L’Assemblée et le Sénat s’accordent sur la loi de programmation militaire
L’Assemblée et le Sénat s’accordent sur la loi de programmation militaire
Par Nathalie Guibert
Les amendements des sénateurs ont été validés moyennant un report à 2020 de la réforme de la délégation parlementaire au renseignement.
Portant la promesse de 295 milliards d’euros pour les armées pour les sept prochaines années, la loi de programmation militaire 2019-2025 a été validée en commission mixte paritaire, mardi 19 juin. « Un bon compromis », se félicite le président (LRM) de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Bridey. « Les apports du Sénat ont été largement préservés », salue Christian Cambon, son homologue (LR) de la commission des affaires étrangères et des forces armées. « C’est un succès », précise le sénateur Cédric Perrin (LR) qui a présidé cette ultime réunion. La loi sera formellement votée par les deux assemblées, les 27 et 28 juin.
Selon l’entourage de la ministre des armées, Florence Parly, les discussions ont été « riches et productives » et il n’y a pas eu de « blocages dogmatiques ». La loi marque la fin du rétrécissement des forces armées françaises, en confirmant la décision prise en 2016 par François Hollande de réinvestir dans la défense. « Les privations sont finies ! Le renouveau commence », avait osé la ministre, en séance au Sénat, le 29 mai.
Des interrogations sur l’exécution de la loi
« Les intentions sont bonnes, maintenant tout va être focalisé sur l’exécution de la loi », indique Christian Cambon. Le Sénat avait en effet longuement dénoncé les « fragilités » de la nouvelle programmation militaire, l’essentiel de l’effort annoncé étant repoussé au-delà du quinquennat d’Emmanuel Macron. Le sénateur Cédric Perrin a ainsi regretté que « 67 % seulement des besoins soient couverts de manière ferme ».
Le budget de la défense qui sera de 35,9 milliards en 2019, doit, de fait, augmenter en deux phases. D’abord une progression de 1,7 milliard d’euros par an de 2019 à 2022, la défense se pliant à la loi d’orientation des finances publiques. Puis une hausse de 3 milliards de 2023 à 2025, pour atteindre 50 milliards d’euros. Les créations d’emplois prévues (6 000), inférieures à ce que le ministère avait demandé (9 000), suivent elles aussi les deux étapes. Ces marches de 3 milliards, très hautes, laissent beaucoup d’observateurs sceptiques.
La croissance économique sera déterminante. « Personne ne peut dire quel sera le PIB de 2025 », a souligné Florence Parly lors de la discussion parlementaire. La ministre a fait valoir que la progression annuelle des moyens serait de +5,6 % durant le quinquennat, et de 7,3 % ensuite, ce qui selon elle « ne change pas la magnitude de l’effort ».
La recherche d’un consensus
La première marche a d’abord consisté à parvenir à afficher l’unanimité autour des armées : en échange des garanties réclamées par les sénateurs sur les ressources budgétaires, le gouvernement les a convaincus de renoncer à renforcer immédiatement les pouvoirs de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement. Il s’est engagé à mettre en chantier cette réforme en 2020.
« Il y a un engagement. Toutes les démocraties ont un contrôle parlementaire plus fort, et la loi confie 4,6 milliards d’euros de plus aux services de renseignement, c’est un point important », assure M. Cambon.
Au final, bien que Bercy s’y soit d’abord opposé, les crédits militaires seront sauvegardés en cas de hausse des prix du pétrole – la loi de programmation militaie a été bâtie sur l’hypothèse d’un baril à 60 dollars, or il est déjà passé à 75 dollars, ce qui représenterait un manque à gagner de 150 millions pour les armées.
Des concessions attendues par la défense
Autre point, il a été inscrit noir sur blanc dans la loi que le futur service national universel ne sera pas financé sur le budget des armées – ni en crédits ni en personnels. Par ailleurs, les surcoûts éventuels des opérations extérieures seront partagés par les autres ministères, au-delà de la somme inscrite à la charge des armées, 1,1 milliard.
Le gouvernement avait imposé, à l’été 2017, que ces dépenses soient assumées par le ministère, alors que le coût des guerres françaises était jusque-là majoritairement partagé par la solidarité interministérielle. En 2017, par exemple, la France a dépensé 1,3 milliard d’euros dans ses opérations extérieures.
D’autres dispositions étaient attendues par la défense : la vente des biens immobiliers des armées leur reviendra intégralement (500 millions d’euros sont attendus dans les sept ans), et la décote imposée par la loi Duflot pour promouvoir les logements sociaux ne s’appliquera que si 75 % d’entre eux sont réservés à des militaires.
Dans un autre registre, les droits des militaires en activité sont confortés. Ils pourront notamment exercer une forme de temps partiel (sous statut de réserviste). Ils pourront aussi être élus plus facilement dans les conseils municipaux. Ils restent toutefois des demi-citoyens puisque ce droit se limite aux communes de moins de 9 000 habitants et aux communautés de communes de moins de 25 000 habitants.