il a été condamné à vingt ans de détention dans une prison à haute sécurité. Malgré les tortures brutales et le traitement inhumain que lui a infligé le FSB pour tenter de lui extorquer des aveux, il a refusé de plaider coupable. Au cours de ses quatre années d’emprisonnement, et en violation de la loi, il a été transféré de prison en prison à travers toute la Russie, parcourant une distance totale de 22 000 km (soit neuf fois la distance entre Paris et Moscou). Aujourd’hui il se trouve à Labytnangi, un lieu situé au-delà du cercle Arctique, au pays du permafrost.

Un homme de principes

Le procès de Sentsov a été le premier et le plus révoltant cas d’une longue série de persécutions menées pour des raisons politiques à l’encontre de citoyens ukrainiens en Crimée et en Russie. Il est devenu, aux yeux du monde entier, l’un des symboles de la résistance criméenne. Amnesty International, Human Rights Watch, l’Académie européenne du cinéma, le PEN-club, le festival international du film de Venise, le Festival de Cannes, ainsi que Pedro Almodóvar, Ai Weiwei, Wim Wenders, Aki Kaurismäki, Bertrand Tavernier et Johnny Depp ont demandé à Vladimir Poutine de libérer Oleg Sentsov.

Torturé aussi bien durant l’enquête judiciaire que pendant son emprisonnement, Sentsov a montré qu’il était un homme de principes doté d’une volonté d’acier, et qu’il était impossible de le briser par des tortures ou des conditions de vie dégradantes. Une fois qu’il a choisi sa voie, rien ne peut l’en faire dévier. C’est pourquoi l’annonce de sa grève de la faim a suscité la plus vive inquiétude de ses proches et de son avocat.

Boycotter la prochaine Coupe du monde

Soixante-six citoyens ukrainiens ont été arrêtés pour raisons politiques dans différentes régions de Crimée et de Russie. Vingt-deux d’entre eux ont déjà été condamnés à des peines allant de trois à vingt-deux ans et demi de prison. La plupart de ces arrestations se sont produites en Crimée, mais elles se situent dans le droit fil de celles survenues dans le contexte des opérations militaires menées par la Russie en territoire ukrainien depuis 2014.

Sachant que vous rencontrez Vladimir Poutine les 24 et 25 mai, nous vous demandons instamment d’exiger de lui la libération immédiate d’Oleg Sentsov et son retour en Ukraine. Les deux jeunes enfants que Sentsov élève seul ont besoin de leur père.

Nous avons passé deux ans dans une prison russe. Nous avons organisé trois actions pour la libération de Sentsov. Nous estimons que si Oleg Sentsov et les autres prisonniers politiques ukrainiens ne sont pas libérés, la France et vous-même devriez boycotter la prochaine Coupe du monde.

(Traduit de l’anglais par Gilles Berton)