La Seine détournée… à la Conciergerie
La Seine détournée… à la Conciergerie
« Détournement », de Stéphane Tidet, fait circuler l’eau du fleuve dans les salles gothiques de l’ancienne résidence royale.
Installation de Stéphane Thidet à la Conciergerie à Paris
Durée : 01:04
Sur la façade de la Conciergerie, située sur l’Ile de la Cité à Paris, de massives poutres en bois intriguent les passants. Elles relient l’un des monuments les plus symbolique de la ville à la Seine en passant au dessus du quai de l’Horloge. La tête en l’air, la plupart des piétons s’arrêtent un instant interloqués avant de reprendre leur route. Quelques mètres plus tard, nouvelle surprise, une cascade jaillit entre les deux tours du bâtiment. « C’est assez étrange comme installation, je pense que je vais aller voir à l’intérieur pour en savoir plus », dit un homme travaillant dans le quartier. En y entrant, il découvrira que le lieu est en proie à un détournement, celui conçu par Stéphane Tidet.
« En janvier 1910, la Seine s’est invitée à la Conciergerie, spontanément. (…) J’invite à nouveau l’eau du fleuve à venir séjourner, traverser, cheminer entre les colonnes de cette immense salle, cette fois-ci, avec un parcours proposé, dessiné », déclare l’artiste dans la vidéo de présentation de l’installation.
Invité par le Centre des monuments nationaux, Stéphane Tidet, 44 ans, aime concevoir des œuvres impliquant les éléments naturels. En 2009, il avait notamment lâché une meute de six loups dans les douves du château des ducs de Bretagne à Nantes. Ici, il a pris comme base de réflexion la trace de la montée des eaux lors de la crue de 1910, présente sur l’une des colonnes de la salle. Si, depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, cette ligne renvoie à un imaginaire qui a touché l’artiste. « C’est ce petit trait de trente centimètres qui m’a donné envie de travailler avec la Seine », explique-t-il dans le catalogue Détournement publié aux éditions du patrimoine.
Une redécouverte du lieu
Le résultat ne laisse pas indifférent les visiteurs. « C’est magnifique, l’installation met en valeur la salle tout en apportant quelque chose de nouveau, de neuf », commente une guide touristique venue repérer les lieux avant d’y amener ses clients. Pompée à trois mètres de profondeur, l’eau est filtrée, mais pas traitée, avant de surgir en cascade dans l’immense salle des Gens d’Armes, ancien réfectoire au Moyen-Age. Elle serpente alors entre les piliers de la salle gothique suivant un canal réalisé en bois brut, avant de ressortir par la fenêtre de la salle des gardes produisant la cascade extérieure.
Ce nouveau bras de la seine redonne de l’éclat à la bâtisse, qui a connu de nombreuses fonctions au fil de son histoire. Le jeu de lumière tamisé fait apparaître les reflets de l’eau sur les voûtes de la salle. La cascade intérieure emplit l’endroit d’un son cristallin. « On ressent même la fraîcheur du fleuve quand on est dans la pièce », souligne Cécile Rives, administratrice des monuments nationaux de l’Ile de la Cité avant d’ajouter : « Il y a l’idée de faire dialoguer des éléments qui sont côte-à-côte mais qui n’ont pas forcément d’interaction ».
La structure légère, voulue discrète, transforme le lieu avec la part d’incongru, de surprise qu’elle amène. La présence de l’eau permet de le découvrir le lieu sous un nouveau jour. Le dialogue qui s’installe profite aussi à la Seine. Acteur majeur de la ville lumière, le fleuve qui la traverse n’est pas réduit au rôle de faire-valoir. Faisant son lit dans le canal artificiel, le bras miniature reprend des aspects sauvages. « Parfois il y a des dépôts qu’y se font, qui se déplacent et ça, c’est la Seine à son état naturel », analyse Céline Rives. Gare à ceux qui seraient tentés d’y poser un petit bateau, aucun navire en papier ou autre matériau n’est toléré!
Guillaume Fournier
« Détournement », à la Conciergerie, 2, boulevard du Palais, Paris 1er. Jusqu’au 31 août. Ouvert tous les jours de 9 h 30 à 18 heures. Tarif: inclus dans le ticket donnant droit à la visite du monument, soit 9 euros (gratuit pour les moins de 18 ans).