Féministe, kitsch ou politique : trois séries flamboyantes
Féministe, kitsch ou politique : trois séries flamboyantes
Chaque mardi, La Matinale propose une sélection de séries à (re)découvrir sur petit écran.
« Three Girls », diffusé sur Arte. / ARTE
LES CHOIX DE LA MATINALE
En mal de découverte ? Inspirée de faits réels, Three Girls montre des jeunes filles aux prises avec un système de prostitution. Plus légère, Pose ressuscite les bals trans de l’underground new-yorkais des années 1980. Enfin, ne passez pas à côté de la saison 7 de Homeland, qui a su, bien mieux que Baron noir, exploiter le retournement politique du pays dans lequel l’action se déroule.
« Three Girls » : jeunes filles violées et piégées
Three Girls: Trailer - BBC One
Durée : 00:41
Tout commence dans le commissariat de l’ancienne ville ouvrière de Rochdale, dans le nord de l’Angleterre : Holly, 15 ans, vient d’être interpellée pour avoir brisé le comptoir d’une épicerie-kebab tenue par des Pakistanais. Au cours de l’interrogatoire, elle confie avoir été violée par le responsable de la boutique. Or, en dépit de sa déposition détaillée et des traces ADN de son agresseur sur ses sous-vêtements, l’affaire sera classée sans suite : Holly, qui consomme de l’alcool et a de mauvaises fréquentations, ne constitue pas « un témoin crédible devant une cour »… L’emprise qu’ont les Pakistanais du commerce de kebab sur elle et ses deux plus proches copines va dès lors se faire plus ignominieuse et oppressante.
Chronique loachienne d’un drame s’étant réellement déroulé au Royaume-Uni entre 2004 et 2010, et a vu une cinquantaine de jeunes filles piégées dans un système de prostitution forcée, Three Girls est filmée du point de vue de ses victimes, trahies par les institutions qui étaient censées les protéger. Les trois jeunes actrices principales (notamment) y sont formidables de naturel et de justesse. Martine Delahaye
Three Girls, mini-série créée par Nicole Taylor. Avec Molly Windsor, Ria Zmitrowicz, Liv Hill, Maxine Peake, Paul Kaye (GB, 2017, 3 x 60 min, VOSTF/VF). Sur Arte, jeudi 14 juin à partir de 20 h 55.
« Pose » : un « Glee » à la sauce trans
Pose (FX) Trailer HD - Evan Peters, Kate Mara series
Durée : 01:31
Il y a beaucoup de Glee (2009-2015) dans Pose (2018) : la nouvelle série créée par Ryan Murphy (ainsi que Brad Falchuk et Steven Canals), dont nous avons pu visionner les quatre premiers épisodes, est rythmée, frénétique même, avec beaucoup de scènes dansées (l’un des rôles principaux est celui d’un jeune danseur afro-américain homosexuel chassé du domicile familial) et moult chansons et tubes des années 1980 (l’action est située en 1987). Mais le prolifique Murphy s’est aussi beaucoup inspiré de Paris Is Burning (1991), un documentaire de Jennie Livingston (disponible sur Netflix) tourné à partir de 1987 dans le circuit new-yorkais des « bals » en forme de concours de travestis, transformistes, drag-queens et femmes transgenres.
A l’époque, ces réunions de jeunes homosexuels portoricains et afro-américains faisaient partie de la scène underground. Aujourd’hui, grâce à des émissions de télévision comme le concours de télé-réalité pour transformistes « RuPaul’s Drag Race », qui s’inspire beaucoup de ces bals, ce phénomène, ses usages, ses lieux (les dancings de Harlem et les jetées de la rivière Hudson), son vocabulaire et ses catégories sont connus d’un public qui dépasse largement – du moins aux Etats-Unis – la communauté LGBTQ.
Derrière cette façade flamboyante et kitsch à dessein se construit une trame moins joyeuse : les ravages du sida, qui devait décimer une partie des protagonistes de ces bals, où tous ceux dont on ne voulait pas ailleurs se retrouvaient dans une atmosphère tolérante. Pose a pour particularité d’avoir réuni une vaste distribution d’actrices transgenres. De sorte que Murphy évite le reproche fait par la communauté trans à Jill Soloway, créatrice de Transparent, d’avoir confié le rôle principal d’une femme transgenre à un homme cisgenre. Renaud Machart
Pose, créée par Ryan Murphy, Brad Falchuk et Steven Canals. Avec MJ Rodriguez, Indya Moore, Dominique Jackson (EU, 2018, 7 × 54-58 min.) Sur Canal + Replay à la demande.
« Homeland » : une saison en forme de coup de théâtre
Homeland - saison 7 - bande-annonce #2 (VO)
Durée : 02:10
Homeland avait inévitablement parié sur l’élection d’Hillary Clinton à la présidence des Etats-Unis. Et c’est donc une femme qui, au cours de la saison 6, devint la présidente de la vraie-fausse Amérique dépeinte par la série, créée en 2011 par Howard Gordon et Alex Gansa. Faut-il regretter que le cours des saisons et le calendrier politique n’aient pas davantage coïncidé ? Avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, il semblait que Homeland soit contrainte de débrider les liens de la fiction et du réel, et donc de perdre de sa force docu-fictionnelle. Mais, contrairement à Baron noir – production « maison » de Canal+ –, Homeland a réussi à transformer à son profit ce revirement politique en forme de coup de théâtre. Cette 7e saison, que rediffuse Canal + quelques mois après Canal + Séries, paraîtra même trop courte tant le rythme, l’énergie qui la traversent vont constamment de l’avant. R. Ma.
Homeland, saison 7, série créée par Howard Gordon, Alex Gansa et Gideon Raff. Avec Claire Danes, Elisabeth Marvel, Mandy Patinkin (EU, 2018, 12 × 50 min). Sur Canal + Replay à la demande.