Le siège de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à Paris, en mai 2015. / THOMAS SAMSON / AFP

Les statistiques, c’est magique. Encore faut-il en apprécier les tours. Saisir, par exemple, comment le déficit courant estimé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) s’est retrouvé, du jour au lendemain, divisé par quatre.

Ce chiffre, qui agrège toutes les transactions réalisées entre la France et l’étranger (exportations et importations de biens et services, rémunérations des travailleurs transfrontaliers, transferts monétaires des migrants à leur famille…), serait en effet passé de − 57,8 milliards d’euros en 2016 à − 14,1 milliards en 2017. Un glissement qui n’apparaît pas dans les comptes de la nation publiés par l’Insee, mercredi 30 mai.

Et pour cause : l’ensemble des séries couvertes par l’Institut depuis 1949 ont été révisées. En jargon comptable, on parle de passage en « base 2014 », un cadre de calcul enrichi pour tenir compte de l’évolution de l’activité économique et des sources statistiques. De tels changements de méthode ont lieu tous les quatre ou cinq ans.

L’objectif cette fois : faire converger les estimations de l’Insee avec celles délivrées par la Banque de France dans la balance des paiements. Pour ce qui est des transactions courantes, les deux maisons affichaient ces dernières années des écarts de calcul colossaux, de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Pourquoi ? Tout simplement parce que les échanges de services ont longtemps été sous-estimés. Avant de rectifier le tir, la Banque de France s’appuyait sur des données bancaires qui ne lui permettaient pas d’évaluer correctement les profits engrangés par les entreprises réalisant moins de 30 millions d’euros de transactions avec l’étranger.

Besoins réels

Elle prenait également mal en compte, dans la balance des paiements, les dépenses dans l’Hexagone des touristes originaires des pays émergents, notamment de la Chine. Or, ce phénomène n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis le début des années 2000.

Progressivement, l’institution a refondu ses estimations. L’Insee, qui s’appuie sur les données douanières et la balance des paiements pour ses calculs des échanges de la France avec « le reste du monde », est tenu de présenter des séries « cohérentes » sur le long terme. Les chiffres ne peuvent pas varier brutalement d’une année sur l’autre.

A chaque révision, la base entière doit être mise à jour. Un travail de longue haleine qui explique le décrochage observé par les amateurs de grands nombres entre la comptabilité nationale et la balance des paiements.

Pour résumer, le déficit courant qui semblait se creuser depuis 2005, est en réalité beaucoup moins détérioré que ce que les statistiques pouvaient laisser penser. Il ne disparaît pas, mais « le point bas atteint en 2012 et 2014 n’est plus que de 1,3 % du produit intérieur brut [PIB] », note l’Insee. On est donc loin, très loin, du plongeon qu’il avait connu en 1982. Cela signifie que les besoins de financement des agents économiques français sont réels, mais moins importants que ce que les anciennes séries faisaient croire.

La Commission européenne, qui a instauré en 2011 une procédure de suivi des déséquilibres macroéconomiques, appréciera. Heureusement pour la France, ces dernières années, Bruxelles prenait plutôt en compte les données de la Banque de France, plus rapidement actualisées que celles de l’Insee.