Le « je t’aime… moi non plus » entre Donald Trump et la Corée du Nord
Le « je t’aime… moi non plus » entre Donald Trump et la Corée du Nord
Par Pierre Bouvier
Après avoir été annulée ce week-end une rencontre entre la Corée du Nord et les Etats-Unis, le 12 juin est toujours à l’ordre du jour. A moins d’un nouveau revirement du président américain.
Donald Trump a lancé, à propos de Kim Jong-un : « La Corée du Nord vient de lancer un missile. Ce mec n’a rien de mieux à faire de sa vie ? » / Eugene Hoshiko / AP
Donald Trump n’a cessé de souffler le chaud et le froid. Jeudi 24 mai, le président américain a annoncé qu’il annulait sa rencontre historique avec le dirigeant de la Corée du Nord, Kim Jong-un, prévue le 12 juin. Vingt-quatre heures plus tard, il a laissé entendre qu’elle pourrait finalement avoir lieu, avant de confirmer, dimanche sur Twitter, qu’une équipe américaine se trouvait en Corée du Nord pour préparer cette rencontre. Mardi 29 mai, le président américain a confirmé qu’un des plus hauts généraux nord-coréens était en route vers les Etats-Unis pour une rarissime visite.
La préparation d’un sommet est à nouveau à l’ordre du jour. A moins d’un nouveau revirement du président américain. Retour sur des mois de « je t’aime… moi non plus » entre Donald Trump et la Corée du Nord.
Pyongyang teste Donald Trump, qui fulmine
En janvier 2017. Depuis l’entrée en fonction de Donald Trump, le 20 janvier, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a décidé de tester le nouveau président, procédant à une série de tirs de missiles, dont certains capables de frapper le continent américain. Fidèle à son approche « intuitive » de l’exercice de la présidence, le président américain n’a raté aucune occasion de critiquer le dirigeant nord-coréen. Après plusieurs tweets condamnant fermement les essais, Donald Trump prend un ton quasi biblique, le 8 août 2017 :
« La Corée du Nord ferait bien de cesser ses menaces envers les Etats-Unis. Elles ne rencontreront que le feu et la colère. »
En septembre. Les invectives s’enchaînent, Donald Trump qualifiant Kim Jong-un d’« rocket man » (« homme-fusée ») avant de menacer, devant l’Assemblée générale des Nations unies, de « détruire totalement » la Corée du Nord si les Etats-Unis ou leurs alliés étaient confrontés à une attaque de Pyongyang.
Pas en reste, Kim Jong-un remet alors au goût du jour un mot du XIVe siècle, en qualifiant le président américain de « dotard » (« gâteux ») : « Je vais dompter par le feu et de manière définitive cet Américain gâteux. » Donald Trump répond du tac au tac : « Kim Jong-un (…) qui est (…) fou (…) sera mis à l’épreuve. »
Kim Jong Un of North Korea, who is obviously a madman who doesn't mind starving or killing his people, will be tested like never before!
— realDonaldTrump (@Donald J. Trump)
En octobre. Le président Trump affirme qu’il a perdu foi dans les discussions avec la Corée du Nord : « Désolé, mais une seule chose marchera [avec eux] », prévient-il, ajoutant que « les présidents et leurs administrations ont discuté avec la Corée du Nord depuis vingt-cinq ans, en vain ».
Le 12 décembre. La diplomatie américaine procède à un revirement en se disant prête à discuter avec la Corée du Nord « sans condition préalable ». Les Etats-Unis insistaient jusque-là sur le prérequis nécessaire d’une éventuelle discussion avec la RPDC : sa dénucléarisation.
De la taille du « bouton » au dégel
En janvier 2018. Une fois n’est pas coutume, les invectives reprennent. Le dirigeant nord-coréen lance, menaçant : « Le bouton nucléaire est toujours sur mon bureau. » Le 3 janvier, Donald Trump répond par un :
« J’ai moi aussi un bouton nucléaire et il est bien plus gros et bien plus puissant que le sien, et mon bouton fonctionne ! »
Quelques jours plus tard, le président Trump redit néanmoins au Wall Street Journal qu’il est ouvert à la négociation et a « une très bonne relation avec Kim Jong-un ».
En février. La sœur de Kim Jong-un, Kim Yo-jong, assiste à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, en Corée du Sud. Un déplacement historique, qui marque la première visite d’un membre de la famille des Kim au Sud depuis la guerre de Corée et une étape importante dans le dégel des relations entre la RPDC et les Etats-Unis. Mike Pence, le vice-président américain, est, lui aussi, présent à cette cérémonie, ainsi que Ivanka Trump, la fille du président américain et conseillère de la Maison Blanche.
En mars. Le président américain a applaudi le rapprochement entre les deux Corées, qu’il n’a pas hésité pas à mettre à son crédit :
« Sans nous, et sans moi en particulier, (…) les jeux Olympiques auraient été un échec, et au lieu de cela ça a été un grand succès. »
L’annonce d’une rencontre
Le 8 mars 2018. Chung Eui-yong, le conseiller sud-coréen à la sécurité nationale, rend visite à Donald Trump après s’être rendu à Pyongyang quelques jours plus tôt. Il annonce que le président américain est prêt à une rencontre avec Kim Jong-un et précise que le leader nord-coréen s’est engagé à œuvrer à la « dénucléarisation » de la péninsule coréenne et à suspendre « tout nouveau test nucléaire ou de missile ». Trump confirme sur Twitter qu’« une réunion est en préparation ». Il précise que « de gros progrès sont faits mais les sanctions resteront maintenues jusqu’à ce qu’un accord soit conclu ». Mike Pompeo, le nouveau directeur de la CIA de l’administration Trump effectue, dans la foulée, deux voyages à Pyongyang.
Le 27 avril. En parallèle, à l’issue de retrouvailles historiques entre les deux Corées, le chef de l’Etat sud-coréen, Moon Jae-in, lance à ses ministres : « Le président Trump devrait obtenir le prix Nobel de la paix. Nous ne voulons que la paix. » L’ancien président américain Jimmy Carter avait également soulevé cette éventualité. Donald Trump se déclare touché par l’attention : « Le président Moon a été très gentil quand il l’a suggéré. Je pense que c’était très généreux [de sa part] de faire cette déclaration mais le principal est d’y arriver. (…) Je veux la paix. »
Le 10 mai. Le président Trump annonce qu’il rencontrera Kim Jong-un le 12 juin à Singapour.
Le 16 mai. La Corée du Nord douche l’enthousiasme du président Trump : le premier vice-ministre des affaires étrangères nord-coréen Kim Kye-gwan prévient que Pyongyang reconsidérera la rencontre de Singapour si Washington persiste à demander une dénucléarisation unilatérale. La RPDC dénonce aussi la tenue de manœuvres militaires communes entre les Etats-Unis et la Corée du Sud et s’en prend au nouveau conseiller national à la sécurité de Donald Trump, John Bolton.
Le 24 mai. Donald Trump dénonce l’« hostilité » qu’a montrée Kim Jong-un dans ses dernières déclarations et annonce, dans une lettre à Kim Jong-un qu’il rend publique, que le sommet avec la Corée du Nord n’aura pas lieu.
Annulée puis remise à l’ordre du jour en l’espace d’un week-end, la rencontre entre les Etats-Unis et la RPDC devrait finalement bien avoir lieu le 12 juin. Les diplomates n’ont plus que deux semaines pour finaliser la préparation et fixer l’agenda de la rencontre.
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