A la Gare de Lyon, à Paris, le 19 avril. | CHRISTOPHE SIMON / AFP

Editorial du « Monde ». Pour le premier anniversaire de la victoire de La République en marche aux législatives de juin 2017, Emmanuel Macron s’est offert une victoire politique. Confronté à la plus longue grève de la SNCF depuis 1995, le président de la République a mis en échec les syndicats. Après avoir fait adopter, sans obstacle majeur, sa réforme du code du travail, il vient de marquer un deuxième point : la loi portant sur la réforme ferroviaire a été définitivement votée par le Parlement, jeudi 14 juin. La balle est maintenant dans le camp des partenaires sociaux qui doivent négocier une nouvelle convention collective afin de préparer l’ouverture à la concurrence et de doter les cheminots embauchés à partir de janvier 2020, qui ne seront plus protégés par le statut, d’un « sac à dos » social.

La bataille du rail n’est pas finie et elle va laisser des séquelles à la SNCF, où des élections professionnelles auront lieu en novembre. L’entreprise publique offre un paysage sinistré avec des relations sociales très dégradées. Théoriquement la grève, entrée dimanche 17 juin dans sa seizième séquence, est programmée jusqu’au 28 juin. Mais le front syndical, qui avait jusqu’alors bien tenu, est au bord de l’implosion. La CFDT a demandé à ses conducteurs sur les lignes RER et TER de suspendre le mouvement pendant les épreuves du bac. Pour son secrétaire général, Laurent Berger, « il y a d’autres manières de se mobiliser que de continuer la série de grèves ». Les deux ­syndicats réformistes – la CFDT et l’UNSA – ont surtout obtenu des résultats, en faisant passer quelques amendements dans la loi, et ils attendent beaucoup de la future ­convention collective. Dès lors, ils sont peu enclins à poursuivre une grève qui n’est justifiée, selon un sondage de l’IFOP pour le Journal du dimanche, que pour 37 % des Français.

Jusqu’au-boutisme

Tel n’est pas l’avis de la CGT qui, en perte de vitesse, joue sa première place à la SNCF. Pour Laurent Brun, le leader de sa fédération des cheminots, face à une « réforme idéologique » qui « menace » le système ferroviaire mais aussi « les droits des salariés », la grève doit être prolongée en juillet – encore plus jusqu’au-boutiste, SUD-Rail envisage même de continuer le conflit en août. Elisabeth Borne a accusé la CGT de mener une « grève politique ». La ministre des transports n’a pas tort. M. Brun a proclamé haut et fort que « dans les mois qui viennent, les cheminots sauront être à la pointe de la contestation de ce gouvernement ».

A défaut de convergence des luttes syndicales, la CGT se place en opposante politique. Dans Initiative communiste – mensuel du Pôle de renaissance communiste en France, un groupuscule en guerre avec la direction du PCF –, M. Brun est encore plus explicite, en voulant imposer « l’idée que nous ne reprendrons jamais le travail sans obtenir satisfaction. Et à ce moment-là, le gouvernement devra reculer (sauf à engager une vraie guerre sociale sur le modèle thatchérien). » Et, n’hésite-t-il pas à ajouter, « les analyses de Lénine sont toujours d’actualité : il faut à la fois une idéologie révolutionnaire et une organisation révolutionnaire pour la porter ». Il aurait été plus inspiré de se référer à Maurice Thorez, le secrétaire général du PCF qui, en 1936, affirmait qu’« il faut savoir terminer une grève ». En poursuivant un conflit qui n’aura plus qu’un sens politique, la CGT risque de sortir grande perdante.