Au Cercle Interallié, Edouard Balladur discourt sur la « révolte anarchique » de Mai 68
Au Cercle Interallié, Edouard Balladur discourt sur la « révolte anarchique » de Mai 68
Par Olivier Faye
L’ancien premier ministre était invité par l’institut Georges-Pompidou à s’exprimer sur « le pouvoir face aux événements de Mai 68 ».
Le carton d’invitation le précisait pourtant : « tenue de ville » exigée. On ne met pas un pied au Cercle Interallié, à trois pas du palais de l’Elysée, dans le 8e arrondissement de Paris, sans veste ni cravate. Les huissiers en distribuent à l’entrée aux étourdis et autres récalcitrants. Même l’expérimenté journaliste Jean-Pierre Elkabbach s’est fait rattraper par le col de la doudoune. L’affaire discutée à l’intérieur, mardi 29 mai, est sérieuse : « Le pouvoir face aux événements de Mai 68 ». Parler de désordre suppose un minimum de tenue.
C’est l’institut Georges-Pompidou qui organise l’événement. Il a placé au centre de la scène l’ancien premier ministre Edouard Balladur, 89 ans, qui, à l’époque des « événements », était conseiller social à Matignon pour le compte de son lointain prédécesseur auvergnat. A sa droite, l’historien Jean-François Sirinelli « avoue une perplexité » à propos des commentaires égrainés ces dernières semaines pour évoquer les 50 ans de la dernière grande poussée de fièvre française. « Les témoignages sont moins à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre. Il est bon que ce type de rencontres viennent rattraper la désinvolture » de certains, Daniel Cohn-Bendit en tête.
« Fragilité des élites »
Edouard Balladur se montre, lui, tout en rectitude. « Mai 68, c’est une révolte anarchique, tout simplement. Une révolte étudiante avec un habillage intellectuel et pseudo-philosophique (…) fertile en critiques et pas en propositions. Mai 68 a été plus accélérateur que créateur. » Certes, « il n’y avait pas de chômage, la société était plus cohérente, les doutes sur l’identité de la nation étaient moins grands » qu’aujourd’hui. Mais « la crise de l’église existait déjà, les mœurs avaient évolué », et ce mois de mai 1968 a révélé la « fragilité des élites », y compris de « certains évêques [qui] ne se sont pas honorés par leurs déclarations ».
Dans ce paysage, le couple de Gaulle-Pompidou a connu de fortes turbulences en son sein. « Le Général disait : une révolte, ça se mate au début. Pompidou disait : l’opinion peut nous tenir rigueur d’avoir des mesures trop dures », résume Balladur. Les vexations, doutes et moments de vertige se multiplient, mais « un régime encore jeune a réussi à rester en place sans réprimer », se félicite l’invité de marque de la soirée. Qui se demande tout de même, en conclusion, s’il est encore possible de « transformer de façon positive cette épreuve : jusqu’à présent, ça n’a pas forcément été démontré ». Applaudissements de la salle. Un rideau s’ouvre derrière l’estrade : le champagne est servi.