Alors que le G7 s’est clos à l’autre bout de la planète dans une ambiance tendue entre les Etats-Unis et leurs alliés, le président chinois Xi Jinping accueillait samedi 9 juin à Qingdao, grande ville de l’Est chinois, les chefs d’Etat des huit pays de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), dont la Russie, quatre anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, mais aussi l’Inde et le Pakistan, devenus membres à part entière l’an dernier.

L’OCS est une structure interétatique essentiellement consacrée aux questions de sécurité et de lutte antiterroriste, mais que la Chine conçoit comme l’un des instruments de son effort de promotion d’un « nouveau type de relations internationales ». Elle est née en 2001. Mais elle a d’abord été connue sous le nom de Groupe de Shanghai, en 1996, quand il s’agissait de surveiller la transition vers l’indépendance des anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale.

Xi Jinping a souhaité placer ce 18e sommet, comme il l’a rappelé samedi soir lors du banquet d’ouverture, sous la bannière de « l’esprit de Shanghai ». Ce qui signifie que les pays participants « cherchent un terrain d’entente commun et mettent de côté leurs différences ».

Le centre de gravité s’est déplacé

Cette exhortation n’est pas superflue pour un groupement longtemps dominé par le duo Chine-Russie, mais dont le centre de gravité s’est déplacé avec l’inclusion du couple de frères ennemis Inde-Pakistan.

Grands rivaux de la Chine, les Indiens « sont proches des Américains et ont une complicité stratégique forte avec la Russie, ce qui rend plus complexes les jeux d’influence » au sein de l’OCS, estime Jean-Pierre Cabestan, de l’Université baptiste à Hongkong. Le Pakistan est en revanche l’un des plus proches alliés stratégiques de Pékin.

Quant à l’amitié sino-russe, elle est toujours fleurissante, comme len témoigne la « médaille de l’amitié » offerte en grande pompe vendredi soir au Grand Palais du peuple à Pékin par Xi Jinping à son homologue russe.

C’est la première fois que cette haute distinction, nouvellement créée, a été attribuée à une personnalité étrangère. Vladimir Poutine, en visite d’Etat en Chine, la veille de l’ouverture du sommet de Qingdao, a été l’objet d’une profusion d’éloges dans la presse chinoise.

Des résistances

Si l’OCS remplit un rôle important en matière de coopération sécuritaire entre ses membres historiques, notamment pour Pékin qui requiert des pays d’Asie centrale à ses frontières une collaboration étroite sur la surveillance de la minorité ethnique Ouïgoure du Xinjiang, elle n’a sans doute pas été à la hauteur des espoirs russes en matière de soutien politique, ni chinois dans le domaine de l’économie.

L’OCS, comme le rappelle dans The Diplomat, Alexander Cooley, le directeur de l’Institut Harriman à l’Université de Columbia, s’est abstenue d’appuyer les aventures de Vladimir Poutine en Géorgie en 2008 et en Crimée en 2014, ou l’intervention russe en Syrie.

Pékin de son côté a rencontré des résistances de la part de Moscou dès qu’il s’agissait de promouvoir à travers l’OCS une plus grande intégration économique avec l’Asie centrale, par le biais notamment d’une banque régionale qui lui aurait été associée.

La Chine a choisi de faire bande à part, en lançant en 2013 son initiative des Routes de la soie (Belt and Road initiative en anglais), dont l’ampleur et les ambitions éclipsent désormais tout autre type de coopération multilatérale.

Or, si Vladimir Poutine semble moins méfiant qu’il ne l’était dans les premiers temps face au vaste programme chinois, l’Inde continue d’être sur la défensive : Narendra Modi a été l’un des rares chefs d’Etat de la région à avoir boycotté le premier sommet des Routes de la soie de mai 2017 à Pékin.

Une tribune pour l’Iran

Les deux géants asiatiques ont certes depuis entrepris de réchauffer leurs relations, avec l’organisation en avril d’une visite d’Etat de M. Modi en Chine, mais les enjeux que pose l’affirmation économique et stratégique croissante de la Chine pour la démocratie la plus peuplée au monde n’ont pas fini de la préoccuper.

Pékin a toujours tenté d’user du format multilatéral de l’OCS pour masquer ses propres ambitions régionales, mais le paradoxe, écrit M. Cooley, est que ce sont ces dernières, « couplées avec un nombre élargi de membres, qui pourraient pousser les autres états à utiliser son comité et ses structures institutionnelles de plus en plus matures pour restreindre les plans d’intégration chinois ».

Le 18e sommet de l’OCS va aussi servir cette année de tribune au président iranien Hassan Rouhani, dont le pays occupe un siège d’observateur à l’OCS. Les membres de l’organisation pourraient décider d’accélérer la procédure d’admission de l’Iran comme membre à part entière afin de faire contrepoids à la décision américaine de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien.

M. Rouhani a fait savoir, à son arrivée à Qingdao samedi, qu’il souhaitait des discussions plus étroites entre Téhéran et Moscou sur ce retrait qu’il a qualifié d’« illégal ».