Le « blackface » du rappeur Drake, énième épisode du dernier « clash » du hip-hop américain
Le « blackface » du rappeur Drake, énième épisode du dernier « clash » du hip-hop américain
La publication de photos anciennes de l’artiste, le visage grimé en noir, a provoqué la consternation, mardi, et obligé ce dernier à se justifier.
Le blackface, cette pratique aux relents racistes qui consiste à se grimer le visage en noir, a failli faire chuter une star inattendue : Drake, le chanteur et rappeur aux millions de fans (meilleures ventes dans le monde, toutes catégories confondues, en 2016). La publication par l’un de ses rivaux, Pusha T, de photos du Canadien maquillé de la sorte, mardi 29 mai, a fait vaciller l’idole des jeunes filles, adepte d’un rap qui ne rechigne jamais devant une ballade sentimentale.
A l’origine, la brusque accélération d’un clash entre Drake et Pusha T. Comme le rappelait notre journaliste spécialiste du hip-hop Stéphanie Binet, en 2014, le clash est une tradition du rap. Au départ joute en face à face entre deux artistes, qu’ils soient danseurs ou MC, il a mué en règlements de comptes par morceaux interposés (Ice Cube contre ses anciens camarades de NWA, Tupac contre The Notorious B.I.G.) et dégénéré, plus récemment, en échanges d’insultes sur les réseaux sociaux.
La rivalité entre Drake et Pusha T vient de (très) loin : un conflit vestimentaire entre ce dernier et le mentor du premier, Lil Wayne, en 2006, comme le rappelle le magazine spécialisé Billboard. Elle s’est ensuite concentrée sur la crédibilité des deux rappeurs : Drake accusé d’utiliser un auteur extérieur pour ses textes – crime suprême pour un artiste de hip-hop, dont les chansons doivent refléter des expériences personnelles –, Pusha T soupçonné d’avoir exagéré son parcours de trafiquant de drogue.
« Tu ne défends rien »
Pusha T, également patron du label G.O.O.D. Music, appartenant à un autre rappeur controversé, Kanye West, a relancé, le 26 mai, dans l’un des titres de son nouvel album, ses accusations. Quelques heures à peine plus tard, Drake répond par un autre morceau et – avec humour – par la publication sur Instagram d’une facture fictive de 100 000 dollars pour « aide promotionnelle et relance de carrière » adressée à G.O.O.D. Music. Si la rapidité de la réponse est inhabituelle – Drake était probablement au courant de l’attaque à venir et avait préparé sa réplique –, le clash reste dans les limites du déjà-vu.
La suite a surpris même les habitués de cette tradition aussi vieille que le rap. Mardi 29 mai, Pusha T illustre son dernier morceau, The Story of Adidon, avec des photos de Drake en blackface. Le texte reproche au Canadien d’avoir abandonné l’enfant qu’il aurait eu avec une actrice porno et évoque le départ de son père du foyer familial, alors qu’il n’avait que 5 ans…
Pusha T "The Story Of Adidon" (Drake Diss) (WSHH Exclusive - Official Audio)
Durée : 03:14
Obligé de se justifier devant le tollé – et même un début d’appels au boycott –, Drake a assuré, mercredi soir, sur Instagram que l’image était destinée, précisément, à dénoncer le racisme. Il travaillait alors, en 2007, en tant qu’acteur – sa première carrière – sur un projet décrivant les difficultés des jeunes comédiens noirs pour obtenir des rôles. La série de photos devait montrer la manière dont les Afro-Américains ont longtemps été « mal représentés dans le monde du divertissement ».
Explication convaincante ? Pas pour Pusha T, qui s’est attaqué, jeudi 31 mai, sur une radio de Los Angeles, au positionnement de Drake au sein de la communauté noire – le chanteur est métisse, d’un père afro-américain et d’une mère juive canadienne. « Tu [Drake] es silencieux sur tous les sujets » liés à la communauté noire, a-t-il interpellé son rival : « Tu ne défends rien, tu ne dis rien sur rien. » Rap politique contre rap divertissement ? Un peu trop tard, le clash a repris de la hauteur.