Coupe du monde 2018 : les supporteurs anglais inquiets de discriminations homophobes et racistes
Coupe du monde 2018 : les supporteurs anglais inquiets de discriminations homophobes et racistes
Par Simon Auffret
Les craintes d’agressions ont fait l’objet d’un rapport parlementaire au Royaume-Uni, après la publication d’un « guide pour la diversité » à destination des supporteurs.
Un drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT, diffusé à Paris sur un grand écran lors de l’Euro 2016 de football, en France. / THOMAS SAMSON / AFP
Hooligans, supporteurs LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres), minorités ethniques : les intitulés des trois premiers chapitres du rapport de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes britannique, publié vendredi 8 juin, montrent l’inquiétude des parlementaires britanniques pour la sécurité de leurs ressortissants à l’approche de l’ouverture de la Coupe du monde de football, le 14 juin à Moscou.
Dix mille supporteurs anglais sont attendus pour suivre l’équipe entraînée par Gareth Southgate, qui disputera son premier match face à la Tunisie, le 18 juin à Volgograd. « La détérioration des relations russo-britanniques depuis l’incident de Salisbury pourrait augmenter le risque de violence envers les ressortissants britanniques pendant la Coupe du monde », avancent les parlementaires, en référence à l’empoisonnement de l’agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille, Ioulia, dans une commune du sud de l’Angleterre. L’incident a provoqué une crise diplomatique entre Londres et Moscou, accusé d’en être responsable.
A ce climat tendu s’ajoute l’historique de rivalité entre les supporteurs des deux équipes nationales : la rencontre entre l’Angleterre et la Russie, à Marseille, lors de l’Euro 2016 de football, avait été le théâtre d’affrontements violents dans le Vieux-Port.
Deux menaces d’agressions physiques
Si l’appel à la prudence est habituel de la part des autorités avant un événement de cette ampleur, l’accent mis sur de possibles discriminations, notamment homophobes et racistes, est inédit. « Les membres de la communauté LGBT en Russie ne risquent pas seulement d’être victimes d’actes violents de la part de groupes, mais aussi d’un manque de protection adapté de la part de l’Etat », précise Westminster en relayant deux messages reçus par l’association Pride in football, qui menacent d’agression les supporteurs homosexuels arrivant en Russie.
Le chef de file de la campagne Pride in football, Joe White, a expliqué sur la BBC que « la décision de participer à la Coupe du monde ou de la boycotter a été difficile à prendre pour nous. Ma famille ne veut vraiment, vraiment pas que j’y aille. Je vais devoir leur envoyer des messages matin, midi et soir pour les rassurer. »
Le constat des Britanniques est aussi sans appel pour les supporteurs « BAME » — pour « black, asian and minority ethnics » —, l’acronyme utilisé en anglais pour désigner les minorités ethniques. Soulignant l’ancrage de la culture hooligan russe dans l’extrême droite, le Foreign Affairs Committee décrit les supporteurs violents comme ayant « enraciné l’idéologie raciste au centre de la culture footballistique du pays ». Cent quatre-vingt-dix incidents racistes ou liés à l’extrême droite ont eu lieu dans le championnat russe entre juin 2015 et mai 2017, selon un comptage réalisé par le réseau FARE, qui lutte pour l’équité dans le football.
S’il encourage à une extrême prudence, le gouvernement britannique ne déconseille pas formellement aux fans anglais de se rendre en Russie. Le constat alarmant n’est pas suivi de consignes à suivre sur place, ce que s’est en revanche attelé à constituer le réseau FARE dans un « guide pour la diversité » en Russie avant le lancement de la Coupe du monde.
Le drapeau arc-en-ciel autorisé dans les stades
A côté d’une rubrique de consignes à destination des personnes en situation de handicap, deux textes de ce guide pratique, publié le 30 mai, donnent des conseils aux supporteurs « LGBT » et aux « supporteurs des minorités ethniques ». Un dernier chapitre concerne les « relations avec la police russe » pendant toute la durée du tournoi.
C’est la première fois que cette ONG luttant pour l’égalité des droits dans le football produit ce type de guide, annoncé dès le mois de septembre 2017. Pour chaque ville accueillant des rencontres, le site note les quartiers à éviter et la réputation du lieu en termes de discriminations. A Nijni Novgorod par exemple, « de petites cellules homophobes sont actives dans la ville, il est donc conseillé aux fans LGBT de faire attention à l’affichage de symboles ou aux démonstrations d’affection, en dehors du stade et de la zone réservée aux fans ».
Destiné à tous les supporteurs étrangers, le document recommande aussi aux supporteurs des « minorités ethniques » de ne pas être surpris par des contrôles d’identités et des fouilles, notamment dans les métros des grandes villes. Malgré les propos voulus rassurant d’Alexeï Smertin — l’ancien joueur russe, désormais chargé de la lutte contre les discriminations au sein de la fédération nationale, a assuré qu’il n’y avait pas de sentiment « homophobe ou raciste » dans le pays —, certains joueurs, dont l’Anglais Danny Rose, ont interdit à leur famille de venir en Russie par peur de discriminations.
Beaucoup a été fait « pour former les volontaires et les forces de sécurité contre le racisme », a assuré à l’Agence France-Presse Sylvia Schenk, membre de Transparency International et du conseil consultatif de la FIFA sur les droits de l’homme. « La FIFA a aussi négocié avec les autorités russes pour que le drapeau arc-en-ciel soit autorisé dans les stades », a détaillé l’ancienne sportive allemande, alors qu’une loi russe punit la « propagande » homosexuelle auprès des mineurs. Deux « Maisons de la fierté » vont être installées à Moscou et Saint-Pétersbourg pour sensibiliser et lutter contre de possibles discriminations. « Les autorités ont confirmé que personne n’y serait poursuivi », a affirmé Sylvia Schenk.