A Pékin, Edouard Philippe se fait philosophe
A Pékin, Edouard Philippe se fait philosophe
Par Frédéric Lemaître (Pékin, envoyé spécial)
En visite officielle en Chine, le premier ministre français a improvisé une réflexion autour d’un des sujets du bac 2018 devant un parterre d’étudiants.
Edouard Philippe, à l’université de Tsinghua, à Pékin, le 24 juin. / THOMAS PETER/REUTERS
Au troisième et avant-dernier jour de sa visite officielle en Chine, dimanche 24 juin, le premier ministre français, Edouard Philippe, a profité d’une conférence donnée devant un parterre d’étudiants de l’université pékinoise de Tsinghua pour leur faire un cours de philosophie… et
délivrer quelques messages politiques. Invité à s’exprimer sur le thème de l’innovation, le premier ministre s’est largement éloigné du discours écrit par ses conseillers pour improviser sur un des sujets du bac 2018 : « Le désir est-il la marque de notre imperfection ? ».
Edouard Philippe ne le pense manifestement pas. Assimilant le désir au « plaisir de savoir », le premier ministre s’est risqué à une lecture audacieuse de la Bible. C’est parce qu’elle voulait savoir qu’Eve a croqué la pomme, commis le péché originel et a été chassée du Paradis. « Le désir est la marque de notre humanité », a donc conclu le premier ministre.
Pour raccrocher des étudiants chinois peu habitués à la lecture de la Bible, le professeur Philippe eut recours à une citation de Confucius qui devrait bien davantage plaire à Emmanuel Macron qu’au pouvoir chinois : « Dépasser les limites est un moindre défaut que rester en deçà. »
Jugeant que, de nos jours, l’économie de la connaissance est une « marque de la puissance et de la souveraineté », Edouard Philippe qui devait rencontrer lundi matin le président Xi Jinping – ancien élève de Tsinghua –, a implicitement critiqué la censure dont Internet fait l’objet en Chine. « Seul un monde ouvert et fondé sur le droit peut garantir une économie de la connaissance », a-t-il déclaré.
Plaidoyer en faveur du multilatéralisme
Avant d’évoquer un autre sujet sensible à Pékin : la protection des données individuelles. Volontariste, il a invité la Chine à participer activement à la concertation internationale que la France entend lancer en faveur d’une « intelligente régulation internationale d’Internet » qui devrait surtout porter sur le partage des contenus en ligne, la protection des données individuelles et la fiscalité des entreprises.
Dans ce pays où les pratiques des grandes entreprises et de l’Etat sont aux antipodes du nouveau règlement européen sur la protection des données, Edouard Philippe a, après Confucius, rappelé de Gaulle à la rescousse. « La Chine a vocation à prendre sa part des intérêts et des soucis de l’univers tout entier », a-t-il fait remarquer avant de prononcer un vibrant plaidoyer en faveur du multilatéralisme qu’il faut « rééquilibrer en direction des puissances asiatiques et africaines ».
Mais le premier ministre, qui a multiplié les critiques à l’égard de la politique du président américain, Donald Trump, sans jamais citer les Etats-Unis, ne semble pas particulièrement optimiste. « C’est à vous qu’il revient de sauver l’humanité. C’est une belle mission. Bon courage », a-t-il conclu, anticipant implicitement l’échec de sa propre génération.