Dominic Thiem (en noir) est félicité par Alexander Zverev après sa victoire à Roland-Garros, le 5 juin 2018. / Michel Euler / AP

« Je pense qu’aussi bien en Autriche qu’en Allemagne, c’est le match que tout le monde attendait. Nous espérons qu’il sera légendaire », disait l’Autrichien Dominic Thiem à la veille de son quart de finale à Roland-Garros contre son « ami » Alexander Zverev. Les attentes allaient bien au-delà des frontières austro-allemandes depuis que le tirage au sort avait promis cet affrontement entre les deux outsiders.

Ce duel de successeurs désignés a surtout été remarquable d’ennui et épatant de morosité. Soit 1 h 50 de match à sens unique (6-4, 6-2, 6-1) et un suspense tué au bout de six petits jeux. Un scénario aussi morne que le ciel fuligineux en ces premières heures de l’après-midi, pas vraiment de météo appropriée pour enflammer le court Philippe-Chatrier.

Pourtant, les premiers échanges laissent augurer d’un match autrement plus serré. Les joueurs se rendent coup pour coup, chacun se cramponne à sa filière de jeu : courte pour Zverev, longue pour Thiem. La tête de série numéro deux sert le plomb mais ne parvient pas à coincer son adversaire dans des schémas abrégés, comme à Madrid en mai, finale qu’il avait survolée (6-4, 6-4). Et au petit jeu des échanges qui se prolongent, c’est logiquement l’Autrichien qui gagne.

Dans la capitale espagnole, Dominic Thiem avait usé et abusé du revers slicé, auquel l’Allemand sait parfaitement répondre. Cette fois, le 8mondial ne commet pas la même erreur et varie énormément. Sur un revers court croisé bombé, il prend de vitesse son adversaire et s’empare de son service à 3-3. Pas inquiété sur le sien, il conclut sur un ace, après trente-neuf minutes. Un premier set où l’aîné s’est montré plus efficace dans tous les compartiments de jeu : au service donc, au retour, et même au filet, pas vraiment la première de ses qualités.

Zverev rattrapé par son parcours du combattant

En début de deuxième set, Zverev cède d’entrée sa mise en jeu. Il a la possibilité de recoller aussitôt au score, mais Thiem efface prodigieusement les deux balles de break : la première sur un lob millimétré ; la deuxième sur un coup droit croisé gagnant. L’Allemand se tient la cuisse, perd à nouveau son service (1-4), se fait masser et strapper. « Avec tous ces marathons, vous ressentez plus de la fatigue physique ou mentale ? », lui avait-on demandé après sa victoire contre Karen Khachanov dimanche et ses trois matchs d’affilée en cinq sets. « Ni l’une ni l’autre ne me concerne », avait assené Zverev. La vérité saute aux yeux cet après-midi. Thiem enchaîne les missiles en coup droit, Zverev explose en retour et ça fait 6-2 pour le premier.

Il y a bien eu quelques fulgurances de l’Allemand, une question d’honneur, dans le troisième et dernier set. Comme ce contre-smash improvisé à 1-1 depuis sa ligne de fond de court, qui retombe miraculeusement sur la ligne. Le soleil perce sur le Central, mais l’Allemand est déjà sur le point de prendre la saucée. Impuissant, il lève les yeux au ciel et simultanément baisse les bras.

Les sifflets commencent à tomber au troisième set : au prix où s’achète le billet, le spectacle n’est pas assez cher payé. Un timide « Allez Alexander » descend des tribunes alors que Thiem, qui sert pour mener 5-1, se met à trembler. Mais le natif de Hambourg agonise. Il sauve une première balle de match. Une deuxième. Pas la troisième.

« Ce matin, quand je me suis levé, j’étais prêt à jouer à nouveau cinq sets. Et à l’échauffement et pendant les premiers jeux, je sentais très bien la balle, j’avais d’ailleurs les meilleures sensations de toute la semaine, a expliqué le vaincu. Je savais que ça allait être un combat physique, mais malheureusement, mon corps n’a pas tenu. J’ai songé à abandonner mais je ne voulais pas que ça arrive pour mon premier quart de finale de Grand Chelem... »

Et voilà Dominic Thiem en demi-finales du tournoi pour la troisième année de suite. Reviennent alors ces mots d’Alexander Zverev, à qui un confrère demanda dimanche ce qu’il avait appris de ses trois matchs en cinq sets. « Rien », l’avait rabroué l’Allemand. Pour espérer gagner un Grand Chelem, il ne suffit pas de survivre à des matchs en cinq sets. Il faut surtout apprendre à les éviter.