Outre-mer : la stratégie de Macron pour l’« archipel France »
Outre-mer : la stratégie de Macron pour l’« archipel France »
Par Patrick Roger
Le chef de l’Etat a tracé, jeudi 28 juin, à l’Elysée, la feuille de route du gouvernement pour ces territoires.
Emmanuel Macron et Annick Girardin, ministre de l’outre-mer, à l’Elysée, le 28 juin. / POOL / REUTERS
S’exprimant en clôture des assises des outre-mer, jeudi 28 juin, à l’Elysée, Emmanuel Macron a exposé sa « stratégie » pour les territoires ultramarins, et fixé la « feuille de route » du gouvernement sur la durée du quinquennat. Le chef de l’Etat, qui, depuis un an, s’est rendu à trois reprises outre-mer (à Saint-Martin, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie) et s’est engagé à aller dans chacun des dix territoires, avait déjà égrené, au fil de ses déplacements, une partie de ces axes stratégiques. Mais c’est la première fois qu’il livre une vision globale pour ce qu’il appelle l’« archipel France ». « Nous sommes un pays un peu particulier. Ce terme d’outre-mer, qui voudrait dire qu’il y a un centre et des territoires d’une périphérie lointaine, est toujours impur à décrire ce que nous sommes. Il y a un archipel de France, a rappelé le chef de l’Etat. La nation française ne se limite pas à un Hexagone et à des confettis d’empire. »
Les assises des outre-mer, lancées à l’été 2017, qui ont mobilisé plus de 26 000 participants, se veulent l’illustration d’une nouvelle démarche où, assure M. Macron, il ne s’agit pas de « penser depuis ici les projets pour l’ensemble des territoires, mais de les responsabiliser ». Une ligne bien dans la logique macronienne du « aidez-vous vous-mêmes », et, en même temps, l’Etat vous accompagnera.
Dérives des comptes publics
Ainsi, s’adressant depuis l’Elysée à un parterre de plusieurs centaines d’élus ultramarins, a-t-il souligné qu’« il faut des collectivités publiques dont la gestion soit saine », ce qui a dû faire grincer les dents de quelques-uns. Les étagères des chambres régionales des comptes regorgent en effet de rapports étrillant les dérives des comptes publics dans certaines collectivités, quand le président de la République a dit vouloir « créer un mécanisme de donnant-donnant avec les collectivités volontaires pour la contractualisation qui s’engageraient dans une démarche de redressement ».
M. Macron a particulièrement insisté sur la « bataille pour les créations d’emplois et le développement économique » dans les outre-mer, où le taux de chômage excède bien souvent les 25 %. Ce qui, pour lui, passe prioritairement par le soutien aux entreprises privées. « L’emploi public représente déjà un emploi sur deux », a-t-il rappelé. Les dispositifs d’aides économiques en faveur de l’emploi dans les outre-mer, qui avoisinent les 2,5 milliards d’euros, vont être « sanctuarisés » mais réformés en profondeur pour cesser d’abonder des secteurs non soumis à la concurrence.
Un fonds exceptionnel d’investissement de près de 500 millions d’euros sur le quinquennat va être également enrichi pour accompagner les projets locaux, et un nouveau dispositif d’intervention, doté de 400 millions d’euros, va être créé pour soutenir les initiatives privées. Parallèlement, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, 700 millions d’euros vont être engagés dans les outre-mer pour la formation des jeunes dans des filières d’avenir.
Au passage, le chef de l’Etat a évoqué quelques sujets sensibles comme, notamment, la surrémunération des fonctionnaires qui, selon lui, contribue à la vie chère locale. « Ayons cette lucidité collective de dire que nous avons organisé la vie chère par une politique de surrémunération, a souligné M. Macron. Je ne propose pas, à ce stade, d’y revenir, mais, à un moment donné, nous devrons collectivement, et ça devra venir de vous, proposer d’en sortir. Parce que c’est la surrémunération des uns qui crée la pauvreté des autres. » De même a-t-il annoncé une réforme des congés bonifiés pour les fonctionnaires, qui deviendra effective à partir de 2020, avec des congés moins longs, mais tous les deux ans au lieu de trois actuellement.
« Stratégie de biodiversité »
Il a également appelé au développement et à la structuration des filières économiques, notamment dans les domaines de la pêche et de l’agriculture, du bois ou de l’or, comme en Guyane. Concernant le projet controversé de mine d’or industrielle à ciel ouvert dit « Montagne d’or », une décision sera prise à l’automne, au vu du résultat du débat public. « Seules des exploitations exemplaires en termes environnemental et socio-économique pourront être créées », a néanmoins glissé le chef de l’Etat. De même a-t-il annoncé un projet de loi pour la prévention des risques naturels « d’ici à l’été 2019 ».
Autre axe stratégique développé par M. Macron : la « croissance verte et bleue ». « Nous sommes un pays de biodiversité unique » grâce aux outre-mer, a-t-il souligné, affirmant notamment souhaiter que la Guyane soit « au cœur d’une stratégie de biodiversité ». Rappelant que « nous sommes la deuxième puissance maritime du monde et nous ne le valorisons que trop peu », il a affirmé vouloir déployer « une stratégie maritime de recherche et d’innovation ». Le chef de l’Etat a l’intention d’accueillir, en 2020, « un sommet des îles du monde, pas forcément dans l’Hexagone ».
Comme il l’avait exposé lors de son déplacement, début mai, en Nouvelle-Calédonie, le président de la République a insisté sur la nécessité de « réancrer nos territoires dans leur environnement régional » en développant, notamment, les échanges et les mobilités. « Nous devons construire une stratégie dans chacun des bassins », a-t-il plaidé. Enfin, il s’est dit persuadé que la modification de l’article 73 de la Constitution prévue dans le projet de révision constitutionnelle transmis au Parlement permettra, par la différenciation et l’adaptation des normes aux besoins des territoires, d’accélérer le développement.
« J’ai entendu des rumeurs disant que tout ça ne donnera rien. Il ne tient qu’à nous que cela donne quelque chose », a lâché M. Macron, allusion discrète aux Etats généraux de l’outre-mer organisés, en 2009, par Nicolas Sarkozy, qui n’avaient guère été suivis d’effets. Un nouveau rendez-vous a été fixé dans dix-huit mois pour faire « un bilan précis » de la mise en œuvre de ces engagements.